Il devait avouer qu'il se sentait un peu de trop dans cette scène familiale. Décidant qu'il valait mieux laisser opérer la chaleur du réconfort apporté par une famille aimante, le prêtre se retira dans son coin, attentif néanmoins à rester accessible en cas de besoin. Il zieutait tout autant Patya que Nadejda qui devait faire face à trop de chamboulements à son goût alors que la naissance de son enfant approchait. Surtout qu'il ne s'agissait pas de sa première grossesse.

Olya et Oleg jettent des regards gênés vers le prêtre sans oser lui adresser la parole. Ils plongent régulièrement le nez dans leurs tasses pour se cacher ou se donner une contenance. Patya finit par se calmer et Nadejda s'efforce de respirer calmement. Elle a déjà eu huit enfants et s'attend désormais à accoucher à tout moment. Piotr lui demande silencieusement si ça va, elle hoche la tête tandis que Patya s'excuse en reniflant d'avoir trempé le pull de son père.

HRP :

Il restait toujours en retrait, ne faisant que sourire à Olya et Oleg pour les rassurer : il ne se sentait pas vexé ou outragé d'être ainsi mis à l'écart. Plutôt gêné d'être témoin d'une scène aussi intime. Mais il ne pouvait pas partir comme un cheveu sur la soupe, ce qui reviendrait à envoyer un mauvais signal à la famille bouleversée. La patience restait la meilleure solution.

HRP:

"J'apprends toujours." répondit sincèrement le prêtre. Cela ne le gênait de confirmer auprès de cette famille son secret. Il savait qu'il serait bien gardé. "La survie m'a dicté d'apprendre rapidement à ne pas paniquer. Mais le faire volontairement me demande du calme et de la concentration."

Mikhaïl et Nadejda gardèrent le silence. Les émotions se bousculaient dans leurs cœurs à les rendre muets. Incroyable, murmura Pyotr tandis que les jumeaux laissaient leur thé refroidir. C'est pour ça... ajouta-t-il, persuadé que c'était la raison pour laquelle le prêtre les soutenait. Il n'envisageait pas encore qu'il pouvait avoir d'autres motivations. J'veux pas être un animal, chougnia Patya. Je vais me faire prendre !

"Eviter ce destin est l'objectif de ton entraînement, Patya. Crois-moi, on ne peut pas contrôler la transformation par la peur, seulement par la connaissance." Il lui sourit gentiment. "Tu peux y arriver."

"Comme toujours." répondit sincèrement Micha en souriant d'un air un peu taquin. "Certains diront que la connaissance est aussi longue que la vie humaine mais elle te viendra assez rapidement pour te permettre de contrôler la transformation. Quant à en comprendre le sens... dis-le moi si la connaissance te vient subitement."

"Oh ! Tu peux l'être, jeune Pyotr. Père Yakov est parti de plein gré et doit être bien aise de sa nouvelle vie. Nous ne pouvons pas lui tenir rigueur de certains.... égarements grandement partagés par notre nation. Malheureusement." Son esprit lui soufflait qu'il faisait preuve d'imprudence à en parler aussi librement mais il se sentait libéré d'exprimer quelque peu sa position, de laisser tomber son visage de poker et d'être sincèrement lui-même ; il ne pouvait même pas l'être avec sa famille.

Tout le monde approuva ses paroles, d'un sourire ou d'un petit mot d'assentiment. Le soulagement semblait être le sentiment le plus fort à l'instant pour chacun d'entre eux. Olya posa sa tasse froide et se tourna vers le Père Micha. C'est quoi, votre animal ? demanda-t-elle, surprenant tout le monde. Olya ! s'insurgea sa mère, incertaine qu'on puisse poser ce genre de question. C'était si nouveau pour tout le monde que les codes de conduites étaient flous en la matière.

Le prêtre ne perdit pas son sourire une seule seconde. "Ne vous en faites pas, Dame Nadejda, il n'y a pas d'offense. Juste la curiosité d'un enfant qui, je le sais, ne sortira pas de la sécurité de cette maison." Après Patya, ils étaient les premières personnes auxquelles il allait avouer sa zoothropie, mettre des mots dessus sans se cacher derrière l'ambiguïté. "C'est un harfang, un hibou du grand Nord. Un grand oiseau au plumage immaculé."

"Il faudra tout de même doser ton degré d’aptitude pour ne pas paraître suspect." tempéra gentiment Micha qui craignait bien trop qu'une trop grande confiance issue de leur acceptation ne soit fatal à l'enfant. Il s'en voudrait particulièrement si un malheur arrivait à Patya à cause de ça. "Prêt à reprendre l'entraînement, mon Fils ?"

Patya hocha la tête bravement. Le moral était de retour, il se sentait d'attaque pour retourner à l'école. Et en plus de ses devoirs et de ses corvées, il avait bien l'intention de s'entraîner dur. Je suis désolé d'avoir manqué l'école, s'excusa-t-il, autant auprès de ses parents que du Père Micha. Je prendrai pas de retard, promis. On lui a déjà montré les maths, précisa Oleg, tout fier, à l'intention du prêtre.

"Oh ne t'en fais pas, Patya, tu ne seras pas le premier à avoir un petit coup de mou qui te fait rater une journée d'école. Nous reverrons tout ça ensemble." Il n'avait pas assez d'enfants pour ne pas avoir le temps de leur faire du travail différencier. Le prêtre termina son thé et se leva, non sans jeter un regard inquiet vers la mère de famille : "Si vous m'assurez que tout va bien, je ne vais pas vous déranger plus longtemps. Il n'est plus l'heure des conversations mais celle de la prière et du juste repos."

Un chœur de "bonjour", puis un autre de "ouiiii" accueillirent les parole du Père Micha. Ainsi qu'une flopée de "à vos souhaits" et de petits mots gentils pour son rétablissement. Patya offrit au prêtre un grand sourire qui traduisait à la fois sa joie d'être là et sa détermination à agir comme un grand garçon responsable. Soyez en bonne santé*, Père Micha, dit-il en passant près de lui.



*qui est littéralement l'équivalent de "à vos souhaits" en russe, je viens de découvrir ça 8D