Aaron a la garde de sa fille, il rayonne de bonheur. En bon père, il a laissé sa fille se déguiser comme elle veut : en écureuil pour se promener au Central Park. Quant à lui, il aborde des moustaches et des oreilles de chat pour faire bonne mesure. Il aurait préféré en manchot mais ces volatiles ne sont trouvables à New York qu'au zoo.

Son épouse aurait soupiré en le voyant ainsi paré pour sortir. Elle lui reproche souvent de "ne jamais savoir quand s'arrêter" selon ses dires. Sa folie douce lui avait certainement plu au début mais il semblerait qu'elle en ait eu assez de ces fantaisies. Elle a même essayé de le blesser en disant que pour l'instant Luna support ce cirque car c'est encore une enfant mais qu'une fois adolescente ce serait différente. Aaron n'y a pas prêter trop grande attention car il sait que sa femme souffre. Elle lui manque.

"Papa ! J'ai vu un écureuil comme moi ! Mais il est parti...
- C'était sans doute pour t'offrir un gâteau aux glands, tu ne crois pas ?
- Je ne veux pas manger du gâteau ! (Pas encore.) Je veux jouer avec lui ! Oh des chiens !"

En effet, des chiens rechigneront moins à jouer avec la petite de dix ans.

Muni de tous ses papiers en règle sur la possession d'animaux proches du loup, Rosario avait emmené la meute se dégourdir les pattes dans Central Park. Le lycan était complètement indifférent aux regards choqués qu'il récoltait dans sa forme lupine transformée dans toute sa gloire et ses chiens lâchés en totale liberté. Sorallina était folle de joie et courrait à tout va qui derrière un papillon qui en suivant la queue touffue d'un écureuil. Devant son cirque, Rosario jappa un rire et, décidant que le spot où ils se trouvaient étaient suffisamment dégagés de curieux, il se mit à quatre pattes pour aller jouer avec sa meute.

Luna reste ébahie devant cette transformation et Aaron non plus n'a pas manqué de l'apercevoir.
"Monsieur Loup ! Monsieur Loup !
- Attends Luna ! On ne doit jamais caresser un chien sans la permission du maître et on ne sait pas s'il s'agit d'un homme devenu loup ou d'un loup devenant homme. Papa va lui demander."

La petite acquiesce malgré son air perdu.

"Monsieur Loup, est-ce que ma fille peut approcher de vos loups sans danger ?
- Ce sont pas des chiens plutôt ?"

Rosario était trop occupé à se bagarrer amicalement avec Puttilupo, roulant boulant dans l'herbe, pour que la parole humaine atteigne son cerveau. Mais Grandenero ne put manquer l'intrusion. Il gémit pitoyablement en rentrant la queue et se précipita sur les deux dominants enroulés l'un sur l'autre pour se lover sous eux, soit-il le plus grand du lot. Les mots rattrapèrent Rosario, arrêtant net son grognement, et il agita une oreille indécise vers le duo. "Buongiorno. Ce sont des chiens au coeur de loups." Sauf Grandenero, mais c'était un secret. Sorellina s'approcha de la fillette avec la langue pendante, quémandant des caresse.

"Oh ! Mignon Toi, je peux te caresser ?" demande Luna avant de se tourner vers la chienne joueuse.
"Attends mon sucre. Papa va toucher la bête en premier."
Sinon sa femme allait le tuer. Faire des excentriques avec sa fille certes, la mettre en danger hors de question ! Le journaliste pose donc sa main sur la tête de la chienne, prêt à la retirer si celle-ci tentait de le mordre.
"Bonjihorno ? Vous êtes étranger ?" demande Luna à l'homme-loup-chien.

Grandenero gémissait et tremblait toujours sous son ventre où il s'était lové. C'était vrai que, d'habitude, soit ils étaient dans le restaurant, leur tanière, et Grandenero pouvait librement choisir de se cacher en haut, soit personne ne les approchait. Rosario se tortilla pour se dégager du tas de fourrure qu'il formait avec les deux chiens et rassura d'abord le loup en mordillant son oreille. Puttilupo n'allait pas le quitter d'un poil. Le Sicilien se retourna donc vers les intrus, l'oreille toujours gigotante. "Je viens de Sicile. I miei cani sont gentils. Nous tenons un bar à chiens. La bambina peut caresser Sorellina."

La chienne se laisse faire et l'homme-loup présente ses origines et parle avec beaucoup de mots étrangers. Cela n'a pas l'air de gêner Luna qui doit avoir un sixième sens : elle s'excite et veut se rapprocher de la chienne. Aaron laisse toute manœuvre à sa fille pour jouer avec car il a vaguement compris le sens.
Est-ce que c'est un mafieux ?
"Êtes-vous un mafieux ?"

Les deux oreilles se dressèrent d'un coup sur le crâne du lycan avant de se rabattre en arrière. Rosario renifla d'un air méprisant. "Quel cliché, rompicoglioni." marmonna-t-il. Les voix conjointes della sua mamma et de Natalia le tancèrent pour sa vulgarité devant una bambina ; il grimaça mais statua intérieurement que ça ne comptait pas quand l'enfant ne comprenait pas le gros mot. "Comme je le disais, je gère un bar à chiens. Très mafieux comme travail, cazzo." Le reste de ses bougonnements, en silicien, se perdit entre ses poils.

Naturellement, s'il est vraiment mafieux, il ne va pas le dire à voix haute ! Tant pis, Aaron aura tenté frontalement pour rien. Bon, il vaut mieux que sa petite puce ne traîne pas trop avec cet italo-américain ronchon. Cette dernière s'amuse bien avec "Sorélina".
"Papa, le frisbee !
- Et c'est envoyé !." répond-t-il en sortant l'objet de son sac.
La fillette lance donc le frisbee un peu plus loin avec ses petits bras.

Rosario tendit la main pour les arrêter mais ce fut trop tard pour empêcher... la folie. Un frisson parcourut la fourrure de Sorellina avant qu'elle ne bondisse en aboyant à tout rompre, faisant voler des mottes de terre à chaque foulée. Elle sauta pour attraper le frisbee et le secoua dans tous ses sens en grognant de joie. Vulcana et Eleganza trottinèrent vers le chiot pour jouer avec l'objet mais Sorellina sautillait à droite et à gauche pour les éviter. Elle battait tellement de la queue que Rosario craignait qu'elle ne se brise un os.

La fille-écureuil saute de joie devant l'enthousiaste de la petite chienne, comme si elles étaient sur la même longueur d'onde...
"C'est bien ma fille, tu as lancé très loin.
- Plus loin, plus fort !"
Bon, Aaron a oublié de demandé l'autorisation du frisbee au maf-- silicien, oups.
"Rapporte Sorélina !" dit Luna.

Le chiot se fichait totalement des mots de la bambina. Déjà qu'elle n'obéissait qu'une fois sur deux à Rosario ou Puttilupo... un chiot, quoi. Laissant Grandenero sous la garde vigilante de Puttilupo, non sans lui mordiller encore l'oreille, Rosario trottina vers le chiot. Le voyant arriver, Sorellina battit encore plus fort de la queue. Dans un jappement amusé, Rosario manoeuvra les deux autres chiennes pour coincer la plus jeune et lui piqua habituellement le frisbee d'un coup de gueule. Se redressant sur ses jambes, le lycan tandis le frisbee alla bambina. "Je crois qu'elle veut que tu le relances, piccola signora."

Des étoiles s'allument dans yeux bleus de Luna.
"Oh merci !"
Elle reprend donc le frisbee et reprend son jeu avec la petite chienne (enfin les chiennes). Aaron, de son côté, se demande quand l'italien va lui envoyer un poisson mort ou une autre menace de mort déguisée. Il vaut mieux ne rien dire sur son nom.
"Moi c'est Luna De Pietri, et vous m'sieur ?"
Non, Luna, non !

Il était faible face aux enfants. Comme devant des chiots. I lupi fondaient devant les chiots. Même Grandenero s'était avancé pour se coller entre ses jambes et Puttilupo s'était couché à côté d'eux, mais il était évident qu'il voulait aller jouer. Rosario sourit à la question de l'enfant. "E un piacere, piccola signora." Sa voix roulait avec amusement sur son accent chanteur. "Je m'appelle Rosario della Lupa."

"Rosario comme une rose ?" demande une Luna bien curieuse tandis que les chiennes se disputent le frisbee.
De son côté, Aaron ne sait pas s'il doit se détendre ou éloigner sa fille chérie de ce sicilien. L'homme au début grognon semble maintenant poli et gentil... Peut-être n'est-il pas un mafieux ! Laissons cette hypothèse de côté pour l'instant...

Son oreille gigota alors qu'un jappement de rire lui échappait. "Non. Rosario comme rosaire, une prière alla Madonna, la Vierge Marie. Par chez moi, la bellissima Sicilia, les croyances sont encore très fortes." Il pointa ensuite les chiens un par un : "Sorellina qui est une bambina, comme toi. Et Vulcana. Eleganza. Puttilupo. Et Grandenero. Ne le touche pas, il a peur des hommes. Ils n'ont pas été gentils avec lui." Il caressa la tête du loup qui battit de la queue, sans bouger de sous la fourrure de son dominant. "Ton nom signifie lune de pierre, c'est joli. Vous êtes italiens ?" Il regarda le père, intéressé de trouver des compatriotes.

"Oh, pauvre toutou..." dit Luna avec pitié.
Aaron sent qu'il s'est trompé (ce qui n'arrive jamais !), l'homme-loup a l'air gentil tout compte fait. Il aime les animaux, il aime les enfants, pourquoi aimerait-il le meurtre ? Tandis qu'il réfléchit à cela, son interlocuteur lui pose une question.
"Euh, d'il y a deux ou trois générations sans doute. Durant la première vague d’immigration, très probablement. Mais je ne parle pas italien, comme ça ne sert pas beaucoup ici."

Son museau se renfrogna aussitôt à l'explication. Ne pas servir, cazzo ! Quelle ineptie. Sentant son humeur, Grandenero regarde l'homme d'un regard fixe. "Nostra bella lingua nous permet de nous rappeler della bellissima Sicilia ! Dei cicale, del sole et delle olive." ronchonna-t-il en caressant la tête du wolfdog pour l'apaiser ; il n'était pas attaqué, pas besoin de se demander si cet homme (dont il ne savait toujours pas le nom) le menaçait. Mais dans sa passion, il avait peut-être baragouiné un peu trop en italien...

Ouh-la, il semblerait qu'Aaron ait vu juste en fin de compte, cet homme est bien un mafieux ! Son regard noir transperce et son baragouinage est incompréhensible, sans doute des menaces de mort...
"Papa, moi je veux apprendre l'italien pour comprendre ce qu'il dit.
- D'accord, ma betterave en sucre. Nous verrons ça à la maison. Et si on jouait au frisbee tous les deux entre chat et écureuil ?"

"J'ai dit..." articula soigneusement Rosario qui retenait la sua rabbia grâce à sa Natalia intérieure qui l'encourageait pour être avenant devant una bambina. "Que notre belle langue nous permet de nous rappeler de la magnifique Sicile, de ses cigales, de son soleil et de ses olives." Il zieuta le duo père-fils et soupira. "Je vois que je me suis trompé sur le nous... cazzo !" Il n'a pas pu retenir le dernier sifflement, la déception remettant des braises dans les cendres constantes de sa colère. Parfois, la Sicilia lui manquait tellement qu'il en avait mal. Son regard se fit lointain, un brin douloureux de mélancolie.

La chienne rapporte le frisbee, obligeant Luna à renvoyer celui-ci et laissant à Aaron l'occasion de dire :
"Ce n'est pas grave, les malentendus arrivent souvent, d'où la nécessité de prendre le temps d'écrire et de vérifier ses sources. Déformation professionnelle."
Luna, dans toute sa candeur d'enfant, demande :
"Ça veut dire quoi "cazzo" ?"

Les oreilles se couchèrent à la perpendiculaire, gênées, puis la droite s'agita avec le tic habituel. "Un mot pour les grandes personnes, piccola signora." dit Rosario. Au moins, la question ingénue de l'enfant l'avait détourné de sa colère contre le père : il en avait des belles à lui faire la morale alors qu'il lisait le jugement dans le regard qu'il portait sur lui, cazzo ! Une onde hérissa sa fourrure mais l'enfant était toujours un garde-fou devant la sua rabbia.

Il ne put s'empêcher de tiquer à la soudaine demande della bambina. De tels caprices généraient bien trop souvent des abandons. "Un chien, ça demande beaucoup de temps, d'argent et d'effort, piccola signora." lui dit-il très sérieusement. "Mais si tu veux jouer avec i miei cani, surtout la piccola Sorellina, tu peux venir à mon restaurant." Ses grosses mains griffues eurent du mal à extirper la carte de sa sacoche. "Voilà. Le We're Wolves. C'est comme un bar à chats... mais avec des chiens."

Luna se tourne vers son père pour le regarder avec yeux de chiot.
"D'accord, on ira à ce bar à chiens. Est-ce que vous êtes ouverts le samedi ? Dans deux semaines ?"
Parce qu'il n'a pas la garde de Luna la semaine prochaine.