Rappel du premier message :

Pasha ne cessait pas de regarder au-dessus de son épaule. C'était devenu une habitude malsaine depuis la dernière fois. Il les avait vu venir de loin. Un humain lambda ne les aurait pas remarqué. L'un s'était déplacé sur les toits, l'autre parmi la masse de peuple en bas. Les deux avaient eu une capuche qui jetait une ombre sur leurs visages, les rendant totalement méconnaissables. Pourtant l'instinct lui avait dicté l'inverse. Pasha savait quand il était suivit. Les semer avait été une tâche difficile dont il n'était malheureusement pas sorti totalement indemne.

Il crispa les doigts au souvenir.

Parfois, comme maintenant, il se surprenait à penser que cette vie de fugitif n'en valait pas la peine. Qui avait envie de vivre sa vie avec tant de paranoïa ? Pourquoi avait-il proposé de fuguer il y a sept ans ? Leur vie serait sûrement bien meilleure sans cette poursuite implacable du Vatican.

Pasha grommela.

Et pourtant, dès qu'il ouvrit la porte de leur appartement temporaire, il changea d'avis. Son regard tomba sur Klaudia, assise à côté du lit où dormait leur fils fiévreux. Un parfait petit mélange de ses parents. Les traits durs du visage de Pasha s'adoucirent en les voyant.  

J'ai trouvé les médicaments. Il souleva le sac en papier qu'il tenait dans sa main.

Les âges des persos:

Pasha avait l'espoir que les médicaments allaient aider. Il avait l'air d'aller mieux, non ? Au moins il dormait paisiblement pour le moment. On verra demain alors. Il est entre les mains du Seigneur. Même s'il avait la foi, Pasha avait du mal à laisser l'état de son fils entièrement à Dieu. La médecine et la prière allaient main dans la main. Tu n'as pas besoin de te reposer ? Klaudia avait l'air presque aussi épuisé que leur fils.

Quand le soleil se lèva tôt le matin, Pasha était toujours réveillé. Il n'avait pas voulu risquer réveiller le petit qui était collé contre sa maman comme quand il avait été bambin, ni sortir Klaudia de son sommeil qui avait l'air absolument nécessaire. Tant pis pour son propre sommeil. Il survivra. C'est que quand les symptômes de la fièvre de Feliks s'empirèrent que Pasha osa doucement secouer sa compagne.

Non, avoua-t-il. Il y avait pourtant un moment durant la nuit où la fièvre semblait avoir passé. Je ne sais pas quoi faire. L'idée de demander de l'aide ne lui traversa même pas la tête. Impossible de faire confiance à qui que ce soit.

Tu veux confier notre enfant à l'église ? Il se voulait pas si dur, mais le manque de sommeil et la peur de perdre son enfant l'empêcha de bien filtrer ses pensées. Autant le tuer nous-même. Les tentacules du Vatican se rependaient loin. C'était impossible de prédire si un prêtre connaissait le Programme ou pas. S'ils n'avaient que reçu les informations qui les concernaient dirèctement au camp, c'était pour une très bonne raison.

......... Pasha lança un regard inquiet à Feliks, puis en échangea un avec Klaudia. Doucement, les rouages dans sa tête se débloquèrent. Si c'était dans ses habitudes de jurer, il l'aurait fait à cet instant même. D'accord. Mais il allait y aller préparé. Prévois un sac de voyage au cas où on ne peut plus revenir. Je vais voir pour nos armes.

Un dernier tour de l'appartement et ils étaient prêt à partir. Pasha ramassa son sac à dos, puis s'approcha du lit pour soulever la petite chose dans ses bras. Il garda son fils contre lui avec un bras protecteur, enroulé dans sa couverture. Allons y. Une main libre se posa dans le bas du dos de Klaudia pour la guider vers la porte d'entrée avant de reprendre sa main et de la serrer dans la sienne.

Il avait dû faire attention à ne pas prendre sa main gantée, toujours fragile à cause de la vieille cicatrice, et elle serra la sienne en retour. Ils partaient encore mais pour un long voyage. Prévoir le pire d'une situation étaient devenu une seconde nature pour eux mais avec leur bébé niché contre son père, Klaudia espérait vraiment que les choses se passeraient bien. "Si jamais.... enfuit-toi avec Feliks, on se retrouvera."

Une réponse simple comme elle en voulait. Elle serra affectueusement sa main une dernière fois avant de le lâcher à la sortie de l'immeuble pour vérifier que la voie était sûre. Si tôt le matin, les rues restaient animées entre les travailleurs de nuit et ceux qui entamaient leur journée ; parfait pour se fondre dans la masse. Klaudia connaissait l'emplacement du couvent, comme tous les autres lieux dirigés par les religieux, mais ne devait pas chercher à l'éviter cette fois.

Se fondre dans la masse restait plus compliqué à trois que seul. Pasha avait l'impression de sentir des regards de tous les côtés. Fuir ses collègues l'avait rendu parano ; il n'aimait pas. Pourtant, y aller par les toits n'était pas une option avec Feliks. Pasha grommela. On est exposé. Ca lui demandait toute la volonté du monde pour marcher calmement.

"Soit plus..." Elle faillit dire "naturel" mais le terme était mal choisi. "Commun." Klaudia se rapprocha de lui jusqu'à lui reprendre son bras libre pour marcher plus lentement. "Garde ton attention sur Feliks et ton entourage proche. Je veille au loin." Elle affichait un sourire de façade tout en parlant à voix basse mais ses yeux scrutaient les toits, l'air de rien.

Il y eut un micro accroche dans sa marche quand Pasha vit le prêtre, ce qui l'alerta immédiatement. En repérant à son tour l'homme d'église, Klaudia tenta de garder le change de la jeune épouse épanouie au bras de son mari mais Feliks choisit ce moment pour se remettre à tousser, faisant trembler le paquet dans les bras de son père. L'instinct était plus fort qu'elle, les masques tombèrent pour s'acquérir de l'état de leur fils.

Courir serait stupide. C'est ce qu'il voulut faire instinctivement pourtant ; maudit soit son conditionnement. Comme Klaudia, c'est la souffrance de son fils qui le remmena sur terre. Pasha s'arrêta pour regarder le petit visage rougit de Feliks. La couverture cachait la majorité du paquet, mais il semblait toujours avoir froid. Peut-être que quitter l'appartement avait été une mauvaise idée après tout...

Une toux de mauvaise augure l'arrêta dans son pas joyeux. Mikhaïl se figea en clignant des yeux pour observer les badauds qui l'entouraient. Son regard inquiet tomba sur un couple et leur enfant bien trop emmailloté et bien trop tremblant pour son propre bien. Le prêtre s'approcha doucement d'eux. "Navré de vous accoster ainsi, mon Fils, ma Fille. Je ne peux m'empêcher de m'enquérir de la santé de votre enfant." leur dit-il d'un ton bas et discret, qui n'en perdait rien de sa chaleur.

Klaudia agrippa plus fermement le bras libre de Pasha pour lui empêcher toute réaction instinctive, ce qui retient également tous mouvements protecteurs un peu trop violents de sa part à l'approche d'un inconnu. "Mon Père" fit humblement la brune. "Merci mais..." {La Providence Trésor, la Providence.} Klaudia sembla abattue, consciente que ses mots pouvaient sceller l'avenir de son fils... ou le sauver. "Nous avons besoin d'aide."

Il était peut-être restraint, mais ça n'empêchait pas le froncement de ses sourcils. Si les regards pouvaient tuer... Chaque fibre de son corps demandait au prêtre de s'en aller. Grande fût la surprise de Pasha quand Klaudia lui demanda ouvertement de l'aide. Ce n'était pas ce qui avait été convenu, si... ? Heureusement, il avait la sagesse de ne pas la contredire.

Si Mikhaïl n'avait pas déjà l'idée de les aider, il aurait immédiatement fondu en attendant la jeune femme lui demander de l'aide d'une façon aussi désespérée. Découvrir l'enfant en pleine rue ne ferait qu'aggraver les choses. "Suivez-moi. Je n'habite pas loin." leur dit-il doucement en indiquant une direction. Et comme il avait noté leur méfiance, qu'il percevait bien trop chez les zoothropes en fuite qu'il arrivait à aider, il ajouta sans les presser : "Il y sera au chaud. Et j'ai des médicaments."