Rappel du premier message :


Nouvelle ville, nouveau spectacle. L'homme se produisait en marge du marché, au calme. Jongleur et musicien, son apparence était banale mais on le disait talentueux. Il vivait chichement, mais au moins ne dépendait de personne. Et c'était aussi son cas. Jusqu'ici d'une discrétion absolue, mais d'une volonté à toute épreuve, il ne s'était jamais laissé porter, et s'était vite rendu indispensable.

Aujourd'hui, il allait sortir de l'ombre, et l'homme en était fier. Pinçant les cordes du luth, il s'était assis à côté de la fontaine pour lui laisser place. Petite et circulaire, c'était elle qui l'avait inspiré. Un décor idéal pour ses premiers pas en tant qu'artiste.

Et ses premiers pas furent remarqués. L'homme savait qu'on ne l'observait pas pour son talent - pas encore. S'il percevait son potentiel, eux ne voyaient pour l'heure que son aspect. Un être blanc, tout de blanc vêtu. Il avait commencé à tourner sur la margelle, une chorégraphie très simple, seulement ponctuée par les notes du luth. Il le sentit se braquer sous les regards, mais il continua néanmoins, jusqu'à la dernière note, jusqu'au dernier pas.

Le clou du spectacle parut presque fade après cette étrange apparition, les flammes qui sortaient de la bouche de l'homme étaient pourtant dignes d'un dragon et prenaient des teintes improbables. Les applaudissements firent place aux murmures : ignorant son identité, on l'avait surnommé l'elfe blanc.

A la mention de son nom, les femmes gloussèrent un peu.

- Est ce que ton ami Satel est comme toi ?

Demanda une concubine sans aucune gène et Arior haussa les épaules.

- Très bonne question Ima, que dis-tu de le découvrir toi même ?

Il lança un regard amuser à Satel.

- Quitte à être ici, autant en profiter tu ne crois pas ? Amuse toi, c'est moi qui régale.

Une femme susurra à son oreille, et le jeune elfe secoua doucement la tête. Il releva les yeux vers son compagnon, entendant sa proposition. Le regard noir s'était braqué, et démontrait dans le même temps un trouble que les mots ne savaient exprimer.

Je t'ai demandé quelque chose... c'est ce que tu attends de moi en retour ?

Interloqué par la question, Arior se dégagea d'une étreinte de femmes faussement amoureuses -qui savaient qu'elle ne risquaient rien avec lui- pour se pencher vers le jeune homme.

- Que tu t'amuses ? Si tu le souhaite ! Je n'attends rien de toi, Satel, vois ça comme une façon de fêter des retrouvailles improbables ! Détends toi un peu, fais ce qu'il te plait, nous sommes là pour nous amuser et oui, je t'apprendrais ce que tu m'a demandé. Mais profites bon sang !

L'elfe blanc recula d'un pas comme sous l'effet d'une gifle. Détendu, il ne l'était pas.

Ca suffit.

Sa voix était devenue glaciale et la plupart des filles prirent leur distance. Il se voulait impassible mais montrait surtout qu'il avait du mal à se contenir. Les vêtements blancs choisis pour la danse étaient trop fins, et les filles n'étaient plus là pour le cacher. Il chassa une main qui s'aventurait sous sa chemise.

Ca ne... m'amuse pas.

Sa peau trop blanche ne pouvait plus dissimuler la chaleur qui peu à peu mettait le feu à ses joues, pourtant il n'essaya pas d'échapper aux bras qui se resserraient à nouveau sur lui.

Arior avait du mal à comprendre cette réaction. Il fronça un peu les sourcils.

- De quoi as tu peur, Satel ?

Il ne se moquait pas de lui. Il prenait ça au sérieux et tentait de sonder le jeune homme.

- De te laisser aller ? De perdre un peu... de contrôle ?

Je n'ai pas peur...

Son souffle court et son regard était pourtant celui d'un être pris au piège. Une des filles approcha son visage du sien, il recula encore. Elle se tourna vers l'elfe noir, avec une expression mi-affligée, mi-amusée.

Tu l'as fait boire... ?

La main blanche attrapa le bras de la jeune femme.

Comment tu me trouves ?

- Non !

S'exclama Arior comme s'il passait pour le genre à saouler ses amis pour les ramener dans un bordel.

- On est passé à la taverne avant mais il à bu à une un verre de liqueur ! Rien d'assez fort pour...

Il se stoppa et examina l'elfe avant de soupirer.

- Bon sang, est ce que c'était la première fois que tu buvais de l'alcool ?

Même pour une première ça faisait une faible quantité pour être dans cet état mais, qui sait, le gamin ne tenait peut-être pas l'alcool.

La jeune femme passa la main dans les cheveux du jeune elfe, sentant ses résistances céder. Mais elle n'eut le loisir de lui répondre, car l'elfe noir s'était imposé par sa protestation. Elle écouta ses justifications et gloussa. L'elfe blanc lui, se rembrunit.

Je te l'ai dit.

Arior secoua la tête.

- Je n'imaginais pas que c'était à ce point.

Entre ne pas savoir boire et ne même pas supporter un verre, il y avait un monde ! Une des jeunes femmes proposa alors à Satel un verre d'eau et celle qui le cajolais déjà tenta de l'inviter, tout en douceur, à se rasseoir.

- Tu vas manger quelque chose, ça aidera à faire passer.

Et sur ce on leur présenta sur la table proche des assises du pain, du fromage, des coupes de fruits frais et de la viande séchée.

Et l'elfe se laissa guider. Il se retrouva assis non loin d'Arior, qu'il regarda sans honte ni regret.

Moi non plus.

Ses yeux noirs étaient embrumés mais il restait conscient de ce qui l'entourait. Il se tapota les joues et tira sa chemise sur ses cuisses. Trop de couleurs pour une peau trop pâle, son teint le donnait presque fiévreux.

Arior tendit son bras vers lui pour lui saisir amicalement l'épaule.

- Est ce que ça va aller, petit ? Tiens.

Il se pencha vers les mets pour lui tendre un morceau de pain.

- Allez, éponge et tu te sentiras bientôt mieux.

Et l'une des jeune femme toujours accroché à lui s'amusa à lui caresser la cuisse en lui susurrant une nouvelle proposition : elle pouvait aussi le détendre jusqu'à ce qu'il n'ait plus qu'a se laisser flotter dans un bien être absolu.

Hochant la tête, il prit mollement le morceau de pain, plus par réflexe que par envie. Il se rabattit rapidement sur le verre d'eau, qu'il vida à grandes goulées avant d'en réclamer un autre. Il avait visiblement chaud, et soif. Il but encore, et grignota un peu, avant de sentir la main sur sa cuisse. Ce n'était pas la jeune fille qu'il avait interpellée. Il grogna.

Peux-tu répondre à ma question ?

Le guettant du coin de l'œil, Arior fut rassuré de le voir avaler son eau. Les filles avaient un peu calmées le jeu bien que quelques unes restent disponibles. Mais les autres se reposait ou se préparait en vue de la soirée qui apporterait son lot de client. Finalement, ce fut donc le sorcier qui répondit à l'interrogation.

- Tu es encore bien jeune, Satel, ton corps va changer. Mais tu es déjà un très beau jeune homme.

Des propos repris et confirmés par la belle qui le câlinais.

Ses mains tremblaient mais il trouva la force d'éloigner la fille qui voulait connaître d'un peu trop près son anatomie. Il reprit son repas sans vraiment d'appétit, cela lui permettait au moins de distraire son esprit désorienté. Il parla comme s'il avait préparé à l'avance une réponse pour un tout autre discours.

Je ne suis pas une bête de foire.

Arior lui sourit avec une douceur insoupçonnée.

- Bien sûr que non.

Mais pas sûr que l'information soit tout à faire sincère. C'était aussi son apparence incongrue qui attirait le sorcier. Il se leva et invita d'un geste Satel à faire de même.

- Tu peux marcher, n'est ce pas ? Laissons ces dames pour ta leçon avant que je me fasse houspiller par la patronne pour déranger le repos de ses filles !

Oui.

Encore étourdi, l'elfe blanc dût s'y reprendre à plusieurs fois pour se lever sans se laisser retomber. Mais ses yeux noirs étaient bien ouverts et brillaient d'une lueur tenace. Décidé à ne pas montrer plus de faiblesse, le jeune elfe n'émit aucune plainte. Il agrippa tout de même le bras tendu du sorcier pour se redresser totalement, avant de reprendre son indépendance.