Rappel du premier message :



Dear Diary,

Les gens sont d'une hypocrisie lamentable.

La paroisse a organisé une tombola de bienfaisance ce mercredi. Comme prévu, quasi tous les membres de la congrégation ont fait avis de passage. L'événement de charité a débuté ce matin à 8h et finira à 20h avec un concert de violonistes. Il est 16h et ça fait deux heures qu'Oksana attend quelles babioles inutiles elle gagnera avec son ticket acheté trois fois trop cher.

De la charité.

Ils ont intérêt à bâtir des orphelinats en or avec l'argent qu'ils récoltent.

Voilà Monsieur Popov et sa femme. Elle est connue sous le pseudonyme surprenant et originale de 'l'Anglaise' parmi les marchands de ragots. Un nom dû à sa nationalité (évidemment) et qui, du coup, n'est pas utilisé avec amour parmi les cercles de la société.
Il y a aussi Madame Stepanchikova. Veuve pour la cinquième fois. On dit qu'elle empoisonne ses maris pour agrandir sa vaste richesse, mais si c'est le cas elle aurait au moins pu s'acheter une meilleure garde-robe.
Oh et la jeune Annika qui pointe le bout de son nez. Si elle pense que toute cette poudre sur son visage cache l'acné qui est clairement affiché sur son front, elle a bien tort. Pauvre fille.

Vu comme elle faisait de son mieux pour s’adapter au plus vite à la vie mondaine de la capitale, Yeva sourit au compliment. « Merci. Je pars du principe qu’il n’est jamais trop tôt pour aider son prochain. » Oui, sa réponse avait le mérite d’être absolument sincère. « Je n’ai pas encore eu l’occasion de rencontrer tous les membres de la congrégation, mais j’ai fait des rencontres très agréables. » Et d’autres moins, mais l’admettre serait assez peu diplomatique.

Et d'autres moins, certainement. Son sourire était que d’innocence, même si elle n'avait pas vraiment tenté de dissimuler qui elle visait de ces paroles. Sa mère cacha un petit hoquet de surprise et s'empressa encore une fois de changer le sujet. Je... Avez-vous déjà conversé avec mon mari aujourd'hui, monsieur ? Je pense qu'il avait une proposition d'affaires pour vous. Le voilà distrait. Non, je pense pas avoir eu l'honneur. Où se trouve-t-il ?

Un instant, Yeva eut peur de voir les hostilités reprendre, mais heureusement la nouvelle arrivante désamorça la situation avant qu’elle ait le temps de s’envenimer. Son attention détournée, Nikolaev ne s’attarda pas, laissant les trois femmes continuer leur conversation sans lui. La raison de son départ fit s’interroger Yeva sur le secteur d’affaires de Nikolaev et de l’époux Morozov, mais elle n’osa pas poser la question de peur de trahir son ignorance. Mieux valait choisir un sujet plus sûr. « J’ai cru comprendre que la paroisse organisait régulièrement ce genre d’événements ? »

Sa mère semblait si soulagée d'être dans la merveilleuse compagnie d'une fille bien éduquée et pieuse comme Yeva. Elle ne l'avait pas dit, mais Oksana le voyait dans l'étincelle de ses yeux. Oh oui, absolument. C'est important de prendre soin de son prochain. Surtout s'il est infortuné. Vous posez la question car ça vous intéresse d'aider avec l'organisation ? Je peux absolument vous introduire aux personnes nécessaires.

Aider à l’organisation ? Yeva manqua de s’étrangler, mais masqua tant bien que mal sa surprise. Dans l’absolu, la perspective d’aider le plus démunis était séduisante… mais était-ce vraiment une bonne idée alors qu’elle peinait encore à trouver ses marques ? D’un autre côté, c’était peut-être une bonn entrée en matière dans sa nouvelle vie. « S’il est dans mes capacités d’aider, certainement. »

Oh je vous assure qu'il y a mille façons différentes pour aider l'église. Notamment financièrement, nota Oksana, qui garda bien gentiment sa pensée pour elle. Je suis certaine qu'elle se portera volontaire dès la prochaine occasion. Mais n'en parlons pas aujourd'hui. Les bénévoles ont travaillé trop durement pour qu'on ignore ce qu'ils ont accomplis en passant aux prochains événements.

« Mille façons », voilà qui n’avançait pas Yeva à grand-chose. Une fois de plus, son ignorance de ce monde la plaçait en porte-à-faux. Heureusement, l’autre jeune femme redirigea la conversation vers un sujet où il lui suffisait d’observer pour avoir quelque chose à dire. « En effet. J’imagine que l’organisation d’un tel événement est un travail de longue haleine ? » A fortiori si, comme Yeva le soupçonnait, les organisateurs étaient les membres les plus fortunés de la paroisse, qui avaient d’autres occupations dans leur vie.

C'est sa mère qui reprit le flambeau de la conversation — et elle était terriblement excitée au prospect de trouver une nouvelle recrue pour la paroisse. Non, vraiment. Terriblement. Oksana se déconnecta de la conversation pendant au moins quinze minutes, reportant son attention sur ce qui se passait autour d'elle, avant d'être libéré de la torture qu'était la voix de sa mère. [...] mais je crains devoir vous laisser. Ils vont bientôt annoncer les prix !

Bien qu’elle soit nettement plus sympathique que Nikolaev, Morozova (mère) était d’un entrain presque intimidant. Aussi, quand celle-ci annonça son départ, Yeva ne fit pas mine de la retenir : « Je m’en voudrais de vous détenir. Merci infiniment pour votre accueil, Madame Morozova. »

Oksana salua sa mère de la main (buh-bye) quand elle partit avant de lâcher le long soupire qu'elle avait retenu durant son discours. Elle aurait pu continuer jusqu'à ce qu'on ait des rides ! Et Oksana n'était même pas un peu prête à accueillir les rides sur son visage.

« Ces événements semblent tenir très à coeur à votre mère. » C’était plus diplomatique que le commentaire de la jeune femme, mais le sentiment était le même. Yeva ne pouvait qu’espérer retenir le torrent d’information auquel elle venait d’être exposée.

Vous êtes trop diplomatique. Hmm. Elle aurait peut-être dû dire "très" pour rester diplomatique de son côté. Les milieux de Moscou vont vous plaire, ajouta-t-elle avec un sourire en coin.

« Trop » diplomatique ? Yeva se sentit rougir, ce qui ne fit qu’augmenter son embarras. Quand arrêterait-elle donc d’avoir l’impression d’être désespérément hors de son élément ? « Si le tirage des lots approche, nous devrions peut-être nous y rendre aussi. Histoire de voir ce que vos conseils m’ont valu. »

Tout à fait. Elles rejoignirent la foule qui se forma peu à peu devant un podium monté spécialement pour montrer les prix de la tombola. Un homme monta sur scène avec une main remplie de cartes de repères. Monsieur Novikoff, chuchota Oksana. Un bon ami du prêtre de notre paroisse.

« Mesdames et Messieurs les bons samaritains de cette paroisse, j’espère que… » Pendant que l’orateur se lançait dans un discours interminable à propos des vertus de la charité, Yeva se faufila un chemin jusqu’à son mari, supposant que l’autre jeune femme suivrait. Avec tout ça, elle ne lui avait même pas encore donné le numéro de leur lot. Elle le lui montra alors que le tirage à proprement parler commençait. « … le numéro 31 repartira avec cette splendide montre à gousset du maître-horloger suisse Blumenthal… » La liste n’en finissait plus. « Le lot numéro 47 est un coupon pour la boutique de Sobol & Zima, tailleurs… »

Une montre. Gé-nial. Qu'est-ce qu'elle était supposé faire avec une montre ? Si elle avait un mari elle aurait pu en faire un cadeau, mais les relations qu'elle entretenait avec les hommes qu'elle jugeait digne d'elle n'avait pas encore évoluées à ce stade-là. Sobol & Zima ? C'est un bon lot. Vous allez pouvoir adopter une mode plus moscovite. Aïe. Une petite pique à la campagnarde. La pensée était sortie avant qu'elle puisse l'arrêter.

Une fois de plus, Yeva se sentit piquer un fard. Elle avait pourtant fait de son mieux pour s’adapter à la mode de la capitale et sa mère s’était assurée renouveler presque entièrement sa garde-robe pour son trousseau. Elle tenta de donner le change tant bien que mal : « Mademoiselle Morozova, je ne pense pas que vous ayez déjà rencontré mon mari, Pavel Davidovich Bogomolov ? Pavel, voici Oksana Vasilevna Morozova. » Pavel s’inclina légèrement pour lui baiser la main. « Un plaisir, Mademoiselle Morozova. »

HRP:

Enchantée. Elle partagea un petit regard avec Yeva avant de continuer. Y a-t-il une question qu'on vous a déjà posé une dizaine de fois aujourd'hui ? Que je sache laquelle éviter.

HRP:

Contrairement à Yeva, Pavel avait l’air parfaitement à son aise et n’hésita pas avant de répondre avec un sourire amusé. « Eh bien je dois avouer que je n’ai pas goûté les éclairs et que je ne pourrai donc pas trancher si oui ou non ils contiennent plus de citron que lors de la dernière soirée de Madame Kuznetsova. » Yeva lui jeta un regard interrogateur. Ses discussions avaient réellement tourné autour des pâtisseries qui ornaient le buffet ? Elle lui demanderait plus tard. « Je vous retourne la question : quel sujet avez-vous déjà épuisé aujourd’hui ? »

Je peux vous confirmer qu'ils contiennent plus de citron que la dernière fois et... je pense qu'on peut se passer de l'organisation des prochains événements de charité hypothétiques. N'est-ce pas ? Elle adressa un regard poli à Yeva.

Yeva confirma avec mince sourire : « Je pense que nous en avons déjà reçu une description on ne peut plus complète. »

Aviez-vous également acheté un billet ? osa demander Oksana avec cette étincelle de curiosité dans les yeux. Elle savait que Yeva avait gagné un lot qu'elle aurait aimé avoir, mais qu'en était-il de Pavel ?

« Yeva s’en est chargée pour moi », répondit-il. « Je suis l’heureux destinataire de deux tickets de train pour Sotchi. » Ah, voilà qui expliquait une partie de son amusement : par un tour du sort, il avait hérité du lot qu’il avait offert pour la tombola.

Deux tickets de train ? Un lot assez ironique vu votre métier, il me semble. A moins qu'il avait offert le lot lui-même. Dans ce cas il avait tout simplement pas de chance ! Qu'allez-vous en faire ?

« L’ironie du sort, sans doute. Si vous connaissez des personnes prévoyant un voyage à Sotchi, je peux déjà leur procurer les billets pour le trajet. » Evidemment, vu qu’il s’agissait de sa ligne, il se passait généralement de telles formalités.