Rappel du premier message :



Le sort de téléportation fut rapide et efficace -cette fois-. A peine le sorcier avait-il quitté l’orc qui l’avait secouru -il préférait ne pas y repenser- qu’il se retrouvait devant la bicoque de son homologue humain. Il était frais, bien habillé, propre, maquillé et surtout -surtout-, comparé à sa dernière visite, il venait demander des comptes et pas de l’aide ! C’était aussi une occasion parfaite de rendre visite à Navi pour se distraire évidemment, mais aussi prendre des nouvelles, bien qu’il ne l’admettrait jamais.

Il toqua quelques coups contre le bois de la porte. Il attendit un peu et la porte s’ouvrit sur ce bel homme qui était surpris de le voir là. Arior passait rarement sans s’annoncer. Le prendre au dépourvus était délicieux, car ça ne laissait pas le temps à Navi de s’apprêter comme s’il allait au bal.

Un sourire en coin, le sorcier laissa tomber aux pieds du mage un long morceau de la plante morte - qu’il avait prit le temps de ramasser exactement dans l’optique de s’en servir pour cet effet de style- dans “splaf” mou qui n’avait rien d’élégant.

- Navi, mon ami ! Pardonne mon passage à l’improviste, mais je te ramène cette chose. Elle doit t’appartenir. Malheureusement, je l’ai un peu abimé. Tu m’en excusera.

Il n’avait absolument pas l’air désolé..

Pas du tout, hein ?

- Attends, laisse moi faire les comptes. Nous sommes tous les deux des sorciers puissants, quasiment indétrônables dans nos domaines. Nous avons passé une grande partie de notre enfance dans la même ville, à faire la même chose. Nous avons un goût sans pareil. Nous sommes jeunes et magnifiques. Nous avons une moralité plus que douteuse. Ça fait déjà pas mal de points communs. Oh, bien sûr, je suis un elfe, je serais toujours plus agile et gracile que toi, mais ne perds pas espoir de m’arriver un jour à la cheville.

Les habitudes avaient la vie dure...

Un rire se fit entendre derrière le paravent quand Ari mentionna la grâce et l'agilité des elfes. Entre vous et moi, c'était un sujet sensible pour Navi. Il enviait les elfes pour leur longévité et, surtout, pour cette qualité de garder la peau douce malgré l'âge de séniorité. Contrairement à lui, Arior ne devait pas franchir un parcours d'obstacles pour garder sa jeunesse.

Je n'ai jamais vu un elfe moins "agile et gracile" que toi. Il y a des gobelins qui montrent plus de finesse.

Un sourire fleurit sur les lèvres du sorcier à cette réplique, bien loin de s’en formaliser car c’était tellement éloigné de la vérité.

- C’est presque triste de t’entendre essayer de te rassurer comme ça. Tu n’as pas choisi d’être humain après tout, tu es juste né comme ça. D’ailleurs tu veux de l’aide pour enfiler ta tenue ou tu es en train de te rendre compte que certaines ont un peu rétrécit ?

Sous entendu : Il avait grossi. Enfin, grossi non, mais Arior trouvait qu’il était un peu plus carré d’épaules.

N'importe quoi. Le corps de Navi n'avait plus changé depuis au moins 180 ans. L'adolescence avait été rude (très rude) mais il avait trouvé comment figer son apparence grâce une potion de génie (dont il ne partagerait jamais la recette). Il savait qu'Ari ne disait que des conneries pour le faire chier....... et pourtant, il se surprit à vérifier dans le miroir s'il avait en effet pris du poids.

Non merci ! Fâché, il prit rapidement une décision quant à la tenue à porter, et réapparut dans une longue robe blanche qui accentua sa taille (NON-GROSSIE) et qui scintilla et changea de couleur à la lumière.

Voilà qui était mieux !

Ah, Navi et sa garde robe. Comment ne pas apprécier la vue ? Il était aussi magnifique l'époustouflant. Comme toujours. Le contraste entre son corps masculin et son raffinement vestimentaire était un délice. Arior manqua d’en soupirer d’admiration.

- Hum. Pas mal.

Il lui renvoyait le même qualification dont il avait usé pour sa coiffure travaillé. Pas mal, ou autrement dit : Wahou ! Il méritait d’être immortalisé par le plus talentueux des peintres. Vraiment.

Il ne s'attendait pas vraiment à un éloge sur sa beauté de la part d'Arior. Au moins le "pas mal" n'était pas encore suivi par un commentaire sur ses épaules carrées ou ses cuisses trop larges ou ses rides cachés. C'est qu'il devait secrètement apprécier au moins un peu. Juste un chouia.

C'est un tissu enchanté, expliqua Navi en faisant un petit tour sur lui-même pour démontrer le changement de couleur. Il était toujours content de parler de vêtements (même avec Arior). Surtout ayant oublié le petit détail du confinement.

Arior admira l’ouvrage. Le tissu était magnifique et ses effets visuels tout à fait prodigieux.

- C’est de très belle facture. Où t’es tu procuré ça ?

Ou l’avait-il enchanté lui-même ? Si c’était le cas, il était possible que le sorcier lui passe commande. Le blanc n’était pas sa couleur, mais les différentes teintes de bleu et de violets foncées, elles, lui allaient à merveille.

Il afficha un sourire satisfait. Un marchand en route vers la Capitale le vendait pour des prix exorbitants. Pas moyen de négocier avec un nain, en plus. Mais il m'a trouvé tellement magnifique qu'il me l'a offert. Et un gros mensonge de plus, un ! Le nain têtu n'avait pas accepté le troc, malgré les propositions tout à fait raisonnables de Navi. Une petite potion ajouté dans sa bière la même nuit et pouf ! Le pauvre marchand avait "oublié" sa cargaison dans l'auberge le lendemain. Quel dommage.

Mais bien sûr. Et sur sa coiffeuse c’était miroir de Guldin aussi ? Ari haussa légèrement un sourcil mais laissa couler pour cette fois.

- Dommage que ça vienne d’un marchand itinérant, j’aurais aimé m’en procurer quelques toises pour des tenues. Si tu le recroise, pense à moi. Comme compensation pour ta plante voleuse de vertue !

Premièrement, tu n'as plus de vertue à voler. Comme Ari aimait bien lui rappeler. Et deuxièmement... il me reste du tissu. Si tu veux je peux t'en faire quelque chose. Et pas en forme de compensation, non. Navi n'assumait pas que l'histoire avec la plante était de sa faute. Il y avait des créations bien plus dangereuses qu'une plante amoureuse qui se baladaient dans cette forêt. Il ne pouvait pas être tenu responsable de tous, si ?

Il voulait quoi ? Ari étrécit le regard par méfiance. Navi lui proposait ça ? Comme ça ? Il y avait un piège quelque part, FORCÉMENT !

- Et bien, ce serait avec plaisir… dit-il d’un ton retenu par le doute. Qu’est ce que tu veux en échange ?

Oui, c’était forcément ça, le prix allait être exhorbitant, c’était une évidence !

Oh, rien du tout, répondit Navi avec un sourire encore plus suspect. Une faveur. Non-nommé. Il n'y avait rien de pire. Tu veux ? demanda-t-il encore une fois d'une voix mielleuse.

Il le savait ! Cette histoire sentait le roussi depuis le début ! Des cadeaux ? Navi ?! Quelle blague ! Arior inspira profondément pour rester calme et aimable… et ne pas se faire avoir par ce félon !

- Comme si j’allais dire oui avant de savoir de quoi il s’agit. Donc, je t’écoute : de quoi s’agit-il ?

Pas la peine de passer par quatre chemin avec lui. Il détestait tourner autour du pot. Que Navi parle, vite et clair !

Je n'ai rien besoin. Ca serait une faveur pour un futur indéterminé. L'idée d'avoir un Arior endetté envers lui lui plut. Il y avait tant de possibilités... Mais si tu ne veux pas ce n'est pas grave non plus. J'avais une idée pour un beau manteau. Le mage se dirigea vers sa coiffeuse pour changer de bijoux. Fallait les adapter à sa nouvelle tenue aussi. Puis, les miroirs sur sa coiffeuse lui permettraient de s'admirer de tous les angles.

Un… manteau ? Oh bon sang… Un manteau aussi incroyable ? Pour lui ?! Il tenta de se retenir fort d’accepter parce que ça sentait l’arnaque mais…

- Si tu m’assure que tu me livrera dans un temps raisonnable, c’est à dire moins de deux lunes compte tenu de tes compétences, un manteau, un vrai, à ma taille, dans ce tissu magnifique alors… J’accepte.

On était jamais trop prudent. Et malgré ça, il savait. Il savait qu’il mettait les pieds dans un bourbier sans nom. Mais penser à Navi en train de lui confectionner une telle beauté… c’était bien trop tentant !

Marché conclu. Trop facile. Si leurs positions avaient été inversées, Navi aurait pu se laisser séduire par une telle offre. Heureusement c'était lui qui tenait les ficelles en main cette fois-ci. Tu as l'intention d'aller où prochainement ? se renseigna le mage. Il fallait savoir où lui faire sa livraison après tout.

- Je ne sais pas exactement. Tu me connais, je vais de-ci de-là… là où le vent et l’aventure me porte. Mais tu ne devrais pas avoir de soucis pour me retrouver ! Tu n’es pas un mage si nul que ça.

Il lui offrit un sourire satisfait, incapable de retenir cette petite pique supplémentaire.

- D’ailleurs, sur ce, je devrais y aller ! A bientôt, Navi !

Et il y croyait. Vraiment. Jusqu'à ce qu’il essaie d’ouvrir la porte et qu’elle bloque. Qu’il tourne la clé dans la serrure mais qu’elle bloque toujours. Et qu’il se souvienne de cette fichue brume bleuté qui avait envahi la pièce quelques instants plus tôt.

- … Navi ?

D'abord il était tout aussi confus qu'Arior. Puis il se souvint. Ah oui. C'était dit sur le même ton qu'un "oups". Euh... On réfléchit pas quand on est fâché, d'accord. Navi avait réagi dans l'émotion, la colère... et avait possiblement lancé un sort pour lequel il n'avait pas encore de contre-sort. "Oups". Alors... tu vas trouver ça parfaitement marrant... commença-t-il alors qu'il glissa quelques bracelets à son poignet.

- J’en doute, répliqua le sorcier, en se retournant de façon mécanique vers le faiseur de potions. Mais je t’écoute, vas-y, fais moi rire un peu.

Le sourire sur son visage était tout à fait factice. Un peu comme celui d’une poupée. Une poupée démoniaque qui attendrait la nuit pour prendre vie et se transformer en votre pire cauchemar.

Avec tous ces enfantillages, c'est dur de parfois se rappeler qu'Arior n'est pas seulement un vulgaire haricot avec une perruque, mais aussi un puissant sorcier. Navi était assez confiant qu'il ne lui ferait pas de mal, mais si Arior pète un cable c'est sa maison qui va souffrir. J'ai pas de contre-sort. Voilà. C'est dit. Rapidement, sans tourner autour du pot. Comme retirer un pansement en moins d'une seconde.

Pas de contre-sort. Evidemment. A quoi aurait-il pu s'attendre d’autre de la part de Navi ? Arior prit une longue et profonde inspiration, gardant un visage et une humeur aussi neutre que possible.

- D’accord. Et je suppose que ce sort à condamné toutes les issues possibles et imaginables, n’est ce pas ?

Navi était efficace dans ses potions. Terriblement. Il doutait qu’ils aient désormais un quelconque moyen de s’échapper de cette bicoque.

C'est le but. Une potion commandée par un général-capitaine-commandant (qu'en sait-il) pour s'assurer que personne ne puisse s'échapper de ses donjons. Évidemment un antidote ou un contre-sort était prévu -- pour les potentiels clients ayant besoin de s'échapper du dit donjon -- mais Navi n'y était pas encore arrivé.

- Bien sûr.

Là, le calme était relatif et ça lui demandait des efforts pour ne pas sauter à la gorge de Navi. Ou lui refoutre les cheveux en vrac. Ou lui crier dessus.

- Donc. Nous sommes bloqués ici. Sans possibilité de sortir. Avec seulement ce qui se trouve d’ingrédient ici pour espérer réussir à concocter un contre sort à une potion que tu as fabriqué.

Ce qui revenait à dire : Bordel d’abruti décérébré, je te déteste au plus au point, comment t’as pu faire ça, cervelle de troll ?!
Mais Ari se contenta d’un sourire froid et d’un haussement de sourcil.

- Et bien, qu’attends-tu pour te mettre au travail ?

Eurk. Il lui donnait des ordres. Navi était allergique à ça. Il avait envie de tranquillement se poser dans un fauteuil et de lui répondre, en toute sérénité : "non". Ou "débrouille-toi". Les deux étaient dans le domaine du possible.

Le seul bémol ? Navi n'avait pas particulièrement envie de rester bloqué ici avec Arior non plus. En vrai il ne pouvait pas s'imaginer une pire punition.

Il marmonna un petit "Je viens de me changer," pour la forme, mais se dirigea quand même vers les escaliers qui menaient au laboratoire dans la cave.

Il s’en fichait pas mal de sa tenue ! Il n’avait qu'à enfiler un tablier ! Malgré tout et à sa grande surprise, Navi se montra plutôt docile. En tout cas, il descendit dans son atelier. Arior n’avait aucune envie de le suivre. Si c’était pour se faire houspiller parce qu’il le dérangeait, ce n’était pas la peine. Non, à la place il allait plutôt rester là et trouver une occupation pour passer le temps, comme, par exemple, fouiner.