Rappel du premier message :



Une fois n’est pas coutume, Katja était sur un campus qui n’était pas le sien. Columbia organisait en effet une conférence multidisciplinaire sur la médecine adaptée aux mutants, un sujet qui lui était très cher. Elle espérait simplement que les intervenants seraient pertinents et constructifs et ne ressortiraient pas l’éternel discours du besoin de trouver un « remède » à la mutation. Comme si le gène X était un dangereux pathogène plutôt qu’une évolution naturelle et inéluctable.

Les invités de la matinée avaient heureusement évité ce cliché stupide et exaspérant et présenté des théories et techniques prometteuses et très intéressantes. Katja était restée captivée jusqu’à la fin des questions-réponses, puis avait quitté l’auditoire avec le reste du public pour aller se chercher à manger pendant l’heure et demie de pause prévue pour cela. Restait à trouver la cafétaria sur ce campus, ce qui n’était pas forcément gagné vu qu’elle ne le connaissait absolument pas.

"Je savais que j'avais raison de bien t'aimer." dit-il alors plutôt content de sa réponse. Bien sur il n'a pas de pouvoir sur l'esprit et ne sait pas forcement détecter les mensonges. Il a bien quelques compétences dans ce domaine du fait qu'il soit très sociables, mais il a aussi un côté naïf qu'il n'a pas encore réussi à totalement effacer. "Pas de chance pour toi je suis déjà pris" qu'il précise immédiatement pour qu'elle ne se fasse pas d'idée. Il ne lui vient pas à l'esprit une seconde qu'il n'est peut-être pas au goût de la jeune femme. Pas une seconde.

Katja secoua la tête d’un air désespéré, mais au moins la conversation avait repris un tour bien plus léger et inoffensif. C’était presque impressionnant de voir la vitesse à laquelle il passait d’un sujet délicat à du grand n’importe quoi. « Par une aimantée que tu présentes pas à tes relations côté roulettes, ma mémoire fonctionne bien, t’inquiète », rit-elle. La preuve.

"yup c'est ça. Je vois que tu as bien pris en main le côté aimant et roulette." dit-il fier de son influence sur ses camarades mutants. "Il y a pas de copyright, hésite pas utiliser dans tes autres conversations." Il termine sa pomme et boit un verre d'eau. "Je suis très fidèle. Par nature...et par obligation aussi un peu." Tromper une femme c'est une forme de roulette russe. Tromper Milo aussi, avec 6 cartouches pour les 6 chambres du revolver.

Elle imaginait déjà la tête de son entourage si elle en faisait une habitude d’utiliser ces surnoms. Entre sa famille (biologique) fan du travail du Prof X et ses frères et soeurs (adoptifs) fidèles à Magnéto, elle risquait de mal se faire voir. Et voilà qu’il précisait une fois de plus qu’il n’était pas intéressé/ne pouvait pas l’être. Cool pour lui, la réciproque était vraie aussi. « Et je fais pas dans les relations illicites, ça tombe bien. » Trop de drama et de noeuds au cerveau pour pas assez de happy ends.

"Si tu as besoin d'un intermédiaire avec la team roulette pour tes études, je connais des gens qui pourront t'aider à récolter des données sans que ça pose de problème de confidentialité. Enfin ça dépend du genre de données dont tu as besoin aussi " propose-t-il avec un sourire charmant et détendu. "Vu tes objectifs ils seront pas contre et c'est pas le genre à détourner des recherches contrairement à d'autres." Il est réaliste sur les tendances des deux camps.

Il comprend rapidement qu'il sera plus simple qu'elle lui envoie le protocole par mail. Sa mère ne devrait pas refuser tant qu'il n'y a pas de risque pour les enfants. Par contre ce qui sera compliqué concerne la scientifique en elle-même. Est-ce que l'Institut va demander un background-check ? D'un autre côté c'est une doctorante. Si l'institut est d'accord pour travailler avec une humaine sur le sujet, pourquoi pas avec une mutante. Après tout c'est facile de voler les informations à une humaine. "Faudra un mail décrivant le protocole. J'aime pas le bouche à oreille pour les trucs aussi précis."

« Pas de soucis, j’ai tout le plan de recherche et les questionnaires prêts sur mon ordi. Je peux te les envoyer ce soir si tu veux. » À condition d’avoir une adresse mail où envoyer les documents en question. « Pour des participants mineurs, par contre, faut que je voie avec mon directeur de thèse parce que je sais qu’il y a des règles spécifiques à suivre que je connais pas par coeur. »

"Prend ton temps, il me faudra le nom de ton directeur de thèse par contre, je pense que c'est mieux si l'Institut le contact lui en premier." explique Eliandre qui a l'air de penser à beaucoup de chose pour le coup, il a l'air très responsable et réfléchi. "Iloveeliandre@gmail.com dit-il pour son adresse mail. Il a aussi une certaine capacité à casser le mythe l'instant d'après l'avoir construit.

« Ouaip, pas de soucis, son nom et ses infos de contact sont sur tous les documents officiels de toute façon. Et je le préviendrai histoire qu’il se demande pas pourquoi il a un mail de l’Institut tout d’un coup. » il risquait de se poser des questions sinon. L’adresse mail fit relever la tête à Katja du bout de papier (old school) qu’elle avait pris pour la noter. « C’est la tienne ou celle de ta copine ? Ou d’un groupie peut-être ? », taquina-t-elle.

"C'est la mienne pourquoi ? Les filles aimaient bien taper mon adresse pour m'écrire. Je l'ai gardé en souvenir du.... des temps plus anciens." dit-il en regardant son téléphone avec suspicion comme s'il était vivant. "Je te garantis rien, mais au moins la demande sera étudiée avec bienveillance." sa mère est pas paranoïaque tant qu'il ne s'agit pas de la sécurité de son fils.

Même pas drôle, il répondait sérieusement. Vu comme Katja avait déjà mis les pieds dans le plat plus d’une fois, elle résista à la tentation de demander en souvenir de quoi il gardait cette adresse mail. Autant il avait eu l’air de bien prendre ses bourdes jusque là, mais autant ne pas pousser. « L’étudier avec bienveillance est tout ce que je demande. C’est de toute façon des participations sur base volontaire, je m’attends pas à ce que toutes les personnes que je contacte participent. » Elle recevait plus de refus que de réponses positives, pour tout dire.

"Moi je suis ok pour participer, mais je suis en bonne santé, j'ai une nourriture équilibrée, je me couche pas trop tard, je fais du sport, mais pas trop, j'ai une vie sexuelle épanouie et un pouvoir trop cool. Pour le moment je prends pas de cacheton. Même pas de supplément pour ma musculature de rêve, j'aime pas les physiques trop bodybuildé, je préfère être shredded." dit-il en soulevant son T-shirt pour montrer ses abdos.

Pour un médecin, les infos qu’Eliandre récitait étaient probablement très intéressantes. Pour Katja, elles lui confirmaient juste qu’il n’était en effet pas un participant potentiel pour son doctorat. Dommage, vu comme il ne rechignait pas à se livrer. « Ca serait évidemment plus facile si tout le monde pouvait en dire autant », sourit-elle. Et pas seulement les mutants. Bon, d’accord, les médecins et pharmaciens auraient plus de boulot, mais ils pourraient toujours se reconvertir.

"J'imagine que les mutants ont plus de chance de mourir d'une mort induite par leur mutation. Violence entre mutant, racisme, expérimentation illégales, effets secondaires indésirables, etc..." dit Eliandre un peu moins enjoué pour le coup. Son frère est mort par exemple, clairement parce qu'il était un mutant. Mais il n'a pas encore de vrai piste à part le fait que les mutants sont visés. Indifféremment de leur affiliation. Enfin si il a quelques autres petites infos, mais pas de breakthrough pour le moment.

Un rire sans joie échappa à Katja : « C’est pas induit par leur mutation ce que tu me décris là. C’est induit par le fait que la société au mieux nie les besoins d’adaptation aux mutations diverses, au pire cherche activement à nuire ceux dont la mutation s’est déclenchée. » Une nuance, un détail aux yeux de certains, un monde de différence à ceux de Katja.

"Ils meurent parce qu'ils sont mutants donc c'est induit par leur mutation. Enfin c'était surtout pour dire qu'il ne tombe pas malade aussi souvent que les autres j'imagine. Par contre ils sont plus souvent blessés, donc les médicaments qui servent dans ces cas seront certainement les premiers pour lesquels tu auras des donnés. Et ceux pour le rhume." dit-il en souriant au moment où il ajoute le rhume.

« Leur mutation n’a pas causé leur mort, tout juste donné un prétexte à une bande de détraqués », contra Katja. « Et pour les maladies, ça dépend vraiment d’une personne à l’autre. Pour certains la mutation n’a aucun effet sur leur santé, pour d’autres elle la renforce, et d’autres encore sont moins chanceux et ont le système immunitaire bousillé par le gène X. Mais oui, les blessures sont monnaie courante aussi, que ce soit parce qu’ils ont du mal à s’habituer à la nouvelle forme de leur corps ou parce qu’ils sont attaqués. »

Une nouvelle diatribe enflammée, pleine de verve et d'un brin de colère. "Tu es jolie quand tu es passionnée. Tu as un copain ?" demande Eliandre curieux de la vie perso de la jeune femme. Il a une certaine capacité désarçonnante en matière de saut du coq à l'âne.

Décidément, c’était une idée fixe chez lui ! « Nope, même si ma famille me demande parfois si je suis mariée à mon labo. » En plus d’une soirée mémorable durant laquelle sa mère l’avait prise à part pour lui assurer que si elle avait une copine, celle-ci était bien évidemment la bienvenue dans la famille. Après un long moment de perplexité carabinée, Katja avait fini par comprendre où sa mère voulait en venir et elle lui avait fait savoir qu’elle était bel et bien célibataire et pas inquiète de présenter sa moitié à sa famille.

"Scientifique passionnée. I get that." confirme Eliandre en regardant de plus près la jeune femme. "Dommage pour tous ceux et celles qui t'ont trouvé attirante." ajoute-t-il ensuite. Parce qu'elle a un côté mignon la doctorante. Il jette un œil sur son téléphone, faudra pas qu'une image de canapé pop soudainement non plus. Il pense pas à mal. "Ca se passe bien avec ta famille le côté mutant de ta personne ?" il enchaîne avec les questions indiscrètes sans que ça ne lui pose le moindre problème visiblement.

À vrai dire, Katja ne rejetait pas spécialement les relations. Elle devait avoir un vibe qui décourageait les gens. Ou sa vie bien remplie les faisait hésiter. Quoi qu’il en soit, Katja n’avait pas spécialement pris l’initiative pour y changer quelque chose. Pour parler de sa famille, par contre, elle ne se fit pas prier, et répondit avec un large sourire : « Oh, ils l’ont mieux pris que moi. J’étais petite et j’ai… un chouia flippé quand mon corps a commencé à faire n’importe quoi », elle découvrit brièvement son cou, orné d’une marque semblable à du henné mais clignotant actuellement entre le rose vif et le vert fluo. « Et la tienne ? »

"Fun comme side-effects. Tu dois faire des ravages en nightclub !" un jour sans doute il trouvera un pouvoir dont il ne parviendra pas à trouver un côté positif. Un jour. "C'est cool pour ta famille ! Moi je suis fils d'une mutante, alors la mutation c'était un truc standard. Mais sur le long terme mon père s'est éloigné de ma mère, et comme il fallait qu'il trouve une cause à tout ça, la mutation est devenue un prétexte bien pratique. Il milite au sein de la LIRAH maintenant. Mais comme je suis son seul fils vivant il m'aime. Si je pouvais guérir ça serait mieux quand même." dit-il avec un brin de sarcasme sur la fin.

Mouais. Si elle débarquait en night club comme ça, elle risquait plutôt une agression que d’avoir du succès. Mais c’était un détail à côté du récit d’Eliandre, qui la fit grimacer de sympathie. « Waoutch, sympa l’ambiance en famille dis-donc. Ton père est au courant qu’il est dans un groupe dont pas mal des membres hésiteraient pas à t’assassiner en pleine rue ? » Si oui, c'était un connard hypocrite, si non, c'était un connard doublé d'un imbécile. Elle n'excluait pas la thèse du connard hypocrite et imbécile.

"Bien sûr qu'il est au courant. Je dois sans doute être sur une liste spéciale - ne pas tuer, on peut le guérir lui - ou un truc du genre." il hausse les épaules. "Le pire c'est que je suis certain qu'au fond de lui il a rien contre les mutants, c'est juste un mécanisme de défense pour gérer la rupture avec ma mère. Il a pas supporté qu'elle soit plus brillante que lui. " ouais son père cumule les défauts, mais ça reste son père. Pour le moment. "Accessoirement son fils mutant est mort dans des circonstances encore non élucidées."