Patya hocha gravement la tête et se força à sourire pour faire bonne figure au cas où des camarades regardaient dans leur direction. Oui Père Micha, répondit-il sagement. Il aurait voulu rester avec lui, mais il ne voulait pas éveiller les soupçons. À contre-cœur, il rejoignit les autres enfants et s'intégra au jeu en cours.

HRP :

Il regarda l'enfant partir avec un sourire scotché au visage qui disparut dès qu'il se fut tourné pour revêtir un visage plus inquiet. Comment aider au mieux Patya ? Lui même avait eu du mal à maîtriser la transformation et il contrôlait ses émotions mieux qu'un enfant. Mais un enfant apprenait bien plus vite qu'un adulte. Il devait juste y réfléchir pour rassurer Patya par son absence d'hésitation.

Le garçon n'était pas vraiment dans le jeu et fit plusieurs gaffes, gentiment attribuées par ses amis à son trébuchement. Il ne s'amusa pas autant que d'habitude, même si le fait de courir lui fit du bien et vida une bonne partie de son angoisse. Malgré tout, il se sentait déjà mieux lorsque la partie prit fin avec une belle égalité. Il était même suffisamment détendu pour rire sincèrement d'une blague de Grichka.

Réfléchir calmement lui était toujours plus facile lorsqu'il avait les mains occupées à une activité sans prise de tête. Du genre de balayer l'église. Les enfants ne se rendaient jamais compte de la saleté que leur seule présence y amenait. Alors que ses pensées s'entortillaient dans des projets pédagogiques qui lui semblaient vains, la solution lui vont comme une illumination. Eurêka ! Il devait simplement apaiser les angoisses du garçon et lui apprendre à avoir confiance en lui. Le reste suivrait naturellement. C'était un enfant, après tout.

Après leur jeu, les enfants s'égaillèrent dans les rues et la campagne. Sur le chemin du retour, Patya se contenta d'un "hmm hmm" quand l'un de sa sœur lui demanda si ça allait. Il n'avait pas envie de parler de la transformation, il avait juste envie d'un câlin de ses parents. Il songeait aussi au lendemain, comme il avait à la fois hâte de retourner en classe et peur de ce qui pouvait encore arriver. Au moment de se coucher, il ferait une prière un peu plus longue pour s'assurer l'amour de son créateur.

Micha n'avait guère dormi de la nuit, l'esprit bien trop accaparé par le petit souci de fourrure de Patya et les idées qu'il pouvait trouver pour l'aider à le contrôler. Il était aussi inquiet pour le moral de l'enfant qui s'en était parti bien dépité la veille. Quand il ne le vit pas arriver avec les autres enfants, l'inquiétude monta crescendo. Si Patya ne se montrait pas avant la fin de l'école, il irait faire un tour du côté de sa ferme s'enquérir de son état.

Patya ne s'était pas présenté à l'église et l'inquiétude de Micha n'en était pas redescendue. Il prit donc son manteau et son écharpe et sortit braver le vent qui s'était levé en même temps que la nuit tombait, de plus en plus tôt avec l'avancée de l'automne. Il n'eut aucun mal à retrouver la ferme et toqua quelques coups à la porte, le nez enfoncé dans la laine autour de son cou. En bon urbain qu'il était, il trouvait décidément la campagne bien froide !

Nadejda ouvrit la porte et invita le prêtre à entrer se réchauffer. Une tisane, mon Père ? proposa-t-elle en sortant des tasses tandis que la bouilloire chantait déjà sur le poêle. Laisse maman, je m'en occupe ! s'écria aussitôt Oleg en prenant les tasses. Nadejda sourit et se laissa faire. Olya, va chercher Patya s'il te plaît, glissa-t-elle à sa fille avec un caresse dans les cheveux avant de s’asseoir près de l'âtre.

Nadejda ne semblait pas surprise de le voir débarquer à l'improviste. "Veuillez m'excuser de m'imposer ainsi sans m'annoncer, ma Fille. Mais il semble que vous soyez déjà au courant de la raison de ma venue." Micha s'assit devant l'âtre avec un sourire de contentement, son corps transi de froid commençant à se réchauffer. "Je n'ai pas vu Patya aujourd'hui et je m'inquiétais par rapport aux événements d'hier. Comment va-t-il ?"

Nadejda répondit d'un sourire. Le Père Micha semblait avoir tellement à cœur d'aider son fils qu'elle n'était pas surprise de le voir chez eux après une absence de Patya. Il va bien, répondit-elle. Seulement il a peur pour nous. Plus encore que pour lui-même. Je n'ai pas pu le convaincre de retourner à l'école ce matin. Oleg, à côté d'elle, préparait la tisane en faisant mine de ne pas écouter. Pour être honnête, je songe à le garder à la maison le temps qu'il... se maîtrise un peu, ajouta-t-elle un peu gênée.

"Son absence a été remarquée aujourd'hui." lui dit doucement Micha. Il ne voulait pas paraître affolant mais il savait que se terrer n'allait pas arranger les choses. Pourquoi se cacher si rien n'allait de travers ? Les villageois se poseraient des questions. "A moins que vous ne mentiez sur une maladie, Patya attirera les commères autour de cette maison. Et le moral de Patya risque également d'en souffrir. Nous avons un projet à l'école auquel il était impatient de participer."

Je sais, acquiesça tristement Nadejda. Les couleurs de l'église avaient alimenté nombre de conversations pendant les repas. J'ai même utilisé cet argument ce matin. Oleg emplit les tasses et les distribua. Merci mon chéri. Va voir ce que font Olya et Patya, veux-tu ? Le garçon hocha la tête et quitta la pièce. Quant au risque de commérage... Elle soupira. Mikhaïl et moi ne sommes pas tombés d'accord sur le sujet. Elle eut un sourire timide.

Nadejda hocha la tête, compréhensive et reconnaissante. Elle allait répondre quand Patya se montra enfin à l'entrée de la pièce à vivre. La mine basse mais le regard volontaire et déterminé, il salua poliment le Père Micha d'une petite voix timide et alla s’asseoir entre lui et sa mère. Les mains serrées sur les genoux, il attendit en silence. Olya et Oleg prirent place de l'autre côté de la pièce avec leur propre tasse de thé. Silencieux également, ils se jetaient des regards impatients.

Un petit sourire pointa au coin de ses lèvres tandis que sa mère remerciait silencieusement leur invité pour sa légèreté. Elle n'en finissait plus de remercier le ciel pour son arrivée au village. Mais Patya redevint aussitôt sérieux et prit quelques secondes avant de répondre. Je ne suis pas malade, dit-il en regarda Micha par en-dessous. Je m’entraîne. Je veux apprendre à maîtrisé le... Je veux protéger ma famille. Très ému, il se tut. Sa mère lui caressa le bras. C'est notre rôle, ça, Patya, lui dit-elle avec beaucoup de douceur.

"Te cacher n'est pas une solution viable, Patya." lui dit doucement le prêtre. "Cette situation interroge les habitants du village. Pour un jour ou deux, tu peux être malade ou aider ta maman avec le bébé qui arrive mais, plus longtemps, tu amèneras de la suspicion sur cette maison. Tu ne peux pas te cacher totalement le temps de contrôler parfaitement."

Micha ne rajouta rien. Il ne tenta ni de rassurer l'enfant ni d'insister, préférant le laisser réfléchir de lui-même alors qu'il se réchauffait avec son thé. La décision n'appartenait qu'à Patya en définitive. S'il se braquait, tous leurs efforts ne serviraient à rien.

L'enfant avait envie de donner un coup de poing sur la table, un coup de pied dans la chaise, d'envoyer valser le thé brûlant. Il cacha son visage dans ses mains. Sa colère s'était accumulée sans qu'il ne s'en rende compte et s'ajoutait maintenant la honte. Honte de réagir si violemment devant le père Micha, de se rebeller malgré les encouragements de sa mère et devant Olya et Oleg qui les épiaient dans leur coin. Il se retint de crier comme il retenait ses coups et bientôt, se mit à pleurer.