Rappel du premier message :



Encore une fois, il court sur les toits, les rebords de fenêtre, les grillages, tout ce qui lui permet de passer d'immeubles en immeubles. Ce n'était pas Spider-Man. Ni Batman. Ni Antman.  C'était lui. Le seul et unique Maverick. Qui réfléchit encore au design de son costume et à son nom de code. Si vous regardiez ses dessins, vous vous direz peut-être qu'il a du talent et qu'il devrait se lancer dans la mode. Hélas, Maverick avait déjà choisi une autre occupation comme avenir. Héros !

Son palmarès n'est guère brillant. Il a effrayé une mamie qui a porté plainte pour vol de bégonias et s'est retrouvé en détention. Il y a avait perdu deux cents dollars au profit du bondsman qui avait payé sa caution de mille dollars. Ce n'est qu'une mauvaise passe de sa carrière de héros !

Règle n°2 Un héros ne n’abandonne jamais peu importe les difficultés.

Sur les toits, il est en parfaite position pour voir les crimes, il s'est agenouillé pour prendre le temps d'observer les fourmis d'en bas. Maverick remarque une altercation entre une femme et un type.

Règle n°1 Un héros porte secours aux personnes en danger.

Porté par cette règle, il se débrouilla pour descendre le plus vite possible avant que les choses ne s'enveniment.

Je veux être un Batman des temps modernes. Etre Beethoven ne m'intéresse pas. Ses étudiants ? Elle était prof ? Dire qu'il avait discuté de son désir d'être un héros avec un professeur !  Tu es prof ? De quoi ?

« Deux voies très différentes », rit Katja. Enfin, celle de Batman était sans doute plus simple quand on était un multimilliardaire avec plein de gadgets inédits et un majordome débrouillard. « De biologie et chimie en secondaires. » Pas sa carrière de rêve et elle ne comptait pas le faire toute sa vie, mais pour le moment le job lui plaisait (et payait ses factures).

I'm Batman !, fit-t-il imitant une référence pop culture aux films de DC comics qui utilisait des variations de cette formule. De l'humour, mais aussi un signe de sa volonté d'être un héros. Qu'est ce que tu préfères dans ce que tu fais ? Lui, il aimait bien parcourir la ville avec des écouteurs aux oreilles. Il découvrait de nouveaux aspects de la ville qui ne dormait jamais.

L’imitation eut le mérite de faire rire Katja, qui avait bien du mal à voir son interlocuteur en Batman. Spiderman lui allait mieux, à ses yeux. Elle afficha une moue un tantinet embarrassée à la question suivante : « À vrai dire, prof n’est pas franchement mon métier de rêve. Idéalement j’aimerais faire de la recherche en biochimie et pharmacie pour adapter les traitements médicaux actuels aux physiologies des mutants, puisque le corps de certains rejette même des médicaments génériques comme l’aspirine. Mais mes élèves sont sympas, quand ils ne chahutent pas trop, et ça me permet de financer mon doctorat. »

C'est curieux de vouloir "réparer" la mutation génétique.  Toucher à la génétique, c'est ouvrir la boîte de Pandore. Qui sait quels démons en sortira ? Bravo Maverick ! Un peu de culture dans cette caboche habitée par l'héroïsme et le désir d'aider son prochain.

Katja hocha la tête. « Ca, et quand bien même toucher à la génétique serait sûr et sans problèmes éthiques, c’est complètement absurde de vouloir ‘réparer’ ce qui n’est pas cassé ou ‘guérir’ ce qui n’est pas malade. Chaque jour, des tonnes de mutations ont lieu dans la nature, ça fait partie de l’évolution. Il se trouve simplement que le gène X est une mutation plus visible et drastique que beaucoup d’autres, mais il n’est pas malsain pour autant. » Elle s’enflammait, comme toujours lorsque le sujet était abordé.

De l'absurdité, Maverick pouvait en témoigner de première main avec une plainte d'une mamie pour tentative de vol de bégonia. Qui lui avait coûté deux cents dollars pour  qu'un bondsman fournisse l'agent de sa caution. L'apprenti héros n'était pas trop porté sur les études et les choses très savantes.  Ça n'empêche pas certains de le réclamer bien fort dans les médias. C'est plus facile de réparer la différence que de l'accepter, j'imagine. Et ils prennent en exemple des accidents spectaculaires mais exceptionnels pour démontrer que le gène X est malsain.  

« Exactement ! » Entrainée dans un sujet qui lui tenait à coeur et encouragée par son interlocuteur vraisemblablement sur la même longueur d’onde, elle poursuivit : « Et vu comme le discours pathologisant la mutation a tendance à saturer les ondes, c’est le premier discours rencontré par beaucoup de mutants récents, pour la plupart des enfants ou des jeunes ados, donc vulnérables ou mal dans leur peau. Donc eux aussi vont croire à ce mythe, se tourner vers ceux qui promettent de les ‘guérir’, et au passage servir d’exemple illustrant que ‘les mutants aussi veulent un remède’. C'est un cercle vicieux ! »

C'est toujours ceux qui ont des positions extrêmes qu'on entend le plus fort. , pontifia Maverick après avoir écouté la description du cercle vicieux. C'est dommage qu'il n'y ait pas de vrai débat sur la question avec des opinions plus nuancées. Et comme vous l'avez dit vous-mêmes, qu'est-ce veut dire le mot mutant quand on sait que dans la nature, il y en a des milliers qui se produisent ?

Des « opinions nuancées », Katja en avait sa claque. C’était surtout une jolie manière de dire « on veut contrôler les mutants, mais on va l’appeler autrement et faire semblant qu’on leur offre des opportunités ». La bonne blague. « ’Mutant’ veut dire ‘qui a subi une mutation’. C’est à dire une modification de la séquence nucléotidique au cours du cycle cellulaire ou sous l’effet d’agents mutagènes. On parle aussi de mutant pour désigner un organisme dont un ou plusieurs caractères héréditaires diffèrent de ceux des parents, ce qui est causé lors de la gamétogenèse ou l’embryogenèse. Il y a une définition scientifique, pas besoin de débat. »

Ce qui était fou, selon Maverick, c'était que l'on passait à côté de la définition du terme dans le débat. Il n'y avait pas de vraie interrogation, le terme dans la bouche de ceux qui l'utilisaient définissait une catégorie de populations précise. Dotée de faculté. Si seulement on arrêtait de mettre les gens dans des catégories avec des idées bien arrêtées sur eux., soupira le héros en herbe. ça faciliterai la vie de pas mal de gens.

Katja haussa les épaules : « Je n’ai pas de problème avec le fait qu’on me mette dans la catégorie ‘mutant’, tout comme je n’ai pas de problème avec la catégorie de femme, allemande ou biochimiste. C’est les préjugés, attentes et hostilités causés par les labels le problème, pas les labels eux-mêmes. » Car sans le moindre label, comment décrire son identité ou trouver des personnes au vécu similaire ?

Maverick se gratta subitement l'oreille avec son auriculaire. Les labels ne me plaisent pas. Surtout quand on y met une conno- conno-a, c'était quoi déjà ? Une intention négative. Et pas péjo- machin chouette que le premier de la classe adorait utiliser ! Trop verbeux pour lui. Pourquoi je pense à une marque de savon quand tu parles de label ?, se demanda-t-il à voix haute ensuite.

Katja non plus n’aimait pas les effets négatifs des labels, et elle ne put qu’approuver les mots de l’autre en hochant la tête. La comparaison avec la marque de savon, par contre, la fit rire : « Ben quoi, tu nettoies les rues, non ? Le savon te va bien. Et puis vu que tu es à pied pour le faire, tu mérites même un label de savon éco-responsable ! »

Si seulement les déchets et les aspirants criminels ne s'empilaient sur le trottoir. Il y avait des poubelles et des prisons à disposition pour s'en occuper si tous le monde adoptait un comportement responsable. Le meilleur des mondes serait celui ou les héros n'auraient pas besoin d'exister. Quel parfum m'irait le mieux si j'étais une marque de savon ? , demanda-t-il sérieusement.

En voilà une colle. Une colle aux allures de quiz débile dans magazine pour ados. « Voyons voir… Citron ? » Frais, peut servir d’agent de nettoyage même à l’état naturel, un brin acide et pourtant fort apprécié par bon nombre de personnes. Cela collait avec le peu qu’elle avait vu de son interlocuteur.

Parlons marque de savon, parlons citron. Le héros appréciait les limonades - surtout avec une rondelle de citron et une paille - après l'effort. Citron ?, s'étonna-t-il avant de se répéter sur un ton plus pensif. Citron ? Après réflexion, Maverick décida qu'il lui convenait. J'aime bien. Marque Maverick, saveur citron pour le bien public !

« Et ça rime, en plus ! Je pense que tu as ta catchphrase de superhéros ! » Et, il n’y a pas à dire, c’était quand même plus recherché que « Je suis Batman » dans le genre catchphrase iconique. Ou que « Luke, je suis ton père », mais là on s’éloignait un peu du sujet. « Reste la question du costume. »

Attends, elle a raison ! Il tenait la CATCHPHRASE héroïque à balancer aux vilains qu'il prendrait en flagrant délit ! Tu as raison ! Elle est excellente ! Est-ce qu'il fallait commencer à s'inquiéter pour le costume qu'ils allaient inventer ? Je vois bien le M en plein milieu du torse. Comme pour le costume de Superman. Mais vu la catchphrase, M et M me paraît mieux.

« Hmm », Katja fit une moue peu convaincue en réaction à l’idée pour le costume. « Attention à ne pas faire trop ‘M & M’s’ quand même. Je vois assez peu de liens entre le savon et des bonbons colorés fourrés de chocolat. Sauf peut-être que les bonbons font des taches, mais vu que tu es censé être un agent nettoyant, c’est encore plus hors-sujet. » Partait-elle trop loin ? Nooooon.

Il pouvait deviner qu'elle n'était pas convaincue. Ce n'était pas une digression sur les M&M qui détournera l'attention d'un héros ! CHEH ! Mais, par jeu, il se laissa entraîner dans le hors-sujet. C'est comme le S de Superman. Si on y réfléchit un peu, ça donne Smarties.

La réplique du tac au tac fit bugguer Katja un bref instant, puis elle éclata de rire. « Ah c’est malin, maintenant j’imaginerai toujours Superman avec une boite de Smarties ! » Bon, après, elle avait de toute façon toujours trouvé ce super-héros un peu trop… bah, trop, quoi. Donc un peu d’humour était le bienvenu. « Tu crois que les Smarties sont un bon remède contre la Kryptonite ? »

C'est mieux que son image de boy scout, non ?, tacla-t-il aussitôt le fameux superhéros. Ce n'était pas parce qu'il se destinait à la carrière de superhéros qu'il ne partageait pas l'opinion de Katja. Un remède contre la Kryptonite ? Evoquer le mot remède lui rappela ce que son interlocutrice voulait faire plus tard.  Je viens d'y penser. Superman est un Alien qui vient de la planète Krypton. Ce ne serait pas fou que les aliments et médicaments terrestres  aient d'autres effets sur lui ?