Rappel du premier message :



C'est la fin de la soirée. Les leçons ont été bouclées. Les repas mangés. Il ne reste rien à faire pour les garçons sauf la prière et espérer que Dieu les bénisse d'une nuit complète et reposante. Le réveil, comme tous les réveils, s'annonçait tôt. Pas un problème pour Pasha qui faisait partie de cette rare espèce des lèves-tôt même avant les habitudes que lui avait instruit le camp de Saratov. D'abord dû aux insomnies, mais puis simplement par le plaisir d'être levé quand la plupart de ses camarades profitaient encore d'un profond sommeil. S'il n'osait pas toujours sortir pour bénéficier du calme du cloître, il aimait aussi simplement écouter les respirations de ses camarades ce qui provoquait comme un état de transe et, par conséquent, du calme total.


Pasha, comme les autres de son dortoir, se prépara pour la nuit. A leur âge, ils avaient déjà développé l'habitude de garder une arme sur eux en permanence ("une bonne leçon pour la dissimulation de vos armes à l'extérieur du camp"). Sa dague était la première chose à passer sur la table de nuit avant qu'il procède à se déshabiller. D'abord : bottes.

Le clone d'Abram devenait lourd à supporter aussi. Au moins la haine qu'il ressentait pour leurs actions lui avait permis d'apprendre un peu de patience. Il fallait toujours voir le côté pratique des choses. Quand Klyde tenta de reprendre une pomme, Pasha vit le mouvement trop prévisible de Vadim qui avait, évidemment, encore l'intention de lui voler le fruit. Il le stoppa nette dans son action. Le roux planta son couteau dans la pomme avec violence, le regard planté dans celui du petit.

Le temps s'était comme figé. Les mains de Klyde et Vadim étaient toutes les deux suspendues à mi-chemin de la pomme, ne s'attendant manifestement pas à un tel éclat de la part du roux. Le gamin face au petit brun déglutit, mal à l'aise devant le regard vert qui le fusillait alors qu'Abram chantonnait comme quoi Pavel allait se faire punir. Klyde, lui, observait son mentor en silence, admiratif et reconnaissant.

Il souleva la pomme avec son couteau et l'enleva de sa main droite pour ensuite tendre le fruit à Klyde. Il ne dit pas s'il te plaît, ni même tiens. Son regard noir tenait encore sur Vadim qui finissait par enfin le détourner. Et le petit-déjeuner put reprendre.

Le petit brun répondit tout de même un "merci" noyé dans le peu de brouhaha ambiant alors qu'il entreprenait de coupé sa pomme en petits morceaux et les rajouter à son bol d'avoine. Quand Pavel se désintéressa de lui, son camarade lui lança un regard en biais, lui signifiant bien qu'il n'avait pas vraiment apprécié cet affront. Klyde haussa simplement les épaules, Vadim restait moins effrayant qu'Abram et il se savait plus rapide que lui.

Ça va l'affaiblir. Et s'il est faible, il meurt. Il n'y avait rien dans ce que disait Abram avec quoi Pasha n'était pas fondamentalement d'accord. C'était bien ça le danger de ses mots. Je ne le chouchoute pas. C'est quand la dernière fois que tu l'as testé ? Le roux ne fit que grogner en réponse. C'est vrai que ça faisait un moment...

Il surgit de l'ombre comme l'assassin qu'on l'avait formé à devenir. Klyde ne devrait pas être une proie facile, mais il l'était. Abram avait eu raison. Pasha aurait pourtant adoré lui prouver l'inverse. T'es mort, lui souffla son mentor, alors que le garçon était appuyé contre le mur. Il n'y avait qu'un bras contre son torse et un couteau qui lui touchait la gorge qui le retenaient.

Il ne répliqua pas. Il n'essayait même pas de s'échapper. Pasha aurait pu lui trancher la gorge cinq fois vu le temps qu'il avait laissé passer dans l'espoir que le petit allait faire quelque chose. Sa surprise avait été si grande qu'il avait oublié ses bases ? C'était décevant. Abram avait pire que raison ; il avait été trop laxiste dans sa formation. Il claqua la langue, déçu, puis laissa tomber son bras.

La perte du corps contre lui le réveilla. "P-Pavel ?" balbutia avec peine le garçon. Sa respiration plus hachée l'empêchait de parler correctement, comme lors d'une attaque de panique mais encore une fois, c'était autre chose. Ses joues le chauffaient aussi, comme s'il était honteux ou gêné mais rien de tel. L'espace d'un instant, il avait oublié son carnet de musique au sol, son dortoir à ranger et ses cours à revoir. Il y avait que le grand roux tout proche. Si proche.

Abram m'a fait la remarque que— Il n'allait pas dire chouchouter quand même ? Comment le dire autrement ? Que je te maternais trop. C'était toujours pas génial comme formulation, mais il préférait de loin au "chouchouter". Je vois qu'il avait raison. Il n'arrivait même pas à parler correctement. Une de ses crises de paniques ?

Le nom de son bourreau lui remit du plomb dans la cervelle là où la présence de Pavel avait mis de la guimauve. "Q-quoi ? Tu vas d-donner raison à Abram ?" se reprit Klyde. "C'est pas vrai en plus ! J'ai même battu Vadim aujourd'hui !" Qui était pourtant bien plus fort et plus grand que lui.

Ça expliquait sa lèvre fendue et le bleu qui se formait sur sa joue. J'ai aucun doute que tu te débrouilles quand tu t'y attends, mais les créatures de l'enfer n’annonceront pas toujours leurs attaques. Tu dois être vigilant. Toujours. Et pas seulement ! Tu n'as même pas résisté.

Il n'avait aucune excuse, si ce n'est la fausse crise de panique qui secouait encore son corps. "Je t'ai déçu" constata Klyde, la tête basse. "Je ferai mieux, promis. Ma faute, pardon."

Pas seulement ta faute. La sienne aussi. Mais il avait l'intention de se rétablir. S'il s'était trop assoupli dans ses leçons (et visiblement c'était le cas) il allait devoir passer en seconde vitesse. L'important était de préparer Klyde à la vie à l'extérieur et bien qu'il avait déjà subit des années d'entraînement, il semblait avoir oublié les plus importantes leçons.

Il ramassa ses partitions au sol avec une grimace ; une anomalie dans sa région basse qui le gênait affreusement, c'était bien une première en pleine journée. Klyde apprécia porter des vêtements un peu trop grands pour lui, au moins il pourrait cacher la chose honteuse de la vue de Pavel en plus avec son carnet. "Tu..." Que dire ? Il se sentait trop confus pour avoir une idée claire.

Il parlait toujours pas. Vu le personnage, c'était assez rare pour que ça inquiète Pasha. Lui qui avait toujours mille répliques (et questions, malheureusement) n'avait pas sorti grand-chose depuis la surprise. Hormis quand ça concernait Abram. Tu peux t'attendre à plus d'attaques de ce genre à partir de maintenant. Donc surveille tes arrières. Voilà. Il avait pris la décision. Il allait l'aider à développer une habilité contre les attaques surprises.

Le gamin se contenta de hocher la tête, ses partitions devant lui. "Tu... retournes au dortoir avant manger ?" Un sujet neutre. Et il fallait qu'il pense à autre chose, à des pensées seines pour reprendre l'entier contrôle de son corps. Seulement, la brûlure sur ses joues -rien à voir avec le coup de Vadim- refusait de partir s'il fixait trop longtemps Pavel.

Quelle question étrange. Quelle importance s'il retournait au dortoir ou pas ? Peut-être voulait-il déjà prévoir le coup, vérifier si les attaques surprises allaient débuter dès ce soir ? Pourquoi ? Mieux demander. On sait jamais ce qui lui passe par la tête. (D'ailleurs, il avait toujours les joues rouges, le petit. Début de fièvre ?) Tu te sens pas bien ?