"C'est une bonne idée." Micha suivait le groupe d'enfants sans cesser de sourire sous le regard goguenard des adultes qu'ils croisaient. Il fallait dire qu'il ressemblait à un caillou entraîné par une vague déferlante. "Et que pourrons-nous faire en hiver ? Quelqu'un a une suggestion ?"

On pourrait en faire avec des fleurs séchées ! proposa un petit garçon. Ou bien on fait sécher des couronnes ! intervint une fille plus âgée. C'est pas un peu trop fragile ? s'interrogea une autre. Et ça perd ses couleurs, ajouta Patya. Et si on ramassait des pommes de pin et des feuilles mortes et on fait des couronnes aux couleurs de l'automne ? lança une fille d'une douzaine d'années. Aux couleurs du soleil ! renchérit un garçon à côté d'elle.

Oh ouiiii ! répondit un concert de voix. Joyeux, les enfants battaient des mains ou sautaient sur place. Les sourires étaient sur tous les petits visages. Et aussitôt, chacun de décrire les couleurs qu'il allait choisir et pourquoi. Ça promettait un après-midi bien rempli. Moi je mettrai un peu de blanc parce que la neige aussi, c'est joli, dit Patya. Ce sera ma fleur d'hiver, un peu comme le perce-neige du printemps !

"C'est une idée poétique, Patya." Il écouta patiemment chacun des enfants qu'il commenta en souriant puis se tapa des mains pour rétablir le silence. "Et bien ! Grâce à vos efforts, l'église sera toujours colorée et chaleureuse ! Mais pour le moment, nous arrivons au champ. Attention à ne pas écraser les fleurs. Qui n'a jamais fait de couronnes ici ? Qui se sentirait d'apprendre la technique aux autres ?"

Plusieurs petites mains se levèrent tour à tour. Patya, bien sûr, se proposa volontiers pour transmettre son nouveau savoir dont il n'était pas peu fier — même s'il ne maîtrisait pas encore la technique. Il s'avança dans le champ en prenant garde de n'écraser aucune fleur et commença à constituer un petit bouquet. Il faut prendre au moins cette longueur de tige, expliquait-il en montrant où il coupait, sinon on ne peut pas les attacher ensembles.

Il laissa les petits groupes se former sans intervenir, hormis quelques sourires d'encouragement adressés par-ci par-là aux plus hésitants. Ce ne fut qu'une fois que les enfants furent installés dans la tâche que Micha se déplaça parmi eux pour admirer leur travail et leur donner des conseils.

Patya montrait patiemment aux enfants rassemblés autour de lui. Il commença par une démonstration avec quelques fleurs, puis regarda ce que faisaient les autres et essayait de guider, d'expliquer. Ce n'était pas facile. Myaka, une petite fille de six ans ne comprenait pas très bien comment enrouler les tiges. Père Micha ! appela Patya. Vous pourriez lui montrer, s'il vous plaît ? J'arrive pas à bien expliquer...

Les autres enfants regardaient aussi, avides d'améliorer une technique fraîchement apprise. Tous imitèrent les gestes précis du Père Micha avec une application renouvelée tandis que Patya observaient les couronnes qui prenaient formes. Il leva les yeux sur le prêtre et lui adressa une sourire heureux. Il souhaita inconsciemment que tous les jours soient faits de moments simples comme celui-là. Puis il se remit à son ouvrage avec entrain.

Il rendit volontiers son sourire à Patya en se relevant pour laisser les enfants travailler tranquillement tout en observant leurs avancées. "Vous apprenez vite." leur dit-il gentiment sur un ton encourageant. Quand il vit que la plupart avait terminé sa couronne, il tapa dans les mains. "Allez ! Finissez ce que vous faites puis nous irons déposer tout ça dans l'église."

Les enfants finirent joyeusement leurs ouvrages et, parés de leurs jolies couronnes colorées, se remirent en route avec le Père Micha. Les discussions allaient bon train sur l'endroit où chacun voulait déposer la sienne. Ils se chamaillaient gentiment, faisaient des compromis et parfois même des suggestions en fonction des couleurs. Père Micha ? demanda Patya. Je sais que c'est normalement pour l'église, mais est-ce que je peux mettre la mienne sur la porte de M. Zakharovitch* ?

HRP :

Une fois les statues décorées de leur couronne de fleurs, Micha divisa les enfants en deux et prit Patya à part. "Je vais aller changer les bougies avec l'autre groupe. Pourrais-tu t'occuper de mener le deuxième groupe devant l'église pour réfléchir aux couleurs adéquates pour repeindre les murs ? On vous rejoint dès que les bougies sont allumées pour nous joindre à la réflexion."

Oui Père Micha, répondit l'enfant avec beaucoup d'entrain. Et prenant sa petite mission très à cœur, il lança un Suivez-moi ! enjoué et mena ses camarades sur le perron du petit édifice. Là, il proposa des tours de paroles pour que chacun puisse donner ses idées et ses envies. Avant que le tour ne soit terminé, la discussion allait déjà bon train et bien qu'ils ne soient pas tous d'accord, les sourires étaient sur tous les visages.

Il le regarda faire en souriant puis amena son petit groupe dans l'église pour leur montrer comment allumer les bougies (toujours en présence d'un adulte !). Une fois qu'elles furent toutes changées, ils repartirent vers l'extérieur avec une certaine impatience du côté des enfants. Ça babillait déjà, à basse voix, sur le choix des couleurs et des motifs pour décorer les murs de l'église. "Alors Patya, quelles sont vos premières propositions ?"

Les bleu, jaune et rouge dominent, répondit l'enfant en levant le nez vers le prêtre. On se demandait combien de couleurs on pourrait mettre en tout. Moi j'aime vraiment beaucoup le vert, ajouta un garçon d'une douzaine d'années. Et moi le rose ! dit un autre, un peu plus jeune. Est-ce qu'on peut faire du multicolore ? demanda une fillette. Comme ça, chaque habitant y trouverait la sienne, murmura timidement une autre. Tous regardaient Père Micha les yeux brillants.

HRP :

Un concert joyeux répondit à la proposition du prêtre et quelques minutes plus tard, les enfants s'égayaient dans les rues et la campagne en poursuivant leurs échanges sur leurs futurs œuvres d'art. Patya et ses frères et sœurs, comme d'autres dans le village, choisirent de faire les leurs en groupes — en incluant leurs parents comme l'avait astucieusement suggéré Père Micha. À eux neuf, ils firent trois dessins bariolés que les enfants ramèneraient fièrement au cours suivant.

Le matin tant attendu arriva. Après quelques jours chargés de travaux auprès des vaches et au tri des patates, Patya était heureux de retourner sur les bancs de l'école — et surtout de montrer leurs œuvres d'art au Père Micha. Il se sentait si bien et ragaillardi qu'il ne s'attendait pas à la petite touffe de poils qu'il découvrit en faisant ses ablutions du matin. Il ne put retenir un sursaut de frayeur, s'isola et tâcha de se calmer, comme le prêtre le lui avait appris. Inspirer, expirer, se concentrer.