Rappel du premier message :



Ce qui était magique avec ma famille (on se doute que quand j’utilise cet adjectif, c’est déjà mal parti), c’était que même en ne les voyant pas pendant des décennies et en étant à mille lieues d’eux, ils arrivaient à me surprendre. C’est con, j'aime pas des surprises. Ni les gosses. Et voilà que, surprise, je me retrouvais face à la mioche du Morpion (plus si gosse que ça, lui, faut croire). Ah, et ce même Morpion avait failli se faire éventrer par son dernier patron. C’est malin. La dernière fois il avait eu la présence d’esprit de prendre les devants.

Résultat des courses… ben c’était jusqu’à nouvel ordre moi qui écopait de la mioche. Pourtant même dans les Enfers personne aurait essayé de me faire garder des mômes. J’aurais probablement pu la planter là — d’autant plus qu’elle n’avait pas l’air d’être une chouineuse, c’était déjà ça — mais ben… appelez ça comme vous voulez, sens du devoir, honneur ou autre connerie dans le genre, je préférais voir si cette môme savait se débrouiller avant de la lâcher seule dans la nature. On sait jamais, au cas où c’était une des moins dégénérés de la famille, ça serait con qu’elle crève bêtement.

Nous voilà donc sur la route pour Isotier, dans la joie et la bonne humeur. Ou pas. Faut pas pousser quand même. D’ailleurs, ça faisait bizarre de me dire que j’allais faire plus qu’un bref bout de chemin avec quelqu’un. Ca m’était plus arrivé depuis la mort de Vraneï.

La bonne nouvelle du jour était que cette bande avait pas l’air de contenir de mage. Un problème de moins. J’esquivai quelques coups (autant leur technique risquait pas de me poser de problème, autant leur nombre rendait le tout un brin plus compliqué) avant d’éliminer un sbire d’un coup de taille fatal. Un de moins à surveiller (à part pour éviter de trébucher dessus bien sûr).

Les badauds peu alertes -- s'il est possible d'en trouver à Isotier -- ne remarquent même pas l'elfette noire qui court le long des toits pour retourner au quartier général. Yenlu lui indique par télépathie que Larae est déjà sur les lieux, elle ne va pas lui laisser de victimes, saleté de tante !

En effet, le nombre d’adversaires capable de tenir une arme (ou même de se tenir debout) fondait à vue d’oeil. Seul leur nombre rendait l’exercice intéressant, parce que c'est pas leurs compétences en combat qui allaient leur donner la moindre chance face à moi. Enfin, c'est ce qui arrive quand on se barre avec ses meilleurs sbires et on laisse les trouffions de service garder le magot.

Vitesse d'elfe le permet : Than arrive avant que ça soit fini. Vitesse d'elfe désoblige : il en reste peu même si le colosse à l'arbalète est toujours debout. La chasseresse lui tire une flèche dans la tête, achevant l'élément le plus prometteur du lot sous le nez de sa tante.
"Héhé ! On s'amuse sans moi ?"

Oh, qui voilà ? « Aussi étonnant que cela puisse te paraître, le monde tourne pas autour de toi, Chaton. » En face de nous (ou à nos pieds, selon l’état de validité des trouffions), ça trouillait ferme de voir arriver une elfe de plus (sans doute qu’ils étaient trop bigleux pour remarquer que c’était une gosse. Ou alors le crâne transpercé de l’arbalétrier avait fait son effet). Mais la peur ne les rendait pas meilleurs combattants (malheureusement pour eux, et pour moi aussi parce que c'était barbant).

"Donc tu t'amuses ? dit Than entre deux coups de dague. Ce n'est plus trop un défi maintenant que je suis là."
La chasseresse est très décontractée et en profite pour perfectionner ses techniques à l'arme blanche. Elle surveille toutefois du coin de l'oeil sa tante qui reste une elfe noire bien sournoise et rancunière. Possible qu'elle lui tire dans les pattes par vengeance.

« Oh, même avant ton arrivée ça n’en était pas un. Une mise en jambes, tout au plus. » Mais une mise en jambes dans un bâtiment qui cramait quand même (j’étais bien placée pour le savoir : c’est moi qui avais foutu le feu). Allez, on dégage les derniers gêneurs et on bouge. « Va falloir s’arracher si on veut pas finir rôties. »

"Pfff, pas de problème."
La chasseresse peut remercier la dernière idée d'entraînement à la dure qu'elle a eu : survivre aux feux de forêt. Quand une chasseresse affronte des dragons dont la majorité crache du feu, elle doit éviter les arbres en feu et éviter de respirer la fumée. Than se faufile hors des lieux plus vite qu'elle n'y est entrée et se prépare à accueillir les lapins qui auraient envie de la suivre.

Quelques derniers coups bien placés et j’émergeais moi aussi à l’air libre, un sac de babioles précieuses en bandoulière et avec le sentiment d’avoir eu un après-midi productif (faute d’avoir un sentiment de devoir accompli, puisque ma cible principale voguait toujours en haute mer. Tant pour pour cette fois.) « Bon, ben on retourne à l’auberge le temps de se décharger. T’as récupéré des souvenirs aussi ? »

"J'ai trouvé des lames sympatoches et une sarbacane avec des motifs forestiers dessus."
L'objet d'un chasseur, aucun doute là dessus. Encore aucun indice sur mon père mais mon instinct me dit que je trouverai vite une piste, ce n'est qu'une affaire de jour !
Mais pas le temps de trop s'attarder, autant les examiner davantage à l'auberge avec une assiette sur le feu. Elles pourront ainsi réfléchir à comment retrouver Stej, le père de Than et le frère de Larae.

Donc, la mioche préférait choper de quoi s’équiper plutôt que des bibelots à revendre pour se remplir la bourse. En même temps, vu son âge, elle n’avait probablement pas encore eu l’occasion de se construire un arsenal digne de ce nom, ça se défendait. Retour à l’auberge donc, pour faire le point et aviser pour la suite.