Rappel du premier message :



Ce qui était magique avec ma famille (on se doute que quand j’utilise cet adjectif, c’est déjà mal parti), c’était que même en ne les voyant pas pendant des décennies et en étant à mille lieues d’eux, ils arrivaient à me surprendre. C’est con, j'aime pas des surprises. Ni les gosses. Et voilà que, surprise, je me retrouvais face à la mioche du Morpion (plus si gosse que ça, lui, faut croire). Ah, et ce même Morpion avait failli se faire éventrer par son dernier patron. C’est malin. La dernière fois il avait eu la présence d’esprit de prendre les devants.

Résultat des courses… ben c’était jusqu’à nouvel ordre moi qui écopait de la mioche. Pourtant même dans les Enfers personne aurait essayé de me faire garder des mômes. J’aurais probablement pu la planter là — d’autant plus qu’elle n’avait pas l’air d’être une chouineuse, c’était déjà ça — mais ben… appelez ça comme vous voulez, sens du devoir, honneur ou autre connerie dans le genre, je préférais voir si cette môme savait se débrouiller avant de la lâcher seule dans la nature. On sait jamais, au cas où c’était une des moins dégénérés de la famille, ça serait con qu’elle crève bêtement.

Nous voilà donc sur la route pour Isotier, dans la joie et la bonne humeur. Ou pas. Faut pas pousser quand même. D’ailleurs, ça faisait bizarre de me dire que j’allais faire plus qu’un bref bout de chemin avec quelqu’un. Ca m’était plus arrivé depuis la mort de Vraneï.

"Un poisson n'est rien face à dragon. Nous n'avons jamais combattu ensemble jusqu'alors. D'habitude, j'utilise l'arc mais je sais aussi me battre avec un surin en cas de combat rapproché. Que dirais-tu d'un exercice pour voir ?"
Than a bien compris que sa tante était une vétérane de la Brèche, elle était curieuse de voir ses talents et elle avait aussi hâte de lui montrer les siens même si cette dernière ferait encore acte de mauvaise foi.

Comme arsenal on avait vu mieux qu’un arc et un surin, mais je pouvais difficilement m’attendre à ce qu’une chasseresse manie l’épée, ou autre arme de corps à corps digne de ce nom. Il faudrait y remédier, mais pas tout de suite. « L’arc risque de pas te servir à grand-chose dans les ruelles. Faudra voir ce que tu vaux avec une lame en main après le repas. » Avec l’accent sur « après le repas ». Je comptais pas me lever de table avant d’avoir fini de manger.

Than retourne à son plat de ragoût, toute heureuse à l'idée du massacre qu'elles allaient perpétuer. En revanche, elle n'est pas d'avis qu'un arc soit inutile dans la ville. Certes, ce n'est pas comparable à la forêt ou aux grandes plaines mais elle peut toujours traquer sa victime depuis les toits.
"N'oublie pas que je peux tirer depuis les hauteurs !" dit-elle entre deux bouchées.

Le ricanement qui lui répondit en disait long sur mon opinion de l’arc comme arme de meurtre. Rien à faire, je l’associerais toujours à Sa Majesté le planqué qui restait bien à l’écart du réel combat.

Cela ressemble à un méchant ricanement mais Than en prend son parti et ricane en chœur avec sa tante.
"Hihi, ils n'ont même pas le temps de comprendre ce qui leur arrive !"
Il ne lui reste plus qu'à prouver à sa tante la drôlerie effective de la chose.

À voir deux elfes noirs de si bonne humeur, ça s’inquiétait un peu autour de nous, ce qui prouvait que nos voisins de table avaient des instincts pas trop pourris. « Il va falloir avoir une petite conversation avec certains quand même. Les infos de l’intérieur sont souvent plus fiables que les on-dit. »

"Ah. J'éviterai le cœur alors. Est-ce que je peux au moins leur estropier les jambes ?""
Than a bientôt fini son plat, elle a bien envie de rendre une petite visite à Tabac avant d'aller dormir.

« Bien sûr, c’est une méthode d’immobilisation comme une autre. » Quelqu’un toussa nerveusement à la table à côté, et se fit foudroyer du regard en réponse. Au moins il avait assez de jugeote pour comprendre le message, et recentra son attention sur son assiette.

Le reste du repas se poursuit jusqu'à ce qu'enfin Than finisse son ragoût et termine par un fruit (bien moins juteux que ceux de la forêt).
"Je vais jeter un coup d’œil à Tabac, ensuite nous pourrons nous entraîner pour demain."
Sans attendre de réponse, l'elfette noire se dirige donc vers les écuries.

Si la gamine avait été un membre de mon bataillon et s’était mis en tête de décider de notre programme, elle se serait pris un rappel à l’ordre gratiné. Mais ce n’était pas le cas, notre alliance étant surtout due à un objectif commun pour le moment — et mon envie de m’assurer qu’elle allait pas au casse-pipe — et je ne dis donc rien. Pour ma part je connaissais assez bien l’auberge pour savoir que nos chevaux seraient bien logés, et j’allais pas aller déranger le mien alors qu'il somnolait probablement.

Than va donc trouver Tabac qui s'agite aussitôt à son arrivée.
"Tu as été sage ? Je te présente Yenlu."
Le hibou grand-duc vient en effet d'apparaître, l'animal se perche sur la porte du box de Tabac, l'air de juger le quadrupède de ses yeux jaunes. Than apaise l'équidé en caressant son encolure. Elle laisse ensuite les deux animaux faire connaissance pour rejoindre sa tante.
"Que préfères-tu ? Un duel ou une démonstration coordonnée sur un arbre ? Ce serait tellement mieux avec une cible mouvante..."

Pendant que la gamine était partie, je m’arrangeai avec l’aubergiste pour utiliser sa cour intérieure pour notre « leçon ». On y serait plus tranquilles que dans la rue, et on risquerait moins de se faire emmerder par une milice quelconque. « Autant commencer par un duel, je veux voir ce que tu vaux au corps-à-corps. » Elle avait de la chance : je n’utiliserais pas mon épée pour une fois. Les petites frappes qui manient l’épée à deux mains, c’est plutôt rare.

Than revient donc dans la cour intérieure de l'auberge, prête à affronter sa tante au corps-à-corps. L'exercice en tant que tel est plutôt rare (Errik ne lui apprenait pas à être mercenaire) mais l'elfette noire a déjà eu l'occasion d'éviter un coup ou un traquenard. La chasseresse devra compter sur son agilité et sa mobilité par rapport à son adversaire.
"Je n'ai pas que mon arc et mon couteau comme armes je te préviens mais je ne les utiliserai pas sur toi."

« Et tu comptes me montrer tes compétences comment si tu n’essaies pas de les utiliser sur moi ? » Le mot-clef étant « essayer ». Même si elle était aussi douée qu’elle le pensait (ce qui restait à prouver), les chances qu’elle parvienne effectivement à me toucher au corps-à-corps, une discipline dans laquelle j’étais spécialisée depuis des siècles et elle pas, étaient minimes.

Than note bien le mot "essayer" mais n'est pas du même avis que sa tante. Elle réussit assez facilement ses tentatives et elle sentait l'approbation d'Errik derrière sa prévenance.
"Je ne veux pas aveugler définitivement ma tante. à moins que tu n'aies des potions de soin magique sur toi."

« Tu as une bien haute opinion de tes talents. » Tant mieux pour elle si c’était justifié, tant pis pour elle sinon. « Bon, dans quelles circonstances est-ce que tu t’es déjà battue au couteau ? » Un duel amical ou un entrainement étaient bien différent d’une rixe imprévue où on risquait la mort au moindre faux mouvement.

"Hum, contre un ours je crois que c'était au couteau."
Cet exploit remonte à sa formation de chasseresse. Peu après avoir reçu son animal de lien, l'elfette s'était dit que tenter un ours avec un "cure-dent" serait une bonne idée pour se faire une idée face à un dragon. Than n'utilise pas souvent le couteau, quelques entraînements tout juste pour ne pas perdre la main. Elle préférait nettement l'arc et avait dans l'idée de s'essayer à la lance.

« À part un troll, la plupart de tes adversaires auront une meilleure technique de combat qu’un ours. Montre-moi ta garde. » Autant commencer par les bases pour constater l’ampleur des désastres. Accessoirement, il fallait avoir un sacré grain pour s’attaquer à un ours avec un simple couteau. Une preuve de plus qu’elle avait du sang Niraen.

Than lui montre donc sa garde. Celle-ci est assurée, sûre. Le contraire aurait été étonnant. Mais à la différence de beaucoup de personnes, Than ne montre pas ostensiblement son arme.

Sa garde avait l’air potable. Voyons maintenant ce que valaient ses réflexes. sans prendre la peine de me mettre moi aussi en garde ou de la prévenir, je dégainai ma propre dague et fondis lame en avant vers son flanc droit, le plus exposé. Pas de quoi la blesser si elle était trop lente, mais de quoi la surprendre si elle ne se tenait pas suffisamment sur ses gardes.

Than effectue alors un geste d'esquive au dernier moment et glisse un pied sur l'appui de sa tante pour la faire tomber. Sans doute que la guerrière aguerrie s'y attendrait mais elle ne pouvait pas anticiper toutes les parades de la jeune elfe, elle devait privilégier un technique plutôt qu'une autre !

Elle avait du potentiel, apparemment. Au moins elle se figeait pas comme un lapin et elle trébuchait pas sur ses propres pieds. Je ne lui ferais pas non plus le plaisir de trébucher sur les siens. « Il y a de l’idée. » Elle bougeait assez vite pour avoir de bonnes chances de surprendre un adversaire moyen. « Montre-moi ton attaque, maintenant. »

Than fait mine de se détendre, elle tourne même la tête vers le ciel comme si elle voyait un oiseau passer.
Avant d'attaquer frontalement, pile au centre, un coup d'estoc vers le ventre. Ce geste fait parfois loucher ses proies tant il se trouve au centre de leur vision. Ils ne peuvent pas du coup savoir vraiment comment parer, ni à quelle distance se trouve le bout pointu de la lame d'argent.

Et voilà qu’elle se mettait à minauder comme un chat distrait par la première mouche venue. C’était bien joli, mais un peu inutile vu que je savais qu’elle allait attaquer (c’était moi qui le lui avais demandé après tout). Et le chaton finit par sortir ses griffes. Je fis un bond en diagonale pour me retrouver deux pas en arrière et sur ma droite, histoire de voir si elle serait emportée par son élan ou si elle se rattraperait. « Il fallait oser. Pourquoi est-ce que tu vises l’estomac plutôt que le coeur ? » Si les deux étaient mortels, bien exécutés, un coup au coeur était plus direct et immédiat.

Than se rattrape évidement et enchaîne avec un coup supplémentaire avant d'enfin répondre à sa tante.
"Je vise l'estomac parce que c'est une cible plus grande et non protégée par la cage thoracique C'est pareil pour les dragons, si ma flèche arrive à traverser la peau d'écailles, rien ne dit que les os en dessous ne sont pas encore plus résistants. Mais de manière générale, je préfère trancher l'artère carotide pour tuer."