Rappel du premier message :

CONTRAT DE NOT'RP !

- Statut du RP : Ouvert aux incrustations (demander par MP au préalable)
- Type de RP : Normal
- Tour de jeu : Mey - Sili
- Délai maximum d'attente de réponse : 1 semaine
- Sauts de tours : 2
- Autre : Paix sur terre pour le bien des oreilles de Ninian.

« Je comprends bien que tu aies mis ce collier pour ne pas vexer la gamine, mais franchement tu peux l’enlever maintenant. Ca ressemble à rien. » — « C’est pas vrai ! L’agathe et l’ambre c’est très joli ! » — « Cette remarque prouve bien qu’il faut être un gamin pour apprécier ce ‘bijou’. Je veux bien qu’il faut garder son âme d’enfant, mais… » — « Je suis pas un gamin d’abord et pis t’as aucun goût. »

« Mais vous avez fini tous les deux ? Aisling, je porterai ce collier aussi longtemps que ça me chante, Pim ça ne sert à rien de répondre par des insultes quand tu es vexé. »

« Pardon. » — « Pardon. »

Un silence rare régna pendant un bref instant sur la petite troupe, probablement à la grande joie de l’ânesse qui tirait la cariole. Avec des oreilles pareilles, Moira supposait en tout cas que certaines discussions animées devaient avoir des airs de véritable cacophonie pour Ninian. Mais le silence durait rarement.

« Aisling ? » — « Oui ? » — « Comment diable est-ce que tu vois sans yeux ? »

La question eut le mérite de laisser la canne habituellement loquace sans voix. Au loin, les contreforts des Monts de Krokdor se dessinaient plus précisément, mais ils mettraient encore bien une journée à y arriver, à ce train-là.

« Comment veux-tu que je te réponde ? C’est toi l’experte en magie, pas moi. »

Fort de cette confirmation, Pim annonça fièrement sa dernière découverte : « Il vit depuis sept fois une vie humaine ! » Moira rit et Aisling soupira. « Ca ne m’étonne pas d’un dragon. Toi aussi, tu vivras longtemps. » « Plus que toi ? » « Certainement. » Le dragonnet se décomposa, et même Aisling eut pitié de lui. « T’inquiète, tu m’auras toujours moi pour te tenir compagnie. » Détectait-elle une once de tristesse et de résignation dans la voix de la canne ? Combien de propriétaires avait-elle vus mourir ? « Ne faites pas ces têtes d’enterrement, tous les deux. Je suis loin d’être à l’article de la mort », les reprit gentiment Moira.

"En réalité, je suis déjà bien avancé dans ma huitième vie humaine. De mon dernier souvenir, j'ai sept cent soixante-dix sept ans." Il perdait parfois le compte d'une année ou deux mais semblait plutôt certain sur cette âge-ci : les trois sept étaient un chiffre qui lui plaisait. "Et puis, quand cette humainvieille sera enterrée, petit Pimarimponil, tu seras peut-être suffisamment grand pour venir apprendre la chante-magie." Un sans-coeur impitoyable ? Il ne se rendit compte de la maladresse de ses propos qu'après les avoir énoncés. Et Viholvärakuuna le Chante-Mage ne reprenait jamais ses mots.

À peine réconforté, Pim se décomposa. « Mais alors je pourrai pas te montrer… » Il avait l’air au bord des larmes et Aisling réagit au quart de tour. « T’as pas honte de faire pleurer un gosse ? » Qu’elle prenne la défense de Pim était en soi extraordinaire. Moira s’appuya sur la canne pour se lever et aller chercher le dragon-fée. Il sauta sur la main qu’elle lui tendait et fila se blottir dans son cou. « Ca ne m'empêchera pas d'être fière de toi. » Elle se tourna ensuite vers le dragon, qu’importe s’il avait plusieurs fois son âge. « Pour quelqu’un qui prétend manier les mots, tu n’as pas l’air de réaliser les dégâts qu’ils peuvent faire. »

Le dragon ne comprit pas du tout en quoi son commentaire était honteux, encore moins pourquoi il avait plongé le dragonneau-fée dans une telle détresse. Ses oreilles s'agitèrent, non d'embarras mais d'incompréhension, alors que son museau se tordait dans un grognement rétif à l'accusation. "Je n'ai fait que dire la vérité..." marmonna le dragon. Il pensait même réconforter Pimarimponil en lui décrivant le futur désiré ! Voilà à quoi ça l'engageait d'être gentil avec les dragonneaux !

Si encore le dragon avait fait preuve de mauvaise volonté, Moira aurait pu rester énervée en toute bonne conscience. Mais, si elle interprétait sa réaction correctement, il était de bonne foi. Moira soupira et s’assit à côté du dragon. « Dire la vérité n’empêche pas de choisir ses mots avec autant de soin que ceux que tu lies. Même les mots dépourvus de magie peuvent toucher profondément ceux qui les entendent. À ce stade de sa vie, Pim n'est pas encore prêt à vivre seul. » Elle se tourna ensuite vers le dragonnet. « Un jour tu seras adulte et tu partiras parcourir le monde, comme mes autres enfants. Et c’est une bonne chose. »

Non, décidément, il ne comprenait pas le souci. Sa mère n'avait jamais mâché ses mots, encore moins ses Mots, à son égard et il en était ressorti plus fort et plus apte à la survie, ce qui n'était pas rien compte-tenu de sa taille de crevette. "S'il ne s'endurcit pas, il ne fera pas long feu dans ce monde. Il est si petit..." Etait-ce un accent d'inquiétude dans sa voix ? Et bien, oui ! Le dragonneau-fée ne lui avait pas fait mauvaise impression et il était curieux de le voir revenir vers lui plus tard, pour apprendre la chante-magie. Ce serait dommage qu'il se fasse écraser par la vie avant cela.

C’était presque attendrissant de voir l’inquiétude du dragon pour son cadet. Bon, d’accord : carrément attendrissant. Et en même temps le coeur de Moira se serrait à l’idée qu’il ne puisse même pas imaginer laisser à un enfant le temps de grandir à son rythme. « Il s’endurcira en prenant de l’âge, chantemage. Laisse-lui le temps, c’est quelque chose que vous autres dragons avez en abondance. » Elle s’était radoucie et regardait maintenant le feu.

L'humainvieille n'avait décidément pas deux sous de jugeote. "Mais il n'aura pas le temps de grandir si un aigle l'emporte pour en faire son dîner !" L'exemple était si précis qu'il sut qu'il était grillé pour ce que c'était : une expérience personnelle. Le dragon se renfrogna dans ses anneaux, n'aimant guère être ainsi exposé. Émotionnellement exposé. Il pouvait parlementer avec les Puissances de la Nature sans que la peur n'effleure son coeur mais gérer des émotions était un effroyable gouffre sans fond. Il n'aimait pas y sauter.

Heureusement pour l’amour-propre du dragon, même Moira avait du mal à l’imaginer assez petit pour servir de dîner à un aigle. Tout au plus s’imaginait-elle qu’il avait déjà assisté à une telle scène. « Un aigle ? » Caché dans les cheveux de Moira, le dragonnet n’en menait pas large. « Les aigles ne s’approchent pas de l’homme, et tu seras bientôt plus rapide et plus agile qu’eux de toute façon, trop pour qu’ils puissent t’attraper. » Quoi qu’en pense le dragon, Moira n’était pas aveugle aux dangers que contenait le monde. Mais à ses yeux, laisser un enfant être un enfant n’empêchait pas de le préparer à faire face quand il serait adulte.

Elle n'avait rien compris. Par tous les Hiisi, il bénissait l'esprit limité des Humains pour ne savoir déceler l'inconfort dans sa voix. Le souvenir lui était pénible, tout autant à cause de la peur de la mort qu'il en avait ressenti que de la honte qui lui mordait encore le sang à l'idée que lui, le grand Viholvärakuuna le Chante-Mage, aurait pu finir dans le gosier d'un aigle. "Si j'avais autant été chouchouté, je ne serai pas aussi puissant." grommela le dragon, plus pour lui-même que pour Moïra. Il refusait d'analyser la piqûre qui lui vrillait le coeur.

Un sourire triste naquit sur les lèvres de Moira. Oh, le raisonnement du dragon ne lui était pas étranger : elle avait croisé de nombreuses personnes persuadées que l’adversité, la difficulté, parfois même la douleur était la seule manière de forger la personnalité d’un enfant. Elle savait que remettre en cause ce point de vue (qu’elle ne partageait absolument pas) serait stérile. Elle tenta donc un autre angle d’approche. « Peut-être pas. Et es-tu heureux ? » Car quel intérêt avait sa puissance s’il n’était pas heureux ?

La question le prit tellement au dépourvu qu'il redressa vivement la tête, les naseaux agitées et les oreilles claquant contre ses écailles. L'instant d'après, il retrouvait le lustre de sa carapace d'arrogance ; il se refusait à analyser ses sentiments. Ce serait une perte de temps. "Je suis un puissant seigneur sur mes terres et mes malédictions sont craintes par mes semblables. Certes, ce maudit Vistustaja est une épine dans mes pattes, mais je n'ai rien de désespéré." pérora-t-il en hochant la tête d'un air entendu. Que lui manquait-il, voyons ?

Que le dragon ne sache ou non, il venait de confirmer les suspicions de Moira. « Entre être heureux et ne pas être désespéré, il y a une sacrée marge », observa-t-elle. Malgré sa vie ridiculement courte comparé à celle de son interlocuteur, elle avait déjà fait l’expérience des deux. Elle avait vécu des périodes de désespoir profond face à l’afflux incessant de blessés sur le front, dont tous ne pouvaient pas être sauvés ou lors du décès de son mari. Mais elle avait aussi connu et connaissait toujours un bonheur durable. Elle ne pouvait qu’espérer pour le chantemage qu’il pourrait en dire autant un jour.

Le dragon renifla sans quitter son air suffisant. "Que me manquerait-il ? Je suis sur la voie pour écraser mon grand rival et réaffirmer mon pouvoir sur MA montagne. Il n'y a rien qui me fait défaut." N'était-il pas ? Il n'avait pas la faiblesse des Humains d'avoir besoin de relations. A la différence de ces créatures grégaires, il était parfaitement heureux en étant solitaire. Toute pensée lui disant le contraire ne pouvait qu'être envoyée par les Hiisi.

« Vu comme ça… » Moira n’était toujours pas convaincue, mais il ne servait à rien d’ergoter avec le dragon. Pim, lui, s’était suffisamment calmé pour reprendre le fil de la conversation et recommencer à y participer. « Tu as une montagne ?! Pour quoi faire ?! » Les montagnes, ça ne faisait rien à part être posé dans le paysage, pas vrai ?

"MA montagne est MA demeure, bien évidemment." pérora le dragon avec une voix bien plus assurée, étrangement heureux de changer de conversation. "C'est un volcan à la roche rougie par le soleil. Dans ses flancs se cachent un entrelacs de grottes que j'ai façonné à ma convenance. Un bain de lave m'y attend pour réchauffer mes écailles. Quant aux vallées alentours, qui m'appartiennent aussi, elles sont giboyeuses et verdoyantes."

Le petit dragon fronça le museau de concentration alors qu’il tentait d’assimiler le vocabulaire soutenu de son aîné et ce qu’il lui expliquait. « Oh, ta maison c’est une montagne ? Mais tu peux pas bouger avec alors. Et pourquoi un bain de lave ? Ca lave bien? C’est pour ça que ça s’appelle de la lave ? Et c’est quoi ‘giboyeux’ ? Comment tu peux avoir une vallée ? » Le petit dragon avait oublié sa réserve habituelle, au grand amusement de Moira. « Giboyeux veut dire qu’un endroit contient beaucoup de gibier, d’animaux à chasser. »

Un petit rire (un rire, oui ! pas un ricanement !) lui échappa au jeu de mots... non, à l'incompréhension du dragonneau-fée. Avait-il été un jour aussi ingénu ? Il ne s'en rappelait pas. Depuis le premier jour, la vie avait été une lutte qui l'attendait au tournant, lui faisant chèrement payer ses erreurs. "Regarde mes écailles, petit Pimarimponil, comme elles sont ternes ! C'est qu'elles n'ont guère aimé le territoire englacé de ma mère, la grande Valkulohikäärme. Mon bain de lave va leur rendre leur éclat. Elles brilleront alors sous le soleil, comme des rubis."

« C’est quoi des rubis ? » « Des pierres précieuses rouges. Comme sur le collier d’Elya. » Pim hocha la tête et observa le dragon pendant un moment, comme s’il tentait de remplacer mentalement les écailles par des pierres précieuses. « Tu vas drôlement briller alors si toutes tes écailles sont comme des rubis ! »

Viholvärakuuna le Flamboyant redressa sa tête en souffletant des flammèches gorgées de sa fierté. "Tu as tout compris, Pimarimponil !" Il était peut-être la crevette de sa couvée mais sa parure étincelante lui permettait un peu d'arrogance, quoi qu'en dise son frère doré ou les deux autres bleutés. Rouge sonnait mieux ! Flammes. Chaleur. Rubis. Eclat. Brasier. Lave... Et tant d'autres. Que de jolis Mots pour décrire sa Puissance.

Décidément une diva, ça se confirmait. Moira sourit de l’échange entre les deux dragons, avant d’intervenir pour poser elle aussi une question. « Tu as parlé du coeur brûlant du monde. C’est un endroit physique, ou plus… ésotérique ? » Elle n’avait encore jamais croisé le terme dans ses lectures, mais avec la magie on pouvait s’attendre à tout.

Le dragon se dégonfla pour revêtir une apparence nettement plus sérieuse qui rappelait ses nombreuses années. "Je ne sais pas. Pas encore. Ma mère, la grande Valkulohikäärme, plus sage et expérimentée que moi dans l'Art de la chantemagie, m'a juste indiqué de trouver le Coeur brûlant du monde pour chercher la réponse à ma quête." Son regard se fit lointain. "Il aurait été dangereux de la presser de plus de questions." Clignant des yeux, il recentra son attention sur l'humainvieille. "Et mes volvä n'ont encore rien donné. Je dois me plonger dans l'Entremondes bien plus profondément que je ne peux le faire exposé au monde."

Dangereux de poser des questions à sa mère ? Cela cadrait avec d’autres réflexions du dragon, mais ça n’en attristait pas moins Moira. « Draconienne, la mama. Tu peux tenter ça la prochaine fois que les gosses t’assaillent de questions. » Aisling devait avoir remarqué son manque de réaction et tentait de la faire réagir. « Au cas où tu n’aurais pas remarqué, je ne suis pas une dragonne. » « Vu ta famille, on sait jamais, hein. » Moira leva les yeux au ciel, mais laissa couler le sujet. « Et l’Entremonde peut t’apporter les réponses que tu cherches ? » Quand elle cherchait une information, elle plongeait plutôt dans ses livres.

Il avait entendu dire que la vieillesse faisait parfois perdre la tête aux humainvieux. La rumeur devait être véridique devant la discussion à la quelle il assistait (et la canne devait contenir l'esprit d'une humainvieille pour participer à tant de sottises). Mais Viholvä n'avait pas de temps à perdre avec la faiblesse de l'esprit humain. "L'Entremondes contient toutes les réponses, même aux questions que nous nous ne posons pas encore." répondit le dragon avec un petit air mystérieux savamment cultivé. "Il suffit de savoir où chercher, et là est la tâche la plus délicate."

« Comme c’est pratique », railla Aisling. Moira pensait la même chose, mais sans sarcasme. « Comme une bibliothèque immatérielle qui contiendrait toutes les connaissances du… des mondes ? » Pourquoi pas, si on partait du principe que les Enfers étaient un monde à part entière plutôt qu’une partie éloignée de celui-ci.