Rappel du premier message :



Encore une fois, il court sur les toits, les rebords de fenêtre, les grillages, tout ce qui lui permet de passer d'immeubles en immeubles. Ce n'était pas Spider-Man. Ni Batman. Ni Antman.  C'était lui. Le seul et unique Maverick. Qui réfléchit encore au design de son costume et à son nom de code. Si vous regardiez ses dessins, vous vous direz peut-être qu'il a du talent et qu'il devrait se lancer dans la mode. Hélas, Maverick avait déjà choisi une autre occupation comme avenir. Héros !

Son palmarès n'est guère brillant. Il a effrayé une mamie qui a porté plainte pour vol de bégonias et s'est retrouvé en détention. Il y a avait perdu deux cents dollars au profit du bondsman qui avait payé sa caution de mille dollars. Ce n'est qu'une mauvaise passe de sa carrière de héros !

Règle n°2 Un héros ne n’abandonne jamais peu importe les difficultés.

Sur les toits, il est en parfaite position pour voir les crimes, il s'est agenouillé pour prendre le temps d'observer les fourmis d'en bas. Maverick remarque une altercation entre une femme et un type.

Règle n°1 Un héros porte secours aux personnes en danger.

Porté par cette règle, il se débrouilla pour descendre le plus vite possible avant que les choses ne s'enveniment.

« Pas sûre pour les deux autres, mais pour Black Widow l’entrainement en question était quand même sacrément traumatisant. Il doit bien y avoir d’autres manières de créer des héros que de martyriser des gosses. » Ou sinon, elle préférait autant qu’il n’y ait pas de héros.

C'est pas faux. En plus, ce sont des héros qui tuent. Contrairement à d'autres comme Spider-Man. Il y a aussi qu'on fabrique après leur mort bien souvent. Avec une médaille d'Honneur. Ce n'est pas le genre de héros que je tiens à être. Valoriser le courage, c'est une chose mais ça ne réconforte pas tellement la famille qui a perdu un père, un fils, un frère.

Le fait que des héros tuent ne choquait pas Katja plus que ça, tant qu’ils ne se trompaient pas de cible. Des restes de son appartenance à la Confrérie, sans doute. Mais elle avait assez de jugeote pour savoir que dire cela à voix haute n’était pas l’idée du siècle, et ne réagit donc qu’à la seconde partie : « Les médailles d’honneur, c’est joli, mais ça sert à rien. Et c’est souvent une manière de mettre quelqu’un sur un piédestal et faire un joli speech, pour en même temps ne rien changer en pratique. » Quand on glorifie quelqu’un, il est bien trop simple de faire passer le bon sens et l’humanité pour des qualités uniques et surhumaines.

Maverick ne disait pas que le fait de tuer était un problème mais qu'il représentait une différence notable en terme de valeur chez ces différents héros. C'est plutôt pour encourager la pratique, pour donner l'impression que c'est une qualité accessible à un petit nombre. Mais ça me paraît injuste pour tous ceux qui acceptent de prendre des risques comme les pompiers, les policiers, les militaires. Les gens qu'on désigne comme héros ont une qualité récurrente : ils disent tous qu'ils ont simplement faits leur devoir. J'en ai tiré la règle n°4 Un héros ne cherche pas la gloire pour lui-même.

« Mouais. Mais justement, donner l’impression que seuls quelques ‘élus’ exceptionnels sont capables de décence retire toute pression de suivre leur exemple chez la majorité de la population. » Quant aux trois groupes nommés, il n’y a que les pompiers que Katja voyait collectivement comme des héros, mais à nouveau elle se tut. Autant éviter de provoquer tant qu’elle n’était pas sûre de savoir à quel genre d’individu elle avait affaire. Optimiste, engagé, et un brin trop naïf était son impression pour le moment.

D'un autre côté, quand on y réfléchit, montrer des personnages avec des super-pouvoirs dans des comics, n'est-ce pas une autre façon de nous dire que l'héroïsme n'est réservé à de rares élus ? C'est tout le paradoxe des comics. Pourquoi les mutants devraient être les seuls à être des héros ou des méchants ? Faire rêver les gens là-dessus, leur faire idéaliser l'héroïsme alors que le courage est une qualité plus ordinaire que l'on le croît. C'est pas un beau paradoxe ?

« Tant que les personnages avec des superpouvoirs ne sont pas les seuls présentés comme héroïques, pas de risque qu’ils transmettent ce message. Et les Agents du SHIELD sont par exemple des gens ‘ordinaires’ qui font des choses extraordinaires. Les héros qui sortent du lot sont par contre une excellente inspiration pour les mutants, qui sont trop souvent victimes de discriminations et de moqueries. Comme ça, ils peuvent se dire : ‘J’ai des yeux laser, mais Superman aussi et c’est un héros’, ou : ‘J’ai la peau d’une drôle de couleur, mais le Hulk est vert et c’est un héros.’ » Le sujet lui tenait à coeur et elle pouvait continuer longtemps.

L'étudiant Maverick continuait toujours à prendre des notes mentales. Il devinait combien le sujet devait être important pour la jeune femme. Maverick essaya d'imaginer le réconfort que cela apportait aux mutants. Hulk un héros ? C'était parfois relatif dans certains comics avec les destructions qu'il pouvait causer. Je préfère Spider-man, il fait un peu comme moi. Il fabrique son propre costume, ses propres armes pour combattre le crime. J'ai mes règles et le costume... disons que je cherche encore comment avoir la classe et en même temps avoir un tissu qui ne gêne pas les mouvements.

Elle sourit à cette description de Spiderman. Il est vrai que c’était un héros très sympathique, et qu’on pouvait plus facilement s’identifier à lui qu’à un richissime héritier comme Batman ou une princesse/déesse comme Wonder Woman. « Tu as essayé d’utiliser des tenues de gymnastique comme base ? C’est proche du corps, mais très élastique. Ou sinon des tenues d’escalade si tu préfères des vêtements plus lâches. » Elle-même s’y connaissait assez peu, mais elle avait retenu des bribes de conversation sur le même thème entre ses frères et soeurs mutants.

J'y ai pensé, je crois que les tenues d'escalade conviendraient mieux, le truc, c'est que j'aimerai arriver à un costume cool. Qui colle avec un nom de code sympa. Je dessine des prototypes mais je ne suis pas encore assez satisfait. Pas assez du moins pour sortir en mission héroïque avec. Ou était-t-il trop perfectionniste ? Il croisa les bras et pencha la tête, pas difficile de décider.

« Tu as déjà le nom de code ? » Son sourire s’élargit alors que cette discussion faisait remonter des souvenirs qu’elle chérissait. Combien d’heures n’avait-elle pas passées en grande discussion avec ses frères et soeurs à évaluer une liste grandissante de possibles noms de code, parfois bons, parfois tout bonnement ridicules. Ces discussions l’avaient aussi aidée à accepter sa mutation, au point qu’elle avait fini par choisir un nom qui y faisait référence.

Le nom de code ? Il n'avait pas de pouvoir, mais il ne tenait pas à l'indiquer à ses adversaires potentiellement mutant. Mauverick ? En plus, il aimait bien cette couleur. Tu en penses quoi ?

« Pas mal, le jeu de mots. Tu aurais un costume mauve, du coup ? Ou orange juste pour perturber tes ennemis ? » Semer le doute et la confusion pour gagner quelques précieuses secondes d’avantage, tout ça tout ça.

Pourquoi pas ? , répliqua-t-il l'oeil pétillant. Mauverick en orange !

Katja jeta un coup d’oeil à l’autre, tentant d’imaginer le costume. Bon, pas concluant, son imagination ne marchait apparemment pas bien pour ça. « Ca en perturbera plus d’un, c’est certain ! Ca et les entrées en scène fracassantes. » Très Spiderman, ce dernier point.

Lui non plus, il arrivait pas à s'imaginer complètement en orange. Peut-être mauve orange irait mieux. Je crois. Les entrées fracassantes, c'est plus complexe sans pouvoirs. Certaines sont un peu trop fracassantes à mon goût. Littéralement.

« C’est presque des couleurs complémentaires, ça, non ? » Ou du moins c’était ce qu’elle pensait avoir retenu de ses cours d’arts plastiques, il y a quelques années. Bon, ok, elle digressait sacrément. « Trop fracassantes pour toi ou pour les autres ? »

Je crois. Trop fracassantes pour moi, je crains. On n'est pas dans les films de super héros où passer à travers un mur, ce n'est rien du tout. Il se casserait probablement les os avant d'avoir pu aider qui que ce soit. Ce qui n'était pas le but recherché. Mon costume finirait en pièces et mes os cassés.

« Ca serait dommage, en effet. Note, j'ai bien connu quelqu'un qui était capable de traverser un mur sans se casser les os, mais c'est parce qu'il se dématérialisait. Et une fois sur deux il se dématérialisait involontairement en plein combat, pas pratique pour porter des coups. » Un sourire un brin nostalgique accompagna sa description de son Frère avec qui elle avait perdu le contact depuis un moment maintenant. Bien qu'elle ne regrette pas sa décision d'avoir pris un peu de distance par rapport à la Confrérie, trop radicale dans certains aspects, elle regrettait la présence de ses Frères et Soeurs d'adoption et leur complicité si aisée.

Ah., fit-t-il impressionné par le pouvoir de cette personne. Il y a tant de variétés dans les ... dons ?   Et tous n'étaient pas forcément utiles pour le combat.  Pouvoirs ? Existait-t-il une juste appellation pour ce qu'il trouvait ne pas être nécessairement un cadeau ? Qu'il pensait être un fardeau pour certains. Facultés ? Le dernier terme lui semblait plus acceptable.

L'hésitation sur le choix des mots fit rire Katja sans méchanceté. À vrai dire, elle appréciait qu'il réalise à quel point le sujet était délicat. « 'Facultés' est pas mal. Sinon pas mal utilisent 'talent', ou alors simplement 'mutation', est le plus neutre et scientifiquement correct. Et oui, c'est sacrément varié : j'ai connu des gens capables de téléporter des objets ou briller dans le noir, et d'autres qui savaient avaler un bol entier de cannelle sans se dessécher ou imiter à merveille la voix d'une autre personne, mais seulement en chantant. Lui, c'est le roi des karaokés d'ailleurs. »

C'est... varié, on va dire. Celui qui savait avaler un bol de cannelle sans se dessécher lui paraissait plus ordinaire à ses yeux. En chantant ? Il ferait fureur à la boîte où je bosse. Je suis DJ pour l'Océan d'Or parce que règle n°11 : être un héros ne paie pas le loyer. Slam était une employeuse plutôt cool et elle avait un fils proche de son âge, croyait-t-il savoir.

« Ooooh, sympa ça comme job. Ca va, tes oreilles morflent pas trop par contre ? » Katja évita de faire la moindre promesse de recommander la boite à son ami, parce que, le connaissant, la seule raison pour laquelle il entrerait dans une boite humaine ou mixte, c’était pour fiche le bazar. Ce qu’elle préférait éviter : elle préférait l’activisme (ou vigilantisme) ciblé à la violence aléatoire et aveugle.

Si seulement, je pouvais m'épargner le cours de prévention de la surdité. Il avait l'expression d'une personne fatiguée de le savoir et de se l'entendre se répéter. Il écoutait de la musique modérément et moins fort.

« Je compatis, autant éviter de devenir un Beethoven des temps modernes. » Pour la perte d’audition, s’entend. Le génie musical était bien plus enviable, mais également bien plus rare. « Je pense que même le jour des frites à la cantine, mes élèves ne doivent pas arriver à la cheville de ton travail niveau décibels. »