Rappel du premier message :



BOUM !

Presque aussitôt après le choc sourd d’un objet (très) imposant entrant en contact brutal avec le contact de la carriole, ladite carriole pencha en grinçant vers le côté quand l’objet en question poursuivit sa route brièvement interrompue vers le sol.

En temps normal, un événement pareil aurait immédiatement attiré l’attention de Moira. (Déjà parce qu’en temps normal, un événement pareil ne se produisait pas). Seulement là, elle venait en même temps de se prendre l’équivalent immatériel d’une lame de fond magique. Il était rare qu’une magie aussi puissante se manifeste brusquement (généralement on la sentait arriver), et elle en eut brièvement le tournis.

Une fois qu’elle eut récupéré ses esprits, elle parvient à reconnaître la nature de cette magie. Elle ressemblait étrangement à celle du dragon-mage qu’elle avait rencontré il y a pas si longtemps, seulement en bien plus intense, chaotique et… acéré, faute d’un meilleur mot.

Un fois ses points de repère retrouvés, elle regarda à terre… et dut retenir une exclamation de surprise. À côté de la carriole se trouvait un dragon extrêmement similaire à son visiteur précédent, mais considérablement plus grand et, surtout, en très mauvais état. Sans perdre de temps, elle mit le frein, et sauta (enfin, autant qu’on peut sauter à son âge) à terre munie d’Aisling pour aller constater l’étendue des dégâts.

Pas de réponse. Allez savoir si son patient avait même entendu sa question. Il semblait avoir à nouveau sombré dans un sommeil dont les rêves n’avaient pas l’air plaisants et sa « fièvre » remontait. Moira trempa un nouveau linge pour le passer sur son front brûlant (littéralement). Elle doutait fort que l’eau en elle-même ait le moindre effet, mais elle espérait que le geste serait quelque peu apaisant, même subconsciemment. Elle était de toute façon à court d’autres idées.

Le geste de Réconfort de Moïra ne sut être Entendu dans la Cacophonie générée par la Chute de sa boucle d'oreille. Elle avait été son Guide dans les Murmures de l'Ääni et un Silence assourdissant succédait à sa Chute. Viholvärakuuna ouvrit péniblement un oeil où l'Eclat du Feu flambait d'une mortelle lueur qu'il fixa laborieusement sur l'objet gisant au sol. Un gémissement plaintif lui échappa dans sa Détresse. Il n'avait même plus Conscience de Moïra. Tout ce qu'il percevait était ce Symbole de sa Déchéance.

Signe de la fournaise qui habitait le dragon (autre que la vapeur que le linge se mit bien vite à dégager), une boucle d’oreille à moitié fondue chut au sol. Et, vu la réaction de son propriétaire, elle avait une importance plus qu’esthétique. Moira tenta de la prendre en main, mais ne réussit qu’à manquer de se brûler. « Pim, vois si tu arrives à la soulever, veux-tu ? » Sur ces mots, elle partit dans sa roulotte et en émergea bientôt avec quelques outils et une mince pierre précieuse d’un vert profond et chatoyant. Voilà qui devrait avantageusement remplacer la partie fondue de la boucle d’oreille.

Viholvärakuuna, le Maître des Mots de Pouvoir, ne pouvait que fixer les Vestiges de sa boucle d'oreille sans qu'aucun mot ne lui parvienne en tête. Il s'était figé dans son Agonie d'Eternité. Il ne Voyait rien des efforts du dragon-fée ou de l'humaine car cette Connaissance s'enflammait immédiatement en lambeaux. Les Flammes qui consumaient son Esprit portaient trop de Peines pour s'éteindre par un Espoir ténu qu'il ne réussissait plus à ressentir.

Absolument pas gêné par la chaleur, Pim s’empressa de soulever le bijou incandescent. Avec son aide et quelques outils fins permettant plus de précision que ses doigts (et plus résistants à la chaleur que ceux-ci), Moira plaça soigneusement la pierre verte là où un bout de l’anneau avait disparu. Ce n’était pas du travail digne d’un véritable orfèvre, mais le résultat était tout de même assez élégant pour ne pas faire rafistolé.

"Car quand tu cesseras d’Ecouter l’Ääni, alors Viholvärakuuna retournera au Néant, au Rien, au Vide, et ton Existence aura été vaine."

La Voix empreinte de Froideur de Valkulohikäärme sonnait lointaine pour les oreilles Mortelles. Mais pour les Sensibles, elle se parait de Pouvoir, et pour Viholvärakuuna, elle tonnait une vieille Leçon qu'il avait eu la Folie d'Oublier dans sa Souffrance.

Il resta un long moment Immobile, l'Oeil fixé sur sa boucle d'oreilles réparée par le Réconfort de Moïra, mais l'Esprit accaparé par l'Entremondes, et les murmures d'Ääni.

Puis enfin, un souffle tremblant le Réveilla.

Heureusement que Moira avait fini ses réparations, sans quoi la voix lointaine mais bien trop reconnaissable l’aurait fait déraper dans son ouvrage. « Toujours aussi aimable, celle-là », marmonna-t-elle. « Elle te démotiverait une fourmilière. » Elle avait toutefois déjà assez perdu de temps (et pas uniquement du temps) à se chamailler avec la dragonne et elle préférait pour le moment se concentrer sur son fils : « Bon retour parmi nous. Ca te va si Pim te remet ta boucle d’oreille ? La pierre devrait mieux résister à la chaleur que l’or. »

Le Souffle du Dragon était encore tremblant, empreint de la Fragilité d'un mourant, mais son Oeil était redevenu clair. "Je serai honoré que Pimarimponil me pare de cette Boussole que vous avez confectionné avec tant d'Affection et de Réconfort. On y sent la Force d'un Sielulintu." Viholvä ferma les yeux un moment, secoué d'un caillot brûlant. Il était encore loin de s'en être sorti ; mais l'Ääni lui avait dévoilé le Chemin. "Car je dois m'Abandonner à la Souffrance et la dépasser, et au-delà de son voile enfin percevoir la Connaissance. Lors, je l'écouterai. N'ayez crainte. Viholvärakunna est un Lieur de Pouvoir, pas un Lié."

Si elle ne s’était pas habituée aux formulations obscures du dragon, Moira aurait pu croire qu’il délirait. Heureusement, elle s’était assez habituée pour saisir qu’il appréciait la réparation et l’aide de Pim. Et il y avait aussi une autre évolution qui semblait positive : « Je suis ravie de voir ton regain de Courage et de Persévérance. » Elle n’était pas sûre de tout saisir au fonctionnement de sa magie, mais elle avait remarqué que les mots avaient un poids particulier avec lui, et elle comptait bien lui offrir autant de mots positifs qu’elle le pourrait ! Pim, pendant ce temps, s’envolait pour rendre son bijou à Viholvärakuuna.

"Alors ne craint rien quand mon Feu s'éteindra. Car je dois aller Voir au-delà de la Douleur, et de cette Mort que j'ai mené à mon Eternité, et y retrouver l'Equilibre ou Disparaître dans le Néant." Il se tut pour conserver ses forces pendant que Pimarimponil accrochait sa nouvelle boucle d'oreilles. Une sensation de Chaleur monta depuis son coeur, et elle ne le brûla pas. "Je vous remercie. Attendez-moi. Vous valez la Peine que j'apprenne cette Leçon tant Vieille que Nouvelle." Le dragon ferma les yeux et expira longuement en s'affaissant dans la Méditation, et ses écailles noircirent jusqu'à qu'il n'en reste qu'une filet rouge de Feu.

Même après avoir été prévenue, Moira eut beaucoup de mal à contenir son inquiétude en voyant son patient perdre les quelques signes de vie qui lui restaient. Ne pas pouvoir l’aider d’une manière concrète et tangible n’arrangeait d’ailleurs pas ses craintes, et ce même sans les murmures maléfiques des ombres, auxquelles le dragon avait imposé le silence. Mais la situation ne dépendait plus d’elle. Alors, elle raviva le feu, alla chercher un livre, et recommença à veiller son patient.

Dans sa transe, il n'y avait plus qu'un lien ténu avec son Corps. Son Esprit avait voyagé au-delà de la Douleur, où il n'y avait plus de Couleurs ou de Sons ou de Mouvements, dans l'Immobilité de ce Néant qui présageait toute Création ; et il s'y mouvait en quête de Sagesse.


Les Jours passèrent, qui se muèrent en semaines, mais qui n'étaient Rien pour lui. Il sentait son Feu s'éteindre, son Corps refroidir, son Souffle se raréfier. Mais nulle Peur, nulle Colère... L'Impuissance pouvait être Acceptée, lui avait autrefois dit Fotafilis.

Mon Ami. Une pensée, un oiseau qui s'envola dans le vent d'Aäni. Je suis prêt à Ecouter, Maintenant.

HRP:

Une voix familière. Mon Ami.
Voilà un moment que Fotafilis ne l'a pas revu. Il s'étonne. Il a un mauvais présentiment car le dragon ne lui aurait pas envoyé comme un Sielulintu pour lui annoncer une bonne nouvelle comme… la mort de son rival. Le dragon-fée blanc suit donc l'oiseau fantomatique en espérant ne pas y trouver un compagnon aux portes de la Mort. Bien des jours de vol plus tard, il trouve un tas de terre à l'allure étrange, gardé par une vieille humaine.

Au début, Moira se répéta qu’une longue léthargie n’était qu’une courte sieste pour un dragon. Mais les jours devinrent semaines et le dragon pierre. Elle fouilla sa bibliothèque, mais en vain, la Chantemagie n’étant évidemment pas documentée par écrit. « Douée, la guérisseuse ! Pas fichue d’empêcher un dragon de feu de se consumer ! » Les persiflages des ombres, atténuées un temps par l’intervention du dragon, étaient revenus et faisaient écho à ses états d’âme. Elle écoutait à peine Aisling, qui l’exhortait à se reposer et se nourrir. Quant à Pim, il allait du museau du dragon à la chevelure de Moira, désolé de les voir si mal en point.

Le marabout miniature observe l'humaine, un bourdon doué de parole et un jeune dragon-fée. Quelle étrange clique. Fotafilis décide d'interroger la femme en dépit des ombres qui semblent l'entourer.
"Salutation voyageuse. Auriez-vous vu un dragon rouge ?"

« Il est tellement mal en point qu’il n’est même plus reconnaissable ! Qu’attends-tu pour faire quelque chose au lieu de tourner en rond inutilement ? » L’arrivée du nouveau venu avait un peu atténué les voix maléfiques, mais pas assez pour que leur raillerie ne blesse pas Moira au plus profond de son être. Elle était en train de perdre son patient et elle n’avait pas le début d’une idée pour l’aider. Constatant que la guérisseuse n’était pas en état de répondre à la question du dragon fée, Aisling prit l’initiative : « Un dragon rouge particulier, ou tu as décidé que tu aimerais voir un dragon de couleur rouge une fois dans ta vie ? »

Fotafilis plisse les yeux face à ce bourdon bien ergoteur.
"Je cherche Viholvärakuuna, le dragon multicentenaire Chante-Mage parce que je le connais et je le sais dans le besoin ! Est-ce que cela répond à votre question ?" répond-il en volant juste en face de la femme qui semble bien mal.

« Que penses-tu que son ami pensera de tes prétendus soins ? » Les ombres reculèrent à nouveau un peu à l’approche du dragon-fée, mais certains de leurs murmures restaient malgré tout audibles. « Il est juste là. » Moira désigna d’un geste de la main le rocher longiligne qu’était devenu son patient, Pim seule tache de couleur roulée en boule sur son front. Exténuée et découragée par ses recherches stériles, la guérisseuse avait l’impression (et l’air) d’avoir pris dix ans en un mois.

Son ami est devenu un bloc de pierre. Certains se seraient roulés par terre de désespoir mais Fotafilis le prit calmement, réfléchissant déjà à comment arranger cette situation inédite.
"Sauriez-vous par hasard comment cela est arrivé ? Mais avant de répondre, vous semblez mal au point. Je suis marabout, quel mal vous ronge ? J'ai des herbes, des pommades..."
Et un peu de magie blanche.

« Elle a plus dormi ou mangé correctement depuis un mois », cafta Aisling. Moira balaya son inquiétude d’un geste de la main, préférant se concentrer sur son patient : « Il a trouvé le Coeur Brûlant du Monde, a lié sa puissance à lui, et maintenant cette puissance le consume. Il est dans une sorte de… transe censée l’aider. » Mais les effets positifs de cette transe se faisaient désirer.

Les explications de l'humaine sont concises et avares de détails.
"Je suppose que je peux tenter de l'aider d'une manière ou d'une autre."
Il pourrait planter des herbes de rêves bleus pour apaiser son esprit ou tenter de le toucher par la magie blanche voire d'entrer dans l'Aani mais cette dernière option serait dangereuse, très dangereuse.
"Reposez-vous, cherchez à manger, je veuille sur lui désormais."

Alors que Moira ouvrait la bouche pour minimiser son exténuement, Aisling lui coupa une nouvelle fois la parole : « Ecoute le moucheron, tu l’aideras mieux si tu tiens debout, espèce de tête de mule ! » N’ayant pas l’énergie pour protester, la guérisseuse secoua la tête avec lassitude avant de se lever (avec difficulté et en s’appuyant sur sa canne). « Prévenez-moi s’il y a le moindre changement dans son état, je ne serai pas loin. » Juste dans la roulotte, en fait, puisque c’est là que se trouvaient ses provisions et son lit.

Fotafilis hoche la tête en voyant l'humaine exténuée s'allonger dans sa roulotte puis se tourne vers le dragon immobile.
Qu'as-tu fait ?
Le dragon blanc se pose près de ce qu'il pense être sa tête en notant également la présence d'un dragonnet-fée. Le marabout maîtrise l'envie de reculer qui le taraude, voilà longtemps qu'il n'a pas côtoyé un membre de son espèce.
"Salutations, juvénile. Mon nom est Fotafilis. Puis-je connaître le vôtre ?"

Même s’il ne s’en était pas mêlé, le dragonnet avait suivi l’échange entre Moira et le nouveau-venu avec intérêt. Il attendait donc avec impatience que l’autre dragon-fée s’approche depuis qu’il avait entendu qu’il connaissait le dragon figé. « Moi c’est Pimarimponil ! Tu connais Viholvärakuuna ? C’est ton ami ? » Rien que le fait qu’il y ait du nouveau, quel qu’il soit, lui faisait reprendre espoir.

Le juvénile est particulière excité.
"Oui, je le connais. C'est un ami que je me suis fait il y a quelques années. Je vais essayer de... l'aider. Quelle est v-- ta relation avec lui ?"
Ce faisant, Fil ouvre son sac et commence à fouiller dedans.