Rappel du premier message :



C'est la fin de la soirée. Les leçons ont été bouclées. Les repas mangés. Il ne reste rien à faire pour les garçons sauf la prière et espérer que Dieu les bénisse d'une nuit complète et reposante. Le réveil, comme tous les réveils, s'annonçait tôt. Pas un problème pour Pasha qui faisait partie de cette rare espèce des lèves-tôt même avant les habitudes que lui avait instruit le camp de Saratov. D'abord dû aux insomnies, mais puis simplement par le plaisir d'être levé quand la plupart de ses camarades profitaient encore d'un profond sommeil. S'il n'osait pas toujours sortir pour bénéficier du calme du cloître, il aimait aussi simplement écouter les respirations de ses camarades ce qui provoquait comme un état de transe et, par conséquent, du calme total.


Pasha, comme les autres de son dortoir, se prépara pour la nuit. A leur âge, ils avaient déjà développé l'habitude de garder une arme sur eux en permanence ("une bonne leçon pour la dissimulation de vos armes à l'extérieur du camp"). Sa dague était la première chose à passer sur la table de nuit avant qu'il procède à se déshabiller. D'abord : bottes.

... Silence. Pas de réponse immédiate du moins. Pasha prit la chemise de Klyde et lui la remit sur les épaules. Garde ta chemise. Elle était tellement petite qu'elle ne couvrirait que la moitié de la cage de toute façon. Puis... il avait froid, le petit. Il ne pouvait pas permettre d'avoir son mentoré qui tremblote à côté de lui toute la nuit quand même ? Pasha enleva donc la sienne, lui qui était habitué à dormir dans des dortoirs froids avec des couvertures qui ne te protégeaient pas contre les vents glaciales.

Il fronça les sourcils avec une moue contrariée -ce que Pavel ne verrait nullement dans le noir de toute façon- quand il sentit de nouveau son vêtement sur sa peau. "Toi tu le fais et pas moi ?" comprit Klyde en l'entendant se déshabiller. Au moins l'oiseau avait cessé de faire du bruit maintenant, un vrai oiseau, mais... "Je n'entends plus Abram" fit-il remarquer en chuchotant, ce qui n'aidait pas à le rassurer. Où était l'autre garçon ?

C'est vrai que leur ennemi-en-commun avait été très silencieux depuis leur arrivé dans la pièce. Pasha avait été trop préoccupé avec le petit caneton en panique pour se soucier de ce que faisait Abram. Il a intérêt à rien essayer, répondit le roux assez fort pour qu'on l'entende à travers la pièce. Un avertissement. Ou une menace, peut-être.

Pas un bruit en retour ; pas un bruit qui pouvait leur permettre de situer Abram en tout cas. Pour un peu, Klyde était plus effrayé d'ignorer la position de l'autre garçon que de savoir un démon en liberté dans la pièce. Ces créatures, il pouvait les tuer même s'il était encore jeune, alors que le plus grand.... seul Pavel pouvait rivaliser avec lui. "J'ai fait trop de bruit, ma faute, pardon" murmura le gamin à voix basse. "Il sait où on est lui, faudrait qu'on bouge, non ?" Hors de question en revanche qu'il quitte le roux, sa panique grimperait de nouveau en flèche.

Allait-il un jour arrêter ses "ma faute, pardon" ou devait-il souffrir la présence de ces mots jusqu'à la fin de ses jours ? Non. Il nous retrouvera où que l'on soit. J'ai pas l'intention de me faire chasser. Il guida Klyde vers leur coin. Viens, assieds-toi.

Klyde s'assura du bout des doigts que la zone était sécurisée (autant qu'elle pouvait l'être dans une pièce remplie de démons et d'un apprenti Guide hostile) et se posa à même le sol, le mur dans son dos. Sa main blessée était repliée contre son torse mais l'autre cherchait à rester en contact avec le roux ; l'avait-t-il posée sur son dos ou le ventre ? Il ne savait pas si Pavel était face à lui ou non.

Pasha reprit sa main, comme d'habitude, pour le tenir au poignet. Il s'installa à côté de Klyde et les garçons passèrent la nuit à se garder éveillé ou à dormir à tour de rôle. Quand la porte s'ouvrit enfin en matinée pour laisser entrer le soleil, Abram était endormi dans un coin opposé de la salle, alors que Klyde et Pasha étaient réveillés, comme leur avait ordonné leur instructeur.

Il n'y avait aucune fenêtre dans la pièce pour indiquer aux enfants que l'aube s'était levée depuis longtemps, ni qu'ils avaient manqué le petit-déjeuné. Klyde avait mal partout à avoir tremblé toute la nuit, les muscles ankylosés, mais Frère Arcady eut tout de même un léger sourire satisfait pour lui et le roux... sourire qui disparu bien vite devant le troisième larron. "Pavel, Klyde, soyez redevable envers notre Seigneur. Dans sa grande générosité, Il vous a sauvegardé du mal cette nuit, ne l'oubliez pas. La messe commence dans dix minutes, le Frère Owen ne vous attendra pas."

Pasha échangea un regard rapide avec Klyde puis s'éclipsa de la salle. Le Frère Arkadi avait l'air satisfait et Pasha avait regagné sa confiance grâce à ses mots. Le Seigneur ne lui en voulait pas; il avait encore surmonté un test. Contrairement à Abram, qui allait devoir souffrir la furie du Seigneur sous la forme de son messager. La porte se referma. Pasha avait la foi.