Jordan avait surtout retenu "macaroni" et "glace" dans le discours. Ses pensées étaient gouvernées par la faim à ce point-ci. Les GRMMBLLRLBLL du ventre étaient bien clair aux oreilles d'Emmett, qui se trouvaient au même niveau que l'estomac de la petite. Et ben dis-donc. J'ai... j'ai attendu longtemps !!! se défendit la petite aux joues rouges. Papa, fais-moi descendre.

Cholena était trop timide gentil pour se moquer du ventre affamé de Jordan et lui-même commençait à avoir faim. Mais une mauvaise surprise l'attendait aux sandwichs. Soit il y avait du jambon, soit il y avait des oeufs. Des OEUFS ! Des bébés oiseau ! Quelle horrible idée ! Mais Maman réussit à négocier un sandwich sans l'un ni l'autre. Ouf, sauvé. Alors qu'ils grignotaient leur encas, des pigeons, moineaux et autres volatiles se rapprochèrent d'eux. "Le pain, ce n'est pas bon pour eux." les prévint subitement l'enfant. "L'eau fait gonfler le pain dans leur ventre et... et..." Et voilà qu'il avait envie de pleurer à cette idée.

Et quoi ? demanda Jordan, qui n'avait pas tout à fait compris les signes non verbaux que démontrait le petit garçon. Peut-être parce qu'elle se rappelait justement d'avoir donné du pain aux canards à Central Park avec son père.

"Ils meurent..." chuchota l'enfant avec une petite voix larmoyante. Maman lui caressa les cheveux en fredonnant, ce qui lui évita de fondre complètement en larmes. Mais il regardait Jordan avec un petit air effrayé maintenant... à l'école, on se moquait toujours de lui quand il devenait un peu trop sensible.

Jordan ouvrit grand la bouche avant de regarder son père d'un air outré. Il lui fallut qu'une demi-seconde pour comprendre pourquoi elle tirait cette tête. Ah... euh... Comment détourner un "ON A TUÉ DES CANARDS !" sans révéler à l'autre petit que c'était exactement le crime dont ils étaient coupables ? Ferme ta bouche quand tu manges, Jordan. Échec critique. Je savais pas !  

Inconscient que Maman échangeait un regard d'excuse avec le Papa de Jordan, Cholena fixa l'autre enfant avec de grands yeux écarquillés et larmoyants. "Tu le feras plus ? Ils aiment les graines. Et les légumes." Elle ne savait pas et c'était le plus important.

La petite secoua vivement la tête. Plus jamais ! Hein, papa ? Ouf, le garçon ne l'avait pas trop mal pris. Emmett s'était attendu à deux enfants pleurant à table. Oui, Jordan. Des graines et des légumes. On note.

Maman était fière de lui. Pour ne pas avoir fondu en larmes ou accusé Jordan d'être une meurtrière de canards. Il avait fini par comprendre que beaucoup de gens ne savaient pas pour le pain, que ce n'était pas de leur faute. Mais Jordan avait promis qu'elle n'oublierait pas donc l'incident était oublié. "On va au magasin après. Pour acheter des peluches ! Maman a dit que je pouvais en avoir deux. Un panda roux et un oiseau. Je ne sais pas encore lequel." Signe qu'il se sentait à l'aise : il n'avait pas honte de s'extasier de l'achat de nouvelles peluches.

Peut-être ton pigeon à couronne ? suggéra Jordan. Ou le perroquet que tu as trouvé pour notre glace ! Emmett craignait qu'elle allait le supplier pour une peluche à son tour, mais la question accompagné des yeux de chiots ne vint pas. Il faut croire que son amour pour les peluches s'arrêta à Winnie l'Ourson.

Il était tenté par le conure doré, il était vrai. Comme c'était une petite star du zoo, il était assuré de trouver des peluches à son effigie. "Mais ! J'aime beaucoup les oiseaux de mer ! Surtout le macareux huppé..." Une moue de réflexion intense peignit ses traits. Avec tout ça, Cholena en avait oublié son sandwich à mi-chemin. Maman lui dit alors de le finir s'il voulait sa glace, connaissant son habitude de trop peu manger. Après quelques autres bouchées, il se tourna vers Jordan en souriant. "Et les ours, alors ?"

Tiens, tiens. Emmett été étonné qu'elle n'avait pas encore partagé ses aventures dans le pays des ours. Elle avait pourtant eu une excellente vue depuis ses épaules. T'es sûr que tu veux entendre ? demanda Jordan avec méfiance. Tu les aimes pas, si ?

"Bah moui." répondit l'enfant avec la bouche à moitié pleine dans son étonnement. Il avala pour regarder Jordan. "Moi, ils me font peur, mais toi, tu les aimes. Et j'ai pas arrêté de parler de mes oiseaux alors à ton tour." Il avait sincèrement envie de l'écouter, à défaut de voir les ours lui-même.

La petite partit dans un discours qui semblait (pour son père) sans fin. Son excitation était visible sur son petit visage, dans sa voix et dans la façon qu'elle agita les bras (elle avait manqué frapper sa mère au moins deux fois). Je vois que vous avez perdu l'envie d'avoir une glace ? osa glisser Emmett entre deux descriptions des oursons qu'elle avait pu adorer de loin. Quoi ?!!! NOOOON !

Cholena avait terminé son sandwich en écoutant Jordan. Il n'avait presque plus peur des ours quand il l'entendait lui en parler avec tant de passion et d'adoration. Mais un éclat de terreur vrilla ses yeux quand le papa de Jordan émit l'idée qu'ils ne voulaient plus de glace. Il se tourna vers Maman avec des yeux de chiot. "Maman ?" Elle haussa un sourcil. "Tu as encore faim ?" Une petite moue embarrassée et espiègle tira ses traits. "Pour une glace... moui." Maman rit en lui ébouriffant les cheveux. "Très bien. Vanille, caramel et cannelle ?" Il hocha vigoureusement la tête.

Moi j'veux une fusée ! Jordan choisit, comme d'habitude, une glace à l'eau colorée qui risque couler le long de son bras et sur ses vêtements. Sa mère avait été prévoyante en l'empêchant de porter la robe blanche qu'elle avait eu l'intention de porter aujourd'hui. Une fois les petits servi, le silence revint enfin à la table à manger qu'ils partagèrent. Jordan était trop occupé à profiter de sa glace pour combler le vide.

Pendant un moment, Cholena ne discuta plus, ne s'intéressa même pas aux quelques moineaux qui voletaient autour d'eux (ils n'avaient pas le droit de les nourrir en plus...) car il savait que s'il détournait le regard de sa glace, elle allait fondre et tomber et il allait pleurer !

Il aurait dû leur offrir une glace deux heures plus tôt. Visiblement c'était un excellent moyen de retrouver le silence qui manquait souvent dans sa maison. Jordan pu finir sa glace sans incidents (un vrai miracle vu les antécédents), ce qui poussa Emmett à réfléchir à la suite de la journée. Jordan avait été catégorique sur le fait qu'elle voulait éviter les serpents (seul zone non-exploré) et ils avaient plus ou moins fait le tour du zoo. Peut-être temps de rentrer chez nous alors, chérie ? Impossible de dire s'il s'adressa à sa fille ou à sa femme.

Cholena aurait voulu crier "Non !" mais il était bien trop poli (et timide) pour le faire et se contenta de regarder Jordan en se mordant les lèvres, les yeux un peu trop écarquillés et humides. Il n'avait pas l'habitude d'être en compagnie d'enfants de son âge qui ne se moquait pas de lui et c'était tellement agréable qu'il ne voulait pas voir cette journée se terminer. Sentant son conflit interne, Maman lui caressa les cheveux. "Nous allons à cette fameuse boutique ? Tu dois encore choisir tes peluches." Il baissa la tête avec un petit "Moui..." peu enthousiaste.

Jordan n'avait pas pu cacher sa mine déçue mais elle n'avait pas de contrepartie. Le zoo n'était pas si grand et elle avait été trop impatiente pour s'attarder très longtemps sur les animaux qui ne faisait que dormir dans un coin. Elle était là pour l'action (et pour les ours), mais l'action ne se manifestait pas. Je peux aussi choisir une peluche ? demanda-t-elle alors. Ah ? Depuis quand tu as besoin de nouvelle peluche ? D-depuis maintenant  

Les yeux de Cholena brillèrent à cette idée. "Je suis sûr qu'ils ont des ours !" s'exclama-t-il en souriant. Il sauta de sa chaise pour aller jeter sa serviette puis laissa Maman lui débarbouiller le visage avec une lingette. "Ne tardons plus trop alors. Tu voulais aussi aller voir les oiseaux près du pont Gapstow." Il hocha la tête d'un air enthousiasmé. "Mais d'abord, le panda roux et l'oiseau."

Emmett ne dût pas lui demander pour comprendre l'intention de l'expression de sa fille. Elle qui ne s'intéressait pas du tout aux piafs quémandait maintenant qu'ils suivent le parcours de son nouvel ami. Il lâcha un petit soupire qui perdit toute intensité à cause du sourire en coin qui vint le remplacer. Ça vous dérange si on vous rejoint encore un peu ? Le temps de rejoindre la boutique. On vous laisse tranquille après, promis. A son tour de regarder sa fille avec intensité.

"Oh ! Vous ne nous gênez pas. Pour une fois que Cholena s'amuse avec un enfant de son âge." Maman le regardait avec une extrême douceur dans le regard mais il ne pouvait s'empêcher de rougir à son commentaire. "T'es plus sympa qu'à l'école." glissa-t-il très rapidement et très bas à Jordan quand les adultes ne les regardaient pas.

La petite avait l'air fière du compliment. Tant mieux parce qu'à l'école ils sont souvent pas très sympa du tout. Trainez pas, les enfants. Jordan passa en deuxième vitesse pour pas se perdre dans la foule, s'assurant que Cholena la suivit de près. Heureusement ses parents gardaient un œil bienveillant sur le duo aussi. Surtout quand ils se trouvèrent enfin dans la boutique. Un endroit idéal pour perdre une petite fille surexcité.

Il lui sourit avec un timide très large sourire puis courut pour attraper sa main afin de ne pas se perdre. Maman gardait un oeil sur lui de toute façon, il sentait son doux regard le caresser. Une fois dans la boutique, Cholena se permit de sautiller d'excitation devant TOUTES CES PELUCHES !! "Presque comme mon nid !" s'exclama-t-il avant de rougir devant Jordan. "En fait, mon lit, c'est comme un nid de peluches, de plaids et de coussins... et... euh... j'aime bien..." C'était bébé, hein ?

Tu aimes tellement les oiseaux que tu te transformes en un ! s'exclama Jordan en riant. Elle imagina son ami disparaître parmi les peluches ce qui la fit rire encore plus fort. Rien de moqueur, mais ça restait amusant. Oooh... Aide-moi à trouver une peluche aussi ! Mais... peut-être plutôt un ours qu'un oiseau.