Pasha ne cessait pas de regarder au-dessus de son épaule. C'était devenu une habitude malsaine depuis la dernière fois. Il les avait vu venir de loin. Un humain lambda ne les aurait pas remarqué. L'un s'était déplacé sur les toits, l'autre parmi la masse de peuple en bas. Les deux avaient eu une capuche qui jetait une ombre sur leurs visages, les rendant totalement méconnaissables. Pourtant l'instinct lui avait dicté l'inverse. Pasha savait quand il était suivit. Les semer avait été une tâche difficile dont il n'était malheureusement pas sorti totalement indemne.

Il crispa les doigts au souvenir.

Parfois, comme maintenant, il se surprenait à penser que cette vie de fugitif n'en valait pas la peine. Qui avait envie de vivre sa vie avec tant de paranoïa ? Pourquoi avait-il proposé de fuguer il y a sept ans ? Leur vie serait sûrement bien meilleure sans cette poursuite implacable du Vatican.

Pasha grommela.

Et pourtant, dès qu'il ouvrit la porte de leur appartement temporaire, il changea d'avis. Son regard tomba sur Klaudia, assise à côté du lit où dormait leur fils fiévreux. Un parfait petit mélange de ses parents. Les traits durs du visage de Pasha s'adoucirent en les voyant.  

J'ai trouvé les médicaments. Il souleva le sac en papier qu'il tenait dans sa main.

Les âges des persos:

Elle fit la moue, comme à chaque fois qu'il ne disait rien mais Klaudia avait confiance en lui, si c'était important il en parlerait. "Oui, je la lui ai mise avant qu'il ne s'endorm....." La brune eut un léger soupire devant le petit garçon qui les fixait de ses grands yeux d'un vert lumineux. Il ne disait rien non plus, tenant beaucoup de son papa pour ça (sa mère était assez bavarde pour eux trois), mais tendit ses petites mains vers le roux avec volonté malgré son air fiévreux.

Mélange dans sa nourriture, offrit quand même Pasha. Personne aime prendre les médicaments (Pasha non plus). Qu'est-ce qu'on fait si ça s'améliore pas ? Il n'était pas du genre à se faire des scénarios apocalyptiques normalement, mais il préfèrait quand même prévoir le pire. Menacer un médecin à coup de dague ? Prier ?

Loin d'être intimidé, le garçon soutient le regard de son père mais dût sentir qu'il approchait d'une limite à ne pas franchir et attrapa de lui-même la cuillère. Klaudia eut un sourire devant sa grimace. "Encor' mama" réclama même le petit en voulant prendre le pot, ce qu'elle laissa faire, il était assez grand pour ça. Une toux le secoua tout de même alors qu'il avait presque finit.

Tant mieux, pas besoin de s'énerver. Il ne s'aimait pas quand il était énervé. Maintenant que Feliks avait enfin décidé d'arrêter de faire son difficile, Pasha put déplacer son attention vers l'autre habitué des klyderies (klaudiaries ?). On va devoir bouger bientôt. Ca faisait presque trois mois qu'ils étaient ici. Ca commençait à le stresser.

Le petit lui rendit le pot vide mais garda la cuillère pour s'occuper les mains. Et hors de question de descendre des genoux de papa tant qu'il avait le droit d'y rester (ce qui se faisait plus rare en grandissant). Il est était bien là lui, au chaud... "Tu sais" lui répondit Klaudia en voyant son fils s'endormir, et sans chanson !, "j'ai l'impression d'avoir déjà vécu ça. Déménager en permanence, sans attaches. Je n'en ai pas souvenir mais l'impression persiste."

Ca ne pouvait pas être des souvenirs du camp, mais c'était devenu leur réalité depuis qu'ils l'avaient quitté. Vécu quand ? demanda-t-il quand même. Quand Feliks s’effondra contre lui, Pasha attrapa la cuillère avant qu'elle ne tomba par terre. Ces réflexes resteraient sûrement ancré en lui.

"Je ne sais pas mais si c'est réellement quelque chose qui s'est passé, ce devait être avant Saratov. Peut-être à son âge ou avant." Elle se tut un instant en regardant les deux hommes de sa vie. "Sveta ne peut me dire, elle ne veillait pas sur moi à cette époque. J'avais peut-être une famille qui bougeait beaucoup..."

Il n'avait pas l'air convaincu. Ce n'est pas une vie. Ce n'était pas la vie qu'il voulait pour Feliks non plus. Pasha se retourna dans les bras de sa compagne pour la contre-serrer dans les siens. Peut-être on devrait quitter Moscou. Il n'était pas certain jusqu'où la portée de Vatican allait, mais ils n'allaient quand même pas les poursuivre jusqu'à l'autre bout du monde... Si ?

"Les vols et les... incidents seront moins noyés dans la masse dans un village. Il faudra qu'on trouve un autre moyen de nous en sortir" souligna Klaudia. "Je peux apprendre d'autres métiers s'il le faut." C'était plus facile pour elle, les prêtres avaient eu moins de temps pour la conditionner à son unique destin de Guide. Le plus difficile était de ne soulever aucun questionnement qui attirerait la Milice, ces chiens étant liés au Vatican.

Pasha tira une tête. Il considérait que c'était sa tâche en tant que père de famille de subvenir aux besoins de sa famille, comme le proscrivait la Bible. Klaudia n'avait certainement pas joué un rôle très classique dans leur couple déjà pas très fidèle au modèle biblique, mais quand même. Encore un point à ajouter à une très longue liste qui lui laissait un goût amer. On en reparla. Il faut déjà trouver un endroit où aller.

Pasha avait des tas de mimiques mais sans la traduction qui allait avec, elle ne pouvait pas deviner ce qui lui passait par la tête. Là, elle pouvait juste dire qu'il était contrarié. Par ce qu'elle avait dit ? "Ma faute, pardon" s'excusa-t-elle rapidement en baissant les yeux et se ratatinant sur elle-même. Pour s'en vouloir encore plus l'instant d'après devant ce vieux réflexe.

Il culpabilisa immédiatement en voyant Klaudia se recroqueviller. Quel incapable. Il savait que communiquer clairement était un point de travail pour lui, mais rien ne le motivait autant que voir l'effet que ça avait sur sa compagne. Il l'agrippa doucement aux coudes pour la rapprocher de lui et passa un doigt sous son menton pour la faire relever la tête. Non, excuse-moi, je... Comment dire... Je n'aime pas quand je sers à rien.