Rappel du premier message :



Je lève les yeux au ciel. Il est encore couvert. Ce qui signifie qu'il risque encore de pleuvoir, et alors, ce sera foutu. J'accélère encore le pas, même si on avançait déjà dans la végétation à un rythme soutenu. Je jette un oeil en arrière, pour voir si William suit toujours. Oui, il suit toujours. De mémoire, il m'a jamais lâchée. Ça fait environ une journée qu'on est sur la piste de ce crevard. Il nous a troqué un chargeur universel, une dynamo supposée pouvoir alimenter tout ce qui a une batterie. On lui aurait bien piqué, s'il avait pas eu deux potes et trois fusils. Donc ça m'a coûté un paquet de clopes neuf. Le problème... c'est que sa dynamo, c'est de la merde.

Donc en plus d'avoir les glandes, j'ai plus de clopes. Autant dire que ça va chier. Heureusement, la terre est encore humide. Je ne suis pas vraiment pisteuse, mais je sais parfaitement différencier la démarche d'un mort de celle d'un vivant. La trajectoire est régulière, le pas profond. Je suis sûre que ceux sont eux. Selon ma loi, il n'existe qu'un seul châtiment pour ceux qui essaient de nous la mettre à l'envers. La mort. Pour un paquets de clope, ouais. C'est ça, la fin du monde. Et puis, c'est une question de principe. Je me fous qu'ils soient trois : ils ont cherché la merde avec les mauvaises personnes. Le jugement approche, il approche à grands pas, et il a un marteau dans la main. C'est pas celui de la Justice, mais il saura rendre le verdict.

« Tiens, mord ça. » dit alors William en lui tendant un petit morceaux de bois qui était normalement censé servir d’attelle. Fiouh... Après une longue expiration, le jeune homme se lança dans opération de fortune. Il était la, le pouce et l’index en train de trifouiller l’épaule de sa coéquipière. « Ok... ok. Je crois que je l’ai eue. » Trop concentré au succès de son entreprise, le jeune homme n’avait même pas fait attention a comment se portait Alma.

A peine avait-t-il commencé que je me suis mise à hurler, en mordant l'attelle si fort que j'ai eu peur de me péter les dents. J'ai l'impression qu'un chien me dévore l'épaule. Je serre la main droite, et je sens mes ongles s'enfoncer dans la chair de mes cuisses. C'est... Insupportable. Je peux pas empêcher mon corps de tenter de fuir la douleur, mais plus je bouge, et plus c'est douloureux. C'est vraiment... de la torture. De la torture. J'en peux plus. " Lâche-moi ! Lâche-moi putain, j'vais t'éclater ! " Je me dégage, je descends de la table, je titube. J'essaie de me rattraper, en vain. J'ai la tête qui... tourne... J'y vois plus rien...

William comprit sa réaction. Pour rien au monde il n’aurait voulu être à sa place. Alors, quand celle-ci perdit connaissance, il ne fut en rien étonné. Il la rattrapa au vol, avant de la poser sur table à nouveau. De toute évidence, la plaie ne saignait plus abondamment. Il entama alors de la recoudre tant qu’elle ne sentait rien. Il la savait assez forte, assez courageuse, pour résister à tout ça. Une fois son travail finit, il lui refit un bandage, et la laissa, la, se reposer. Epuisé et au bout de ses forces, le jeune homme sortit quand même ramasser quelques branchages pour allumer un feu. Peut-être que cela rendrait la nuit plus douce.

C'est la douleur qui me réveille. J'ai l'impression que mon coeur bat dans mon épaule. De quoi ça a l'air... Mh. Je vois que William s'est occupé de tout. Mais je peux toujours pas bouger... ce putain de bras. La hutte est éclairée... J'entends le feu qui crépite dans la cheminée. Merde ! Il est quelle heure ? Les tours de garde. Je dois relayer William. Pour éviter d'appuyer sur mon bras gauche, je glisse mollement du côté droit de la table. Ça me lance, cette épaule, ça me lance... Bon, il est où ? J'le vois pas.

William montait la garde, enfin, si on pouvait vraiment appeler ça monter la garde. Exténué par cette journée, tant sur le plan mental que physique, il était dans une sorte de sommeil éveillé. Posté au pied de la table, assis contre un de ses pieds, il fixait la porte, se préparant à agir en cas d'attaque. En aurait il seulement la force ? Il n'avait même plus assez de concentration pour écouter quoi que ce soit, et son champ de vision ne couvrait plus que cette fichue entrée.

Ah bah, il est là. Il a l'air dé-fon-cé. Ça fait une plombe qu'il a pas dormi. Je sais même pas s'il est vraiment réveillé. Je lui tapote l'épaule. " Hé. C'est mon tour. Va dormir. " Je peux lire la fatigue et la faim dans ses cernes. Il est en mode cadavre. On a encore rien bouffé, putain, avec ces conneries. Rien que d'y penser, j'ai le ventre qui pousse un genre de râle d'agonie dégueulasse. C'est la priorité de demain.

A peine Alma lui toucha t-elle l'épaule que William se laissa tombé sur le coté, avant de tout simplement s'endormir à même le sol. Il s'en voulait de la laisser seule dans cette situation, surtout qu'elle récupérait encore de sa blessure, mais là, c'en était trop, même pour lui. Dormir... un petit peu...

Ah ouais, à ce point-là. Bonne nuit, William. Vu le temps que j'ai dormi, je vais le laisser pioncer jusqu'à demain. Je choppe mon marteau, je vais dehors. Faut que je bouge pendant mes tours de garde. Je supporte pas de rester assise à rien foutre, ça me rend dingue. Quand je fais rien de mes mains, ça me stresse. Y'a moyen que j'trouve un truc à grailler, des champignons, n'importe quoi. J'ai vraiment la dalle. J'en reviens presque à regretter de pas avoir charcuté la jambe d'une de ces enflures pour en faire un jambon.