Rappel du premier message :

Masses de journalistes se pressent, microphone en main. Est-ce une célébrité qui franchit ces pas ? Un héros de la nation ou un parangon de vertu ?
Que nenni.

Vincent Bates s'avance en souriant de toutes ses dents. C'est un sénateur de l'état de New York qui fait une apparition publique avant les élections. Il est brun, caucasien et porte des lunettes à moutures noires, exactement comme Aaron de Pietri, le costar noir en plus et la barbe de trois jours en moins. Mais la ressemblance s'arrête là car le journaliste à la masse n'a pas du tout envie d'écrire sur l'évènement.

D'habitude, c'est sa collègue Lucie qui se charge de la rubrique politique mais celle-ci est tombée malade comme un chien la veille de l'évènement et Aaron avait écrit un chouette article sur les dispositifs pensés pour le handicap. Allez chercher le rapport…

Une journaliste, travailler à distance ?
"Travailler à distance, vraiment ? Cela ressemble à une mise au placard."
d'abord titiller son professionnalisme avant de lui rappeler ses "bonnes résolutions".

Robin répliqua, imperturbable : « On a vu plus idéal, mais c'est toujours mieux que de faire sauter un immeuble par inadvertance. » Et si l'autre avait du mal à comprendre cela, elle ne pouvait vraiment pas l'aider.

Elle doit être douée au poker.
Aaron réfléchit à la suite du débat pour lui faire éprouver de l'empathie pour les mutants et réfléchir concrètement aux conséquences concrètes de la discrimination.
"Et comment comptez-vous apprendre à maîtriser une mutation unique sans support en plein Kansas ?"

« C'est une discussion théorique, ou vous demandez des conseils pour un ami ? », répliqua Robin, qui ne voyait vraiment pas l'intérêt d'épiloguer. Elle se prêta toutefois à l'exercice : « Pour une mutation unique, essai et erreur est sans doute la seul méthode viable. Quant à être sans support, ce n'est pas forcément le cas : il y a des ressources en ligne, des groupes d'aide contactables à distance... Les nouvelles technologies sont d'une grande aide pour augmenter l'accès à l'information. Sans compter les institutions spécialisées comme l'Institut Xavier. »

"Ah, en êtes-vous vraiment sure ? À part l'institut Xavier, combien croyez-vous qu'il y ait d'institution spécialisée ou des ressources en ligne sérieuses ? La réponse est zéro ! Si on ne compte pas les instituts "cessez de devenir mutant" qui se basent sur des inepties comme les camps anti-LGBT. Après, si vous voulez tester, allez-y, ajoute-t-il d'un ton caustique. Mais ne dites pas que c'est bien sans avoir testé."
Aaron avait effectivement fait des enquêtes sur ce sujet.

« Vous avez testé ? » Toujours pas la moindre émotion dans la voix de Robin, si ce n'est une certaine curiosité détachée. Il n'avait pas l'air d'être un mutant, mais certains étaient physiquement identiques à des humains lambda après tout. Et cela expliquerait ses réactions véhémentes dans cette conversation.

Poser une telle question à un vrai mutant, venant d'une femme aussi hautaine, aurait certainement déclencher la colère chez ce dernier. Et oui, Aaron avait testé, du moins surtout observé en se faisant passer pour tel ; comme l'avait fait Erving Goffman en institutions psychiatriques dans les années soixante.
"Ne vous faîtes pas plus bête que vous ne l'êtes. Je m'attendais à mieux d'une journaliste d'investigation," laisse tomber Aaron avec mépris.

« Argument ad hominem ? Quelle originalité », railla-t-elle. Toutefois, sous son masque impassible, elle était piquée à vif. L'autre avait tapé juste en mettant en doute sa conscience professionnelle, et elle devait bien admettre (du moins en son for intérieur) qu'elle manquait d'informations précises dans ce domaine particulier. Elle y remédierait à la première occasion, histoire d'être préparée la prochaine fois.

« Vous déformez mes propos », contra Robin. « Je ne nie pas qu'une mutation qui se déclenche soudain est un événement extrêmement déstabilisant, voire traumatisant, ni qu'un encadrement de qualité est nécessaire. Mais cela ne m'empêche pas de vouloir limiter les victimes collatérales. » Elle avait la nette impression qu'elle se heurtait à un mur et que la conversation commençait à sérieusement tourner en rond.

Encore cet argument de déformation de propos, sa botte secrète visiblement.
"Encore faut-il le trouver cet encadrement de qualité. Maintenant que j'y pense, c'est peut-être cette question que vous auriez dû poser à ce sénateur, dit-il avant de porter à ses lèvres sa boisson. Enfin, je devine quel aurait été sa réponse."

Elle haussa un sourcil : « Rien ne vous empêchait de poser cette question. » Aller soi-même chercher l’information était toujours plus productif que de critiquer les lacunes dans le travail d’un collègue. Ceci-dit, dans le cas du sénateur, « information » était sans doute trop optimiste pour qualifier la bouillie de mots creux qu’il déversait en guise de réponses.

Ah ça, les lacunes des collègues, on pourrait en faire tout un article.*
"Mais je ne suis pas aussi expérimenté que vous aux entretiens politiques, dit-il avec une pointe de sarcasme. J'ai fait des articles ici et là, rien de plus. Une fois que j'aurai fini l'article sur ce cher politicien, je ferais une enquête."
Quel dommage que les mutants que j'ai rencontré jusqu'alors soient aussi fuyants... pense-t-il en se grattant les poils de son menton.

*c'était gratuit

« Il y a un début à tout. » Robin haussa légèrement les épaules. Si chacun ne devait s’intéresser qu’à ses propres domaines d’expertise sans jamais tenter de se diversifier, on ferait du sur place continu. Bon, d’accord, une conférence comme celle à laquelle ils venaient d’assister faisait du sur place, peu importe le domaine de prédilection des journalistes.

Je crois qu'une blague ironique est passée à 3 km au dessus d'une tête.
"Oui, le plus important, c'est de ne pas se cantonner au début."
Comme certaines.
Aaron, reprend ses notes et commence à écrire l'ébauche de son article.

Détectait-elle un brin de sarcasme ? Difficile à dire avec quelqu’un qu’elle venait à peine de rencontrer, et elle préférait ne pas tirer de conclusions hâtives. Puisque l’autre se plongeait dans ses notes, elle commença à faire de même, découragée d’avance face à leur manque de contenu. Un serveur profita du blanc dans leur conversation pour venir prendre les commandes, et Robin commanda un simple café au lait. De quoi ne pas s’endormir en écrivant.

"Huuuummm... Je vais prendre un soda au gingembre," dit-il en grand enfant qu'il est.
Il se repenche ensuite sur son livre pour enfants. Il ferme le livre pour le rouvrir au hasard et lit le première page, puis il passe directement à la dernière page du livre.
Je vois, ça finit comme ça alors.

Leurs commandes ne tardèrent pas à arriver, alors que Robin commençait à noter une première structure pour son article dans un carnet visiblement prévu à cet effet. Elle s’arrêtait de temps en temps pour se renseigner sur les détails du parcours politique du sénateur. Un élément attira son attention : « Tiens, notre sénateur perd en substance avec l’âge. Du temps de sa première campagne, il faisait des promesses concrètes. » Pour n’en tenir que très peu, ce qui expliquait sans doute sa langue de bois actuelle. On ne peut pas mentir quand on ne dit rien de concret, pas vrai ?

"Cela n'a rien d'étonnant. Les idéaux sont broyés par les coups-bas. Mais je ne vois pas pourquoi en parler dans cet article, ce serait tirer sur une bête mourante."
Que faire de cette information sinon ? Comment encourager l'audace et rendre les projets fous et généreux réalisables ?
"Hum... J'ai bien une petite idée mais ce n'est pas du journalisme traditionnel."
Et le journaliste à la masse n'est PAS traditionnel !

Au contraire : se renseigner sur le parcours politique d’une personne, ses campagnes précédentes, ses anciennes opinions et les promesses tenues ou non était très informatif, aux yeux de Robin. Mais elle était moins intéressée par un nouveau débat que par l’idée « non-traditionnelle » que son collègue avait bien pu avoir. « Tiens donc ? Et quelle est cette idée ? » Et, avant qu’on l’accuse de concurrence déloyale : sa curiosité était sincère et ne visait pas à « voler » l’idée de l’autre. Elle avait un code déontologique, tout de même !

L'ennui de discuter avec la concurrence de façon aussi légère c'est effectivement de se faire piquer les bonnes idées. Encore faut-il que l'idée non-conventionnel d'Aaron le soit.
"Vous le saurez en achetant le journal, comme tout le monde," répond-il, taquin.

C’était de bonne guerre, elle ne comptait pas insister plus. C’était aux personnes qu’elle interviewait qu’elle tenait absolument à tirer les verres du nez, pas aux simples collègues avec qui elle bavardait autour d’un verre (ou d’une tasse). « Journal dont vous ne m’avez toujours pas donné le nom. Je risque d’avoir du mal à le trouver », fit-elle remarquer avec une pointe d’humour.

Encore un exploit du Journaliste à la masse ! Ne pas vendre son journal. Ah mais en fait, il ne l'a pas fait parce qu'il ne peut pas piffer son interlocutrice qui la jugera forcément du haut de son socle et entre-temps il a décidé de déposer les armes pour passer à autre chose. Zut ! Pourquoi je la subis au juste ?
"Normalement, si l'idée est bonne, il n'y a pas besoin. Mon idée c'est… de rappeler à une personne désabusée ses idéaux d'autrefois. Les relire écrits. Vous, vous êtes totalement différente de moi, qu'est-ce qui vous rappellerait la personne que vous étiez ?"

Oui, enfin, vu le nombre de quotidiens disponibles dans ce coin du monde, en chercher un particulier armée uniquement du thème général d’un article revenait à chercher une aiguille dans un botte de foin. Mais soit, l’idée de son collègue était bonne, quoique peut-être limite pour ce qui était de l’objectivité journalistique. Quant à sa question, elle était bien trop personnelle pour que Robin y réponde spontanément. « La personne que j’étais quand ? » La fillette curieuse toujours pleine de questions ? La rédactrice en chef du journal de l’école au courant de tous les derniers potins ? La journaliste idéaliste et la mère et épouse comblée ?

Est-ce qu'elle suivait ce qu'il disait au moins ? Non, cette femme n'était pas assez intelligente sinon elle n'aurait pas les opinions qu'elle semble avoir.
"Avant que vos grandes idées et vos rêves ne soient écrasés par le défaitisme d'autrui. Vous avez bien dû avoir des rêves, non ? Ou, au moment où vous étiez au plus mal, quelqu'un vous a dit quelque chose qui vous a réconfortée. Parce que dit d'une mauvaise manière, un discours plein de bonnes intentions peut échouer."