"L'optimisme ça rend un peu con, en général on en bave beaucoup moins quand on a conscience de la réalité." En tout cas on échappe aux peines de coeur. Et à certains tirs qui auraient pu être prévus avec le bon état d'esprit. "Qui aime avoir mal quand on peut l'éviter ?"

Je lui accorde cette logique, mais... Avoir mal fait partie des expériences de la vie. Arf, ça devient profond. J'me savais pas capable de ce genre de conversations. Normalement j'parle de macaroni ou de mon serpent. (C'pas un euphémisme. Mon vrai serpent.) J'pense pas qu'on est capable d'éviter la douleur.

"Moi j'pense que si. Pas tout, mais une partie." On la transforme en autre chose peut-être. "Ça dépend des gens et des situations, encore une fois." Moi je cherche le plaisir, dans la vie. Alors forcément, je fais tout pour éviter les sales coups de la vie. Oui, je sais que je risque de crever au taf. Mais l'adrénaline et cette joie sauvage d'être en vie et pas l'autre, ça vaut le risque. Il est lointain, le risque de se faire descendre, tant qu'on n'a pas perdu un membre ou un pote.

Chépa. J'hausse mes épaules. Les gens qui essayent d'éviter, c'est souvent à cause d'une mauvaise expérience. S'ils ont déjà eu mal, c'est qu'ils connaissent la sensation et préfèrent éviter de répéter l'expérience. Mais sans douleur pas d'joie ? L'adrenaline c'est ce qui me pousse à faire ce genre de trucs. Les courses, les transports, le pilotage. Mais si j'éviterai la douleur, j'serais pas capable de faire une course. Faut prendre des risques parfois.

Houlà, ça devient philosophique cette histoire... "C'est c'qu'on fait là, non ?" Je regarde une étoile double au loin. "Quand on veut faire quelque chose, on le fait. Pourquoi faudrait l'avis des autres, leurs retours d'expérience et leur guimauve si on a envie de guimauver soi-même ?"

La conversation philosophique fut écourté à cause d'un violent BEEP-BEEP dans le cockpit. Un autre vaisseau sur le radar. J'lance un coup d’œil sur l'écran avant d'essayer de repérer le coupable. Pas trop dur de deviner de quoi il s'agit quand ils commencent à tirer. Pirates. Bonjour les manœuvres d'évasion.

Euh... Je réfléchis. J'ai pas l'habitude de riposter en fait. J'suis un peu nul avec le multitasking. Je sais qu'il y a un canon laser quelque part dans le vaisseau, mais j'ai jamais dû l'utiliser. J'vais plus vite et j'évite plutôt bien les coups. Là, j'crois ? J'appuie sur un bouton qui fait apparaître une manette du tableau de bord. Mais j'sais pas comment ça marche.

Putain c'est pas vrai. Il a un vaisseau et il sait pas s'il a des armes ni comment on s'en sert. Bon, on va pas le distraire davantage, tant qu'il évite les tirs ça suffit à mon bonheur immédiat. "Conduis, j'regarde ça." J'ai rien de plus utile à faire de toute façon, alors je regarde. J'ai quelques notions, faut bien, mais c'est pas à moi qu'on file ce genre de trucs sachant que plus la cible est loin moins je suis à l'aise. Voyons, doit bien y avoir un verrouillage automatique quelque part...

Je la laisse s'en charger. J'ai besoin de concentration de toute façon. C'est bien. J'sens l'adrénaline monter et la conversation gnan-gnan de toute à l'heure m'a rendu moins nerveux à propos de ma compagne de cockpit. J'peux tourner mon attention vers ce qu'il faut. Focus. J'suis pas sûr de rendre la vie facile à Sara avec les manoeuvres que j'fais. Un vaisseau de cette taille profite d'une agilité complexe, mais viser devient vachement compliqué.

Ca servait à rien jusqu'à ce qu'un deuxième vaisseau décida à se mêler à la poursuite. Pas encore 100 % sûr si celui-ci était aussi pirate, mais s'il l'était, il n'était pas copain du premier en tous cas. La preuve en était clair quand il tira dans l'un de ses moteurs. La CC ? Non, ils ne viennent pas dans ce coin. Juste un rival, sûrement. Mais j'me demande ce que j'suis en train de transporter si deux vaisseaux sont déjà intéressés. Et comment est-ce qu'ils sont au courant déjà ? Un coup de chance ?

Nan. J'ai pas de potes, j'ai envie de dire. Aucun qui se sentirait chaud de me joindre dans l'espace anyway. Mais profiter de l'intervention des autres pour se barrer, ça ça me parle. J'lui préviens pas de s'accrocher. J'pense qu'elle le fait déjà. Notre vaisseau prend de la vitesse. J'évite les tirs qui divaguent de leur but et change de trajet. Faut qu'on change d'itinéraire.

HRP:

Y a une étoile quelque part ? Une station spatiale ? Faudrait qu'elle vérifie sur le GPS. J'ai pas le temps avec les yeux qui font aller-retour entre ce qu'il y a devant moi et l'écran qui montre ce qu'il y a derrière. Difficile de perdre quelqu'un quand il y a rien d'autre sauf un grand espace noir qui t'entoure.

"Ya qu'ça !" Bon, et du vide. Surtout du vide d'ailleurs. Je continue à trifouiller, cette fois en quête d'une carte quelconque - que je finis enfin par trouver comment allumer. "Station à onze heures, seize minutes de route à cette allure, eeeeet... une autre à quatre heures, huit minutes de temps. Elle m'emballe pas trop celle-là, elle nous rapproche des types. J'te file les coordonnées de laquelle ?"

On aura peut-être même pas 16 minutes. L'autre vaisseau semblait bien capable de nous rattraper avec un quart d'heure d'écart. La station à quatre heures était peut-être plus risquée, mais elle était plus proche. La dernière, je marmonne. Pas le choix. Fallait se planquer quelque part pour un moment.

HRP:

J'appuie pour afficher les coordonnées de la deuxième. J'aime pas ça, mais il a l'air de mieux maîtriser son sujet que moi contrairement à mes craintes, donc je consens à la boucler et à le laisser faire. Je lorgne les commandes du laser. J'espère qu'il faudra pas en arriver là. Surtout si près d'une station. Mais au pire...

Faut que j'ajuste le trajectoire du vaisseau. J'prends un gros tournant qui secoue un peu l'engin. J'ai tellement l'habitude de piloter des modules de course que j'oublie qu'un vaisseau de cette taille ne bouge pas aussi facilement. J'espère qu'il n'y a rien d'explosif (ou de vivant) là derrière. Tu les causes si la station nous demande pourquoi on veut se joindre à eux temporairement ? S'il y a une chose qu'elle a bien comprit, c'est que j'suis nul en mensonges.

Bingo et double bingo. Elle avait raison en tous points. Notre p'tit vaisseau s'approcha de la station spatiale et une voix se fit assez rapidement entendre dans le cockpit. Le blabla connu d'une madame qui voulait savoir qui on était et pourquoi on demandait accès à leur station. Les bases. Pourtant mes mains transpiraient déjà. J'préfère largement les fuites aux conversations normales.

C'est bon, ça passe. En même temps, pourquoi ça ne passerait pas ? Sara est très crédible. Je met le vaisseau à quai calmement. Rien de suspect, j'espère. On s'est pas fait tirer dessus (encore heureux) donc il n'y a pas de preuves à propos de la vraie raison pour notre arrivée. J'crois qu'on est bon. Um... J'me lève pas encore directement. Du coup on sort ?

Moi je sors, ouais. Toi t'es reconnaissable comme pas deux, mais va falloir faire avec. "Vu que c'est ce que j'ai dit à la p'tite voix, ça me semble un bon plan. Sauf si tu préfères rester enfermé. T'es connu par ici ?" Je regarde l'allure des lieux. Des transporteurs, des gens normaux, même quelques mômes. Un type patibulaire comme lui risque de faire tache. "T'aurais fait quoi si t'avais été tout seul ?"