Les camarades de Maksim peuvent se rendre compte que ce dernier a changé très rapidement. Il n'est pas devenu plus bavard, loin de là. Il semble plutôt que sa détermination se soit affûtée. Les plus perspicaces pourraient deviner qu'il s'est trouvé un objectif.

Il a doublé l'intensité de son entraînement (le dressage de son cheval est passé au second plan) et il a pris l'habitude de défier les plus forts au corps-à-corps, en particulier les plus costauds et les plus grands.

Ensuite, du jour au lendemain, ses cheveux ont commencé à blanchir. Les autres l'ont regardé bizarrement au début mais comme il venait tout juste de battre au corps-à-corps le trouffion le plus costaud de la caserne et qu'il transpirait la santé, personne n'a tenté quoi que ce soit. Ses supérieurs exigèrent des examens sanguins mais ne trouvèrent rien d'anormal.

Maksim a quitté la caserne tôt le matin de son jour de congé. Il a rendez-vous.

Une sale journée. Fedor s'extirpa des égouts fétides où il avait attiré des miliciens. Pas par choix. Ces derniers s'approchaient trop prêt d'une planque importante. Il les avait détourné, et dans les profondeurs dégoutantes des égouts il avait scellé leur existence.
Il jeta son manteau noir, ce n'était pas son manteau de toute façon. Puis il rejoint sa planque. Là il se doucha et enfila son manteau. Rouge. Ses yeux portaient la marque de ceux qui en avait trop vu. Il n'avait pas l'énergie suffisante pour simuler. Lorsqu'il sortit de sa planque les rues étaient vivantes. Il se mit en marche d'un pas assuré. Il avait rendez-vous

Maksim est en avance. Il attend au bar La Steppe où l'a emmené Fedor la dernière fois qu'ils se sont vus. En attendant l'arrivée de son ancien maître, il rassemble ses esprits. Parmi ses nouvelles résolutions, Maksim a décidé de se faire avant tout plaisir, sans tenir compte de l'avis des autres. Et là, il veut battre Fedor avec toute son énergie, montrer le meilleur de lui-même, prouver qu'il est digne*. Il va venir, Max surveille les entrées de derrière ses verres fumés.

*:

Fedor pousse la porte du bar. Sa silhouette attire l'attention comme toujours. Ses yeux scrutent la population du bar. Il est généralement souriant ou neutre, mais aujourd'hui il semble plus grave et les clients de passage détournent le regard. Les habitués font un signe de tête, ils savent que le grand gaillard n'est pas cruel. Fedor repère le gamin. Ses cheveux reprennent une teinte naturelle il semblerait. Cela arrache un sourire à Fedor. Enfin une bonne nouvelle, c'est en tout cas son espoir. En quelques enjambées il a rejoint Maksim.
— Salut. dit-il en se posant lourdement à côté de ce dernier.

Fedor est naturellement une armoire à glace mais Maksim note tout de même une énergie sombre.
"Salut, comment vas-tu Fedor ?" demande-t-il dans l'attente de la réponse du bonhomme.
Elle sera probablement brève, concise et possiblement un "oui" mensonger. À Max de manier avec tact intelligence.

— Une journée difficile. répondit simplement le grand bonhomme. Et toi ? je note que tes cheveux reprennent une teinte naturelle. Il a manifestement l'air content de cette constatation et son visage à l'air moins sombre quand il évoque ce changement chez Maksim.

Une réponse honnête, sans s'appesantir davantage.
"Je vais bien. Très bien même."
En quoi un apprenti-médecin aurait passé une journée difficile ? Ça n'a pas l'air d'être son histoire de cœur avec la riche bourgeoise. Le physique de Fedor lui aurait posé problème aujourd'hui se demande Max sans rien dire de plus. Son esprit cogite visiblement.

Le gamin va bien... c'est un bonne nouvelle en soit.
— Le changement de couleur ne t'apporte pas d'ennui alors ? sans doute que non. Ou peut-être que si, mais qu'il a été capable de gérer la crise. Ce qui serait encore mieux. Franchir un obstacle est toujours une bonne chose... il repense à l'obstacle des miliciens qu'il vient de tuer. Ouais... pas toujours.

"Pour l'instant, non. J'arrive à leur faire suffisamment peur. Personne n'a encore osé m'attaquer de front." Que ce soit physiquement ou verbalement. "Et toi ? Qui t'a ennuyé ?" tente Max, conscient du risque qu'il prend à braquer son interlocuteur.

— Moscou. répond Fedor énigmatique. Je suis un gamin de la campagne, la capitale n'est pas toujours très accueillante de mon point de vue.

Il s'éloignerait bien, mais il a trop de responsabilités. Partir serait comme fuir dans son esprit, et ce n'est pas son genre. Il a déjà voyagé suffisamment, il se doit de mettre à profit ses expériences. Protéger ses congénères et faire tomber des têtes au sein du Vatican. Ce sont ses objectifs.

Son esprit dérive cependant un instant vers Ines. Tout est plus compliqué désormais.

Il a un sourire à la question du petit.
— Les études de médecine sont longues, et il y a en effet de fortes chances pour que je sois lié à l'endroit où ma douce gagne sa vie. la sienne et sans doute celle de Fedor qui n'aura jamais un bon revenu. Médecin, certes, mais pour la LR. Donc la plupart du temps il travaillera gratuitement. Je suis loin de quitter la capitale. conclua Fedor.
Il fait signe au barman et rapidement ce dernier lui apporte une bière. Il ne boit que rarement des alcools forts.

"Un thé pour moi." dit Maksim, déçu de voir Fedor rogner sur son hygiène de vie comme ça.
Certes, il semble avoir passé une mauvaise journée nuit mais ce n'est pas une raison. A-t-il seulement dormi ? Il déteste les miliciens pour ce qu'en sait Maksim. Fait-il des trucs louches contre eux ?... Lui, milicien, que doit-il faire ?

Fedor boit de longue gorgée de sa bière et la repose finalement sur la table.
— Ahhhh !!! s'exclame-t-il. Visiblement plus que satisfait de sa boisson. C'est vraiment bon. comme il boit rarement, mais qu'il aime la sensation désaltérante d'une bière, il en profite au mieux lorsqu'il se laisse aller à la tentation. J'espère que tu es en forme. dit-il finalement avec un sourire étrange sur le visage.

Maksim laisse là ses interrogations pour regarder Fedor droit dans les yeux. Il le pensait au bout mais ce dernier semble avoir encore assez d'énergie pour faire bonne figure et même d'en retrouver au contact de Maksim, à lui d'assurer.
"Très, je te retourne la question. Penses-tu être assez en forme pour me suivre sur la piste d'entraînement ?"

— Le soleil ne s'est pas encore levé sur une journée où je serais trop faible pour te botter les fesses. dit l'homme avant de terminer sa bière. Boit ton eau chaude aromatisée avec de l'herbe.

"Tant mieux, je m'en voudrais de maltraiter un ancien, réplique Maksim, assez content pouvoir piquer amicalement son ancien maître. Et pour ta gouverne, ce sont des feuilles."

— Aucun risque, je suis dans la force de l'âge présentement. L'expérience combinée à un corps au top de sa forme. Je perds un peu en temps de réaction par rapport à un jeune comme toi. Mais c'est négligeable. expliqua Fedor avec son ton de maitre d'arme.

Il se leva ensuite, comme toujours ses yeux semblaient dotés d'une vie propre. Toujours en mouvement, toujours à la recherche d'une menace. Fedor le faisait de manière inconsciente. Son attention était d'ailleurs restreinte à sa portée de frappe. Qui était plus grande que la moyenne. Mais qui restait malgré tout restreinte.

Et c'est moi le nerveux après... pense Maksim en sirotant lentement son thé. Il cherche une menace ? Ici ? C'est le bar d'une de ses connaissances, pourtant.
"Alors pourquoi es-tu si pressé d'y aller si c'est encore négligeable ? Crains-tu qu'on te cherche ? Si c'est le cas, préviens-moi, dit Maksim avec une tranquillité trompeuse. Que je me prépare à les accueillir."

— On se doit t'être toujours sur le qui-vive. Je déteste l'injustice, j'interviens donc parfois dans certaines querelles, et autres crimes. Je me suis fait quelques ennemis a cause de cela. Et je ne laisse jamais le flanc ouvert à une attaque. expliqua-t-il avec son ton de professeur. Toi aussi, tu devrais avec des yeux aussi actifs que les miens. En tout temps.
Il prit la route de la porte et l'ouvrit avec détermination. Une montagne en marche. Pas le genre facile à stopper.

"Hu-hum..." fait Max sans bouger le cul de sa chaise en gros contrariant qu'il est.
S'il est capable de déraper comme l'autre milicienne timbrée, je ne devrais peut-être pas le fréquenter ouvertement, on pourrait me reprocher de voir des rebelles. Mais si Fedor m'offre une plus sincère amitié que les autres, est-ce que je ne devrais pas plutôt songer à changer de même ? La milice, le Vatican, le système, je veux les voir s'effondrer.

— Tu comptes faire attendre ton maitre d'arme ? Ou je dois te trainer dehors par la peau des fesses ? demanda Fedor sur le seuil de la porte.

Son thé enfin fini, Maksim sort.
"Impatient Fedor ?"

— Non. Je n'aime juste pas attendre les plus jeunes que moi. Surtout ceux à qui j'ai enseigné. expliqua-t-il. Lui même se montrait respectueux de son mentor en médecine.

"J'ai décidé de faire ce qui me plaisait à partir de maintenant et ça implique souvent de contrarier mon entourage, toi compris. Mais soyons sérieux deux minutes, on a un affrontement. Me pardonnez-vous mon insolence, maître ?" demande Maksim avec beaucoup d'ironie.