Rappel du premier message :


Nouvelle ville, nouveau spectacle. L'homme se produisait en marge du marché, au calme. Jongleur et musicien, son apparence était banale mais on le disait talentueux. Il vivait chichement, mais au moins ne dépendait de personne. Et c'était aussi son cas. Jusqu'ici d'une discrétion absolue, mais d'une volonté à toute épreuve, il ne s'était jamais laissé porter, et s'était vite rendu indispensable.

Aujourd'hui, il allait sortir de l'ombre, et l'homme en était fier. Pinçant les cordes du luth, il s'était assis à côté de la fontaine pour lui laisser place. Petite et circulaire, c'était elle qui l'avait inspiré. Un décor idéal pour ses premiers pas en tant qu'artiste.

Et ses premiers pas furent remarqués. L'homme savait qu'on ne l'observait pas pour son talent - pas encore. S'il percevait son potentiel, eux ne voyaient pour l'heure que son aspect. Un être blanc, tout de blanc vêtu. Il avait commencé à tourner sur la margelle, une chorégraphie très simple, seulement ponctuée par les notes du luth. Il le sentit se braquer sous les regards, mais il continua néanmoins, jusqu'à la dernière note, jusqu'au dernier pas.

Le clou du spectacle parut presque fade après cette étrange apparition, les flammes qui sortaient de la bouche de l'homme étaient pourtant dignes d'un dragon et prenaient des teintes improbables. Les applaudissements firent place aux murmures : ignorant son identité, on l'avait surnommé l'elfe blanc.

Reculant sur son siège, le jeune elfe fit une moue.

J'aurais l'impression de tricher.

Son visage finit par se fermer, ses émotions soigneusement scellées.

Je préfère ne pas savoir.

- C’est toi qui voit, Satel.

Arior tendit le bras pour récupérer son verre et en finir le contenu d’une traite.

- Et donc, tu dis que tu sais te battre ? J’aimerais bien voir ça. Tu me ferais une démonstration ?

Rebondissant sur le ton plus léger de son interlocuteur, l'elfe blanc croisa les doigts au dessus de la table. Un sourire narquois revint animer ses traits, faisant oublier à quel point il pouvait être sérieux.

Suffisamment pour survivre. Tu en doutes ?

Son sourire s'accentua.

Donc... tu n'as pas d'arme.

- Ma magie est mon arme. Et pour toi... ça peut vite s’arranger.

Son sourire assuré ne laissait aucune place au doute. Il était certain de sa capacité à se défendre contre l’adolescent comme il était assuré de pouvoir lui fournir de quoi lui faire cette fameuse démonstration.

Je ne doute pas de toi. Son sourire s'affadit. Pourquoi devrais-je te prouver quoique ce soit ?

- Tu n’a rien à me prouver. J’étais juste curieux.

Et c’était vrai. Arior n’attendait rien de précis de Satel. Il était trop hors de sa portée pour qu’il projette sur lui quoi que ce soit, et ce, puis qu’il l’avait rencontré la première fois.

Son visage s'adoucit, retrouvant une expression difficilement déchiffrable.

Je ne me bats pas bien. Juste assez. Je sais de quoi je suis capable.

Il fit silence avant de pencher légèrement la tête.

Je veux bien un verre finalement.

Il semblait pensif, à nouveau, et observait son interlocuteur, assez discret pour ne pas paraître insistant.

D’un geste de la main, Arior commanda deux verres supplémentaires qui furent déposer peu de temps après sur la table.

- Tu sais, j’ai vu le jour j’ai grandi parmi les nôtres. J’ai vu de quoi notre race est capable. Et crois moi, si tel est ton désir, je peut t’assurer que tu fera un guerrier formidable.

De ça il ne pouvait pas douter. Les elfes étaient fait pour le combat. Les guerriers de leur espèces étaient impressionnant de rapidité, de souplesse, de force... et soudain l’œil que le sorcier dardait sur Satel changea légèrement.

Les doigts blancs vinrent s'enrouler autour du verre, dont il remua doucement le contenu, sans le regarder.

Je sais.

S'il vit le changement dans le regard d'Arior, il n'en dit rien. Il goûta la boisson qu'on lui avait apportée, en effleurant la surface de ses lèvres.

Je sais ce que je veux devenir.

Arior se rapprocha légèrement de lui. Il posa ses coudes sur le table, son regard concentrer braqué dans celui du jeune elfe.

- Que veux tu devenir ?

L'elfe blanc reposa son verre, son regard attiré par le bleu cristallin de l'elfe noir. Ses yeux plongèrent dans ceux de son homologue, perspicaces et troublants.

Plus que tu ne peux l'imaginer.

Sa main s'était détachée de son verre, et il rompit le magnétisme du moment par une petite pichenette sur le nez noir.

Mais dans l'immédiat... Un air canaille fit briller ses yeux noirs, toujours proches. Apprends-moi quelque chose.

Arior s’ébroua un peu suite à l’instant brisé. Il frotta le bout de son nez et sourit à la demande du jeune elfe. Oh, il en avait des choses à lui apprendre !

- Quelque chose, hein ?

Petit effronté ! Arior en était infiniment amusé.

- N’importe quoi ou tu as un domaine en particulier en tête ?

Je serais curieux d'apprendre n'importe quoi.

La formule biaisée et la tonalité étaient explicites quant à cette possibilité. Il fixa à nouveau les yeux bleus, mais ce n'était ni une supplique, ni une faveur. Il savait simplement ce qu'il voulait.

Apprends-moi à me maquiller.

Le sorcier ne put se retenir de s'esclaffer ! Satel était rafraichissant ! Toujours si inattendu !

- Vraiment ? D'accord, faisons ça ! Fini ton verre et je vais t'apprendre quelques petites choses en la matière !

Il leva son verre et le fit tinter contre celui de l'albinos puis le descendit de nouveau rapidement. Boire ne faisait pas peur à Arior. Une fois fait, il se leva avec entrain.

- Suis moi, je connais l'endroit parfait pour ça !

Un instant immobile, il regarda l'elfe noir. Il prit son verre, mais ne tenta pas d'imiter son semblable. Il but tranquillement, profitant de chaque gorgée, montrant qu'il goûtait la boisson pour sa saveur, et non pour l'alcool. Il prenait son temps, et le regard qu'il adressait à Arior mettait volontairement sa patience à l'épreuve.

Maintenant qu'Arior était excité à l'idée de la suite de la journée, il fut effectivement irrité de voir Satel prendre tout son temps. Il fini d'ailleurs par poser quelques pièces sur la table et se leva en adressant un regard de défis au garçon.

- Il y aura à boire là-bas aussi. Mais si tu n'as pas envie de me suivre, j'irais sans toi !

Se drapant dans sa superbe, il abandonna malicieusement le garçon, sortant de l'auberge malfamée.

La boisson importait peu, et le jeune elfe laissa l'elfe noir partir, un petit sourire caché derrière le verre. Verre qu'il termina sans se presser, mais cette fois, sans exagération. Il se releva, enfin, et s'arrêta pour appuyer la main à plat sur le bois. Après un instant et un petit soupir, il quitta à son tour la table et la taverne.

Le sorcier n’avait pas pressé sa démarche. Il espérait évidement que l’albinos le suivrait. Et lorsque ce dernier fini par le rejoindre il en fut ravi.

- Tu es déjà entre dans un bordel ?

Le ton amusé de sa voix promettait une expérience sans pareille !

Rattraper l'elfe noir n'avait pas été long, puisque ce dernier s'était laissé suivre. L'elfe blanc n'eut pas besoin de se dépêcher, et se plaça tout naturellement à côté de lui.

Jamais.

Le ton ambigu de sa voix suggérait beaucoup de choses, et rien à la fois.

- Jamais ?

Et Arior en était étonné !

- Quel âge a tu donc maintenant ? 18 ou 19 ans ? Le bon Jordi ne fréquente donc pas les lieux de plaisir ?

Dix-sept ans.

A nouveau, ce n'était pas une certitude. Il retourna son air étonné à l'elfe noir, avec une expression trop ambivalente pour deviner s'il en amusait.

Il n'est pas désespéré au point de devoir payer. Il ajouta après un bref silence. Et moi non plus.

Arior pouffa et finalement éclata d’un grand rire à cette repartie.

- Alors aujourd’hui va vraiment être une découverte pour toi !

S’il pensait que ça s’arrêtait à ça ! Ah, la jeunesse ! Toute une éducation à faire ! Il s’arrêta devant la porte rouge d’un bâtiment qui ne payant pas de mine et frappa quelques coups rapides. Un judas s’ouvrît laissant apparaître une paire d’yeux puis finalement la porte s’ouvrît laissant entrer le sorcier et son jeune comparse.

- Déjà de retour ? s’amusa la femme derrière la porte.

Encore une fois, le jeune elfe se contentait de suivre. Son regard se perdit presque malgré lui sur ce qui se trouvait derrière la porte rouge, mais il n'en manifesta ni émerveillement ni gêne. Il salua néanmoins celle qui leur avait ouvert.

Mademoiselle.

Le sorcier était à l'aise ici, comme si c'était chez lui. Il souriait aux jolies femmes qui se trouvaient là et qui lui rendait ses attention. Ils furent emmenés dans le grand salon, quasiment vide à cette heure de la journée et tout un groupes de belles femmes de races diverses se jeta sur eux.

- Ari ! On te manquait déjà ?!

Elle riaient, étaient pour la plupart jeune et fraiche, enjouée et toute aussi tendre que le miel avec l'elfe noir.

- Présente nous ton ami !

Demandèrent t'elle, commençant a entourer Satel avec intérêt.

- Je le laisse se présenter tout seul ! C'est un grand garçon. N'est ce pas ?

Pas vraiment timide, l'elfe blanc se laissa entourer sans fuite ni rejet. Il ne cherchait pas la proximité, mais ne chassa aucune des femmes qui pourtant se pressaient contre lui, très proches pour certaines.

Je suis Satel.

Son regard dénotait malgré tout d'une certaine distance. De la méfiance.