Rappel du premier message :



Je lève les yeux au ciel. Il est encore couvert. Ce qui signifie qu'il risque encore de pleuvoir, et alors, ce sera foutu. J'accélère encore le pas, même si on avançait déjà dans la végétation à un rythme soutenu. Je jette un oeil en arrière, pour voir si William suit toujours. Oui, il suit toujours. De mémoire, il m'a jamais lâchée. Ça fait environ une journée qu'on est sur la piste de ce crevard. Il nous a troqué un chargeur universel, une dynamo supposée pouvoir alimenter tout ce qui a une batterie. On lui aurait bien piqué, s'il avait pas eu deux potes et trois fusils. Donc ça m'a coûté un paquet de clopes neuf. Le problème... c'est que sa dynamo, c'est de la merde.

Donc en plus d'avoir les glandes, j'ai plus de clopes. Autant dire que ça va chier. Heureusement, la terre est encore humide. Je ne suis pas vraiment pisteuse, mais je sais parfaitement différencier la démarche d'un mort de celle d'un vivant. La trajectoire est régulière, le pas profond. Je suis sûre que ceux sont eux. Selon ma loi, il n'existe qu'un seul châtiment pour ceux qui essaient de nous la mettre à l'envers. La mort. Pour un paquets de clope, ouais. C'est ça, la fin du monde. Et puis, c'est une question de principe. Je me fous qu'ils soient trois : ils ont cherché la merde avec les mauvaises personnes. Le jugement approche, il approche à grands pas, et il a un marteau dans la main. C'est pas celui de la Justice, mais il saura rendre le verdict.

On dirait que William a trouvé les bons mots. Je sens que le type derrière moi a perdu toute son assurance. Il tremble, sa main se fait moite sur son couteau. Sa respiration... Beaucoup trop rapide. " Je serais toi, je l'écouterais. T'as vu ce qu'il a fait à ces types là-bas. T'as vu comment il a fumé tes potes en quelques secondes. Tu veux pas finir comme eux. Même si tu me butes, il... " Il enfonce ses doigts dans ma blessure pour me faire taire. " T-ta gueule ! " qu'il hurle, avant de s'adresser à William : " T-toi... J... jette ton arc ! ". Bon sang, je sais pas comment ça va finir cette histoire.

"Ok mon grand, regarde, je le retire doucement et je le jette au sol." Tout en faisant cela, William continuait d'avancer à petit pas vers Alma. Il la soutenait du regard pour lui faire comprendre que tout allait bien se passer. "J'estime avoir été d'assez bonne foi, et je peux te jurer que si vous n'aviez pas tirés en premier, j'aurais jamais fait de mal a tes potes. Alors c'est bon, maintenant, relâche là. C'est toi où elle, et crois moi, tu ne veux pas prendre ce pari."

William me regarde droit dans les yeux. C'est marrant, je pourrais presque me sentir rassurée si le couteau sur ma gorge était pas carrément en train de m'étrangler. Le type ne fait même plus attention à la force qu'il emploie. " Tiré en premier ? C'est vous qui avez buté trois des nôtres ! Sur notre putain de territoire ! J'peux... J'peux pas laisser des meurtriers dans votre genre s'en tirer ! " Des meurtriers ? Heu, allo, on est en 2072 ! Qui n'a jamais tué à notre... Oh merde, j'ai compris. C'est évident. Ce type n'a sûrement jamais tué personne. J'ai pas trop vu sa tronche, mais à la voix, il doit pas avoir 20 piges.

"Ouai, et tes potes nous ont agressés pour nous dépouiller. J'suis désolé, mais il n'y a pas vraiment de portail indiquant que c'est ton territoire. En fait... je crois que tu te fourvoies. Tu penses vivre dans un monde ou tout va bien, ou les gens comme nous qui se défendent... sont des criminels. Mais tu ferais mieux d'ouvrir les yeux. Si ton pote l'avait touché à la tête - en désignant Alma -, ça aurait aussi fait de lui un meurtrier. Et lui, tu l'aurais laissé s'en tirer ?" William avait bien compris qu'il était encore "innocent", et avait décidé d'appuyer sur ce point là.

Le type semble hésiter. Il essaie de se calmer, aussi. Je le sens prendre de grandes inspirations. Il essaie de démêler le vrai de faux, de définir des notions de bien ou de mal dans un monde qui en est dénué. C'est un faible. Voilà pourquoi il traîne avec des types pareils. Pour survivre. A mon tour de bluffer. Carte sensible et hormones. " Écoute... Je sais que t'as rien à voir avec eux. Tu sais que c'était pas des types recommandables. Regarde-moi, j'ai l'air de quelqu'un de mauvais ? Moi non plus, comme toi, j'ai rien voulu de tout ça... Et j'aimerais aussi que ça s'arrête... " Hé, j'ai même lâché une larme. Quel acting.

"Raaaah ! Putain j'suis sur que vous faites exprès, j'peux pas vous croire ! Ces mecs, c'est ma seule famille !" Ta seule famille hein. "Non. Ces mecs... ils profitent des jeunes comme toi. Ils vous font faire le sale boulot, pour mieux pouvoir s'empifrer sur vos gueules. Regarde, ton pote tout à l'heure n'a même pas essayé de sauver vos vies quand il le pouvait, préférant provoquer sa mort. Toi, t'es pas du même bois, t'as jamais voulu de tout ça. Alors écoute nous, et lâche ce putain de couteau." Suite à cela, le jeune garçon se retrouva tétanisé de peur. Les mains moites, il manqua de lâcher son couteau. Pile ce qu'il fallait à Alma.

Là. L'ouverture parfaite. D'un geste sûr, ma main glisse le long de son avant-bras, atteint la base du couteau, et dans un seul mouvement, je l'écarte et m'en empare. Je me dégage comme je peux, histoire d'enfin m'éloigner de ce bouffon. Ah, ouais, tu peux te sentir con ouais. Pas la peine de me mater comme ça. Je me masse l'épaule gauche. C'est pas beau à voir... Putain, ça va se payer. De la démarche d'un bourreau, je me dirige vers celui qui a bien failli me saigner comme une truie. Tout est allé trop vite, pour lui. Il est encore paralysé. J'approche le couteau, appuie la pointe contre sa gorge, et le fixe dans les yeux. " Perdu. "

"C... C... Comment ?!" Le jeune homme avait le menton relevé vers le haut, pour s’éloigner le plus possible de cette lame... d'une mort certaine. Il suait à présent à grosse goute, et son sort, hélas, ne pouvait plus être changé. Fallait réflechir avant, mon grand. Et pourtant, je t'en ai donné des portes de sorties... Même si ça n'aurait rien changé. "Je vais chercher ce que j'ai laissé la bas, fait ce que t'as a faire." dit-alors William en se baissant pour ramasser l'arme à feu. Il retourna du coté de l'arbre, récupérer sa batte, sans oublier l'arc et un stock de flèche au passage.

" A... Arrête ! " Je l'écoute pas. J'appuie de plus en plus fort. " Pitié... " Blablabla, rien à foutre. " Je croyais... que t'étais pas méchante... " Méchante ? Qui parle comme ça ? Mais... C'est vraiment... qu'un con de môme en fait. " Ah ouais ? Encore perdu. Je vais... " Chais pas. Là, je sais pas pourquoi, mais je me sens fatiguée. J'ai l'impression de plus comprendre ce que je fous là, un couteau sous la gorge d'un mec qui chiale et se pisse dessus. Ouais, c'est ça. Je suis fatiguée. J'abaisse le couteau, sans le lâcher du regard. " Casse-toi. " J'ai jamais vu quelqu'un courir aussi vite. Faut que... je m'assoie deux minutes.

Une fois son équipement rassemblé, William revint vers la jeune fille, s'attendant à trouver la le résultat de sa vengeance. Mais non... il n'en était rien. Et cela ne l'enchantait pas du tout. "Alma... Normalement c'est pas dans mon style de dire ça... Mais là, t'as fait une grosse connerie. On va avoir tout ces connards sur le dos, maintenant qu'il va leur décrire nos gueules. Enfin bon... C'est ton choix." Putain, depuis quand elle épargne des mecs elle ? C'était le pire moment pour avoir des sentiments... "Ton épaule, ça va ? Tu veux qu'on la rebande ? Car la, ça ressemble plus a grand chose ce que j'ai fait tout à l'heure."

Je soupire. William a raison. J'ai déconné, là. Putain, j'ai vraiment déconné... Et j'saurais pas dire pourquoi. " Rien à battre, je les attends. J'les fumerai tous. " Mon souffle rétabli, je me redresse, récupère mon sac, en retire la flèche, et récupère le fusil que j'avais embarqué. " Pour mon épaule, on verra une fois tiré d'affaire. Pour l'instant, faut bouger. " Je jette un dernier regard au cadavre transpercé d'une flèche. Six morts... Je sors le paquet de cigarettes. Six morts, pour deux putains de clopes. Putain... Je m'en fous, je regrette rien. J'en coince une entre mes lèvres et tend l'autre à William.

"Hum." Il attrapa la cigarette avant de l'allumer, et de tendre le briquet à Alma. Lors de sa première bouffée, il en profita pour expirer longuement. Il ne laissait pas paraitre grand chose, mais là, il avait atteint sa limite. De fatigue, de nerfs, d'horreurs vues et commises. Putain. C'était vraiment parti en couilles. Tout, le monde, lui, Alma. Alors, il se mit à suivre la norvégienne sans un bruit, perdu dans ses pensées.

J'attrape le briquet, j'allume ma clope tout en marchant. Pourquoi je l'ai pas buté ? J'avais envie, non ? 'Tin... Faut pas que je me prenne la tête avec ça. Il va sûrement se faire bouffer de toute façon, vu tous les zombards qui vont rappliquer dans le coin. Ouais, c'est terminé. C'était... Chaud. J'ai bien failli y passer, sur ce coup-là. Mais j'ai plus 8 ans, et ça m'aurait bien fait chier de clamser maintenant. De laisser William en solo. S'il avait pas été là... " William... " Merci. " Non, rien. " Ça fait du bien, cette clope.

Alors qu'ils marchaient toujours, sans que William n'ait vraiment d'idée quant à leur destination, celui ci sortit de ses pensées pour poser une question à Alma. "Au fait, tu sais utiliser un arc ? Si j'avais su bien tirer tout à l'heure..." Putain, ça aurait pu être réglé tellement plus simplement. Le londonien ne finit pas sa phrase, et se contenta de serrer son poing.

En même temps que je réponds à William, je passe la main sur ma gorge encore humide de sang. Putain, c'est vraiment, vraiment pas passé loin. " Tirer à l'arc ?.. Non. J'sais pas faire. " J'ai même jamais touché d'arc, je crois. " Pas mon style. Je préfère quand ça frappe. " Le son, l'impact des coups... Tirer, c'est pas... satisfaisant. Ça me fait pas vibrer pareil. " Toi par contre... Joli tir. T'as bien choisi ta cible. T'as appris où ? "

"Merde. J'ai jamais appris, c'était plus un coup de chance qu'autre chose." Fais chier, j'apprendrais moi même alors. "On va ou, là ?" William continuait de marcher et se repassait l'affrontement en boucle, en imaginant différentes issues, les meilleures... comme les pires. Ce qu'il aurait du faire, a quel moment, comment, est-ce qu'il aurait du laisser Alma toute seule, et si ça avait été de simples tarés qui l'auraient tué à vue... Il était devenu tout ce qu'il détestait auparavant : un menteur, un meurtrier, un manipulateur. Mais bon, ça, ils l'avaient bien cherchés.

Un coup de chance ? Ah ouais, donc j'aurais pu recevoir une flèche dans la tronche. Vive la chance, alors. " On va se trouver un coin où se poser. Let's call it a day. " Un coin assez éloigné d'ici, pas trop à découvert. On va bien tomber sur un truc. Et si faut nettoyer la zone... Ce sera l'occasion pour William de se faire la main. " T'as fais du bon boulot aujourd'hui. Une vrai boucherie. Tu peux être fier de toi. " On sait jamais qui va s'en sortir vivant, quand c'est la merde comme ça. Enfin, pour l'instant... c'est toujours nous. Mais paraît qu'on gagne pas toujours à tous les coups...

"J'sais pas si on peut appelé ça du bon boulot. J'ai fait ce qui était nécessaire, et j'en tire pas vraiment de fierté." Du bon boulot... Un merci, ça lui aurait pas arraché la gueule, au lieu de me félicité pour ce putain de massacre. Tandis qu'ils continuaient à marcher, William aperçut alors entre les rangées d'arbres un genre de hutte de chasseur faite de gros rondin de bois. "La." dit-il en pointant l'abri du doigt.

Je le comprends vraiment pas. On est que deux, on arrive à s'en sortir, il bute bien 4, peut-être même 5 types à lui seul... Et le mec n'en retire aucune fierté ? Je me demande bien ce qui peut le rendre fier, si même ça ne suffit pas. Moi par contre... Putain, j'ai vraiment servi à rien. Un vrai boulet. Je crains. Faudra que j'me rattrape. William me montre quelque chose du doigt. Pas mal, un genre de cabane, paumée dans les bois... L'endroit, curieusement, est désert. Pas de zombie à l'horizon. Ça devrait le faire. Je hoche la tête, et le suit. Il va être temps de jeter un oeil à cette épaule.

William s'approcha lentement de la hutte, batte à la main. D'un rapide coup d'oeil, il jeta un oeil à l'intérieur par la fenêtre qui, elle, était brisée. Rien. Préférant devancer Alma, toujours blessée, il se rendit devant la porte, avant de la défoncer d'un chassé. Toujours pas d'ennemis à l'horizon. "C'est bon, rentre." Le londonien ne perdit pas de temps, et couvrit les fenêtres de différents chiffons. Dans la pièce se trouvait une table, une cheminée, et un lit... enfin, ce qu'il en restait. "Bon, on te soigne ?"

Je pose enfin ce foutu sac de j'sais pas combien de kilos à l'intérieur de la cabane. J'ai les deux épaules en compote, maintenant. Je grimpe carrément sur la table, sur laquelle je m'allonge de tout mon long. Ça fait du bien de souffler. Une heure qu'on crapahute entre les racines et les cadavres en décomposition. " Vas-y. La trousse est dans mon sac. " Je me redresse, et entreprends de retirer le bandage improvisé. Au début, ça va, arrivée vers la fin de la bande, le tissu s'est collé à la chair, coagulée par le sang. J'essaie d'y aller doucement... Ça fait mal. Ça me saoûle. Je serre les dents, et j'arrache le reste d'un coup.

William attrapa la trousse de soin avant de l’ouvrir et d’en extraire une partie de son contenu. Un bouteille d’alcool désinfectant quasiment vide, du fil, une aiguille, et un morceau de coton. « Bon, j’y vais. » Il s’appliquait alors à désinfecter et a nettoyer la plaie avec soin.  « Ça va, ça fait pas trop mal ? »

Si, putain, ça fait un mal de chien. J'ai un trou dans l'épaule, merde. J'ai l'impression de plus la sentir... Seulement la douleur. J'arrive plus à bouger mon bras gauche. J'essaie de pas montrer que j'ai mal, mais je peux pas empêcher mon corps de réagir à chaque fois qu'il passe ce coton. Ça brûle, putain ! « Ça va. Continue. » Mes dents si sont si serrées que je m'étonne d'avoir réussi à souffler ces mots. « Alors, ça ressemble à quoi ? »

Elle mentait, evidemment. William le voyait très bien, mais sa question tenait plus du soutient moral qu’autre chose. « Pas beau à voir. Ça continue de pisser, et va falloir pincer l’artère. » Si William savait ce genre de truc, c’était grâce a toutes les vidéos qu’il avait avalé avant tout ce merdier. Cependant, les vidéos, c’est bien beau, mais dans la vraie vie... c’est autre chose. « Je vais devoir y aller avec les doigts, on a pas le choix, c’est ça, ou on laisse l’hémorragie te pourrir le bras. Tu me fais confiance ? »

Attends, il va quoi là ? Me pincer l'artère avec les doigts ? J'ai jamais entendu parler d'un truc pareil. A quoi il joue, là ? Putain, je le sens pas... « Ouais, vas-y. Je te fais confiance. » Faut que je lui fasse confiance. J'y connais rien, moi, à tout ça. J'imagine qu'il sait ce qu'il fait. C'est un miracle qu'en deux ans, on ait jamais eu à traiter une blessure pareille. Des trucs un peu profonds, ouais... Mais là, j'ai la chair et les os en compote. Mon bras... Je vais pas perdre mon bras, quand même, hein ? Merde, plus ça va, plus je stresse... Je dois rester calme. Concentrée.