Si le Morpion avait pas déjà achevé le crouton, je lui aurais réglé son compte moi-même. On n’insulte pas impunément un(e) Niraen (à moins d’en être soi-même, cherchez pas à comprendre). « Bon ben va falloir se grouiller si on veut arriver jusqu’à l’orc. Il y a un endroit proche où on peut planquer les corps ? Ca pourrait nous faire gagner un peu de temps. » À condition que personne fasse trop gaffe à la tâche de brûlé et au sang. Bon, ça va, ils avaient pas encore nettoyé les dégâts que Vraneï et moi venions de faire, ça se fondrait dans le tas.

"Dans la cour ? Ça videra au moins la baraque des curieux et ils seront obligés de se diviser entre fouiller dehors et dedans." Bon par contre, une fois à l'extérieur, ils devront laisser une trace de sang pour que ça fonctionne un minimum. "Et on fonce après au gros ?"

« Va pour la cour. » Heureusement que les mages et les gobelins c’est pas bien gros : ça pesait rien à transporter. Plus qu’à espérer qu’on croise personne, sinon le temps qu’on arrive chez l’orc, on aurait perdu tout l’effet de surprise.

Stej connaissait un coin relativement à l'écart dans une pseudo-réserve (où il avait "courtisé" une jolie servante d'ailleurs mais passons) à l'arrière de la demeure. Les corps planqués, il dirigea ensuite sa sœur sur une porte donnant sur les cuisines. "Y'a que les boniches qui passent ici. Pas discret mais on sera tranquilles." L'info fut relativement démentit par un type hurlant suivi par bruit d'une lourde chute un peu plus loin. "Et part là, ce sont les escaliers."

Mouais, tranquilles… Les « boniches » ça a une fâcheuse tendance à hurler au moindre intrus. Mais, surprise, ce n’est pas une boniche qui hurla. « Bon, on va éviter de passer par là si on veut pas encore planquer des cadavres. Et faudrait se grouiller si on veut pas que ton patron s’impatiente ou flaire quelque chose. »

"Aux dernières nouvelles, les gardes ne sont pas assez cons pour ignorer qu'ils ne volent pas. Tu m'expliques comment celui-là s'est cassé la gueule ?" Stej ignora sa sœur -l'inconscient !- pour mieux observer ledit débile et eut une moue dépitée. "Gorge tranchée en partie. Vraneï ?" Pourtant il n'entendait pas de signes de lutte à l'étage, celui d'Exon.

Comment il voulait que je lui explique pourquoi un ahuri avait pris la voie des airs ? Bêtise, alcohol, aide externe… c’est pas les causes qui manquaient. Bon, au moins il faisait les questions et les réponses. « Elle est plus discrète que ça en général. » Comme lui-même avait pu le remarquer lors de notre premier passage dans le bâtiment.

Haussant les épaules -le gars était mort de toutes façons donc il aurait bien le temps pour ça plus tard-, le cadet se décida à monter lesdits escaliers et fit halte au premier étage où des bruits de combat parvenaient d'une pièce dont les doubles battants étaient ouverts. "Apparemment, ça se bastonne dans le salon..." Pas le genre de combat du dernier membre du trio. Stej s'en approcha et eut un léger rire avant de revenir vers Larae. "Une engueulade entre les orcs et les gardes humains, on ne pouvait pas mieux rêver, non ?"

« Pas très discipliné tout ça. » On ne se refait pas : je voyais dans cette distraction bienvenue surtout un manque de sérieux de la part des sous-fifres de l’orc. Mais je ne pouvais pas m’attendre à ce qu’un ramassis de mercenaires soit aussi bien entrainé que les soldats du domaine. Tant mieux pour nous, en fin de compte. « Bon, il traîne où ton patron ? » On allait pas y passer la nuit.

"En haut, forcément." Avec le labo d'Exion mais ce n'était plus un soucis. Stej s’apprêtait à monter quand un autre type vola jusqu'à eux. L'elfe reconnu le chef de la garde et comptait bien l'achever avant de constater qu'il était déjà mort, la trainée de sang partant de son crâne comme indice. "A qui le tour ?!" beugla un des orcs en sortant à sa suite, l'archetype de son espèce tout en muscles et le sourire mauvais. "Oh putain c'est mon jour de chance !!" s'illumina-t-il en le voyant. "Cette fois, je te fais ta fête le noiraud !"

C’était pas bientôt fini ? Si j’avais su que ça s’étripait avec une telle fréquence par ici, je me serais contentée d’attendre que la bande s’entre-tue avant d’empocher la prime. Bon, ça aurait voulut dire que le Morpion aurait fait partie des victimes par contre. Mouais, pas idéal. « Je te le laisse ou je m’en occupe ? » Qu’il ne soit pas dit que je ne sais pas dégager un orc seul désarmée et avec les mains liées.

Peu concerné (enfin si quand même un peu !) par l'armoire à glace verte qui lui fonçait dessus, Stej eut une mine désabusée qui n'avait rien à envier à celles de Larae. "T'es vexante sœurette... je gère, débrouille-toi pour qu'Ollugark ne vienne pas s'en mêler." Puis il s'écarta suffisamment pour éviter de se prendre la charge de plein fouet.

Le frérot était pas le seul vexé, vu le grognement du verdâtre en face de nous. « Comme tu préfères. » « Hé, c’est quoi ce bordel ?! » Oh, c’était décidément un couloir fort fréquenté. On ferait moit’-moit’ du coup. Je me retournai pour balancer un crochet des deux mains (bien obligée car toujours « ligotée ») au gêneur, puis le saisis par le col pour l’envoyer faire connaissance avec le mur tête la première.

Le cadet profita que l'orc bélier soit légèrement étourdi (ils sont cons, ce n'étaient plus à prouver) pour lui sauter dessus. Oh pas dans l'idée de lui lacérer le visage mais de le faire basculer dans le vide par-dessus la rambarde des escaliers. Le temps de réaction de la bestiole ne fut pas assez court pour penser à s'accrocher au rebord, ce que fit Stej, avant de chuter lourdement. Le "crac" écoeurant plus bas présageait bien sa fin. "Au bruit, je dirai colonne vertébrale" s'amusa l'elfe en se redressant.

« Bon, on va pas planquer tous les cadavres qu’on laisse sur notre chemin, sinon on est encore là demain. Il est où ton boss ? » Fini de rigoler, il était temps qu’on en finisse avec l’orc et qu’on passe à la suite. Doubles-Lames devait se demander ce qu’on foutait, surtout si elle cherchait encore le mage avec tout ça.

"Logiquement en haut mais avec tout ce bordel, je pense qu'on peut se fourrer l'effet de surprise dans le..." Un carreau d'arbalète le manqua de peu alors qu'il finissait d'enjamber la rambarde. "Bon là j'en ai marre !" râla Stej. "Viens là que je te détache et on se barricade à l'étage, ta copine devrait déjà y être."

Il était temps de passer au plan B, en effet. Ou on en était déjà au plan C ? À ce rythme on avait finir par éliminer purement et simplement ce gang. Je ne me fis pas prier pour retirer mes entraves : autant avoir toute ma liberté de mouvement. Une fois détachée, je saisis l’arme la plus proche (l’épée du gars que je venais d’écraser contre le mur) et je la lançai en direction de l’arbalétrier (la lame la première, je vous vois venir).

C'était l'alphabet qu'ils allaient aussi décimer s'ils continuaient d'enchaîner les plans foireux ! Le cadet ne prêta pas vraiment attention au superbe lancer d'épée de sa sœur (il y avait des raisons pour que même Vanel n'osait pas trop provoquer Larae) et grimpa jusqu'au second palier. Le bordel était moins... bordélique à ce niveau mais ça n'allait pas durer : avec deux Niraen dans la place, ça allait forcément partir en vrille. "Bon tu te grouilles ?" la pressa-t-il avant de bloquer la lourde porte (lui par contre avait toujours un instinct de survie ras les pâquerettes pour lui parler comme ça).

Et on se demandait pourquoi je passais pas trop de temps avec ma famille. Dès qu’on mettait plus d’un Niraen dans un rayon de deux kilomètres, il y avait des emmerdes. Je suis bien placée pour le savoir : j’ai vécu avec eux pendant près de deux siècles. La porte bloquée empêchait d’éventuels ahuris d’entrer, plus qu’à nous de trouver un moyen de sortir pour aller buter l’orc et en finir. « Bon, on commence par récupérer Doubles-Lames. On va pas la laisser chercher le mage pendant des heures alors qu’elle peut être plus utile avec nous. »

"Si elle a deux sous du jugeote ta donzelle, elle sera passée à autre chose. Un mage hors de dans son antre secrète est forcément en train de préparer un mauvais coup ailleurs et gare aux boules de feu." Bien qu'ils étaient tous les deux particulièrement entraînés pour cet exercice, merci maman. "Ils évitent les combats à tout prix dans leurs labos, les livres tout ça, tout ç..." Oh mazette. Il en aurait pour une fortune s'il revendait le bordel du vieux magicien !! Sur cette idée, Stej accéléra le pas : plus vite la tête de l'orc aura roulé au sol, plus vite il aura été riche !

Au moins on avait la même opinion des mages. C’est y pas beau cette belle entente entre frangins ? Et clairement Doubles-Lames avait suivi le même raisonnement, parce qu’elle était pas dans l’antre de l’autre bouffe-papier. « Bon ben… l’orc d’abord, on finira bien par la retrouver en cours de route. » À force de réviser le plan on allait manquer de lettres de l’alphabet pour le nommer.

Le canapé avait étrangement échappé au massacre. Enfin, un bout assez grand pour laisser Stej s'y poser, les bras en croix, le souffle court et un sourire à la con sur les lèvres. "Bon... j'trouve qu'on s'en est quand même bien tiré au final, non ?" Le corps de l'orc, méconnaissable par les coups de lames, gisait sur le tapis jadis blanc de son bureau. D'ailleurs, le sus-nommé canapé ne manqua d'être complètement tâché de sang, l'elfe noir étant recouvert d'une bonne partie de celui d'Ollugark comme le sien.

« Mais qu’est-ce que vous avez foutu ? » Ah, excellent : on ne devrait pas partir à la recherche de Doubles Lames. Et elle au moins voyait la scène du combat pour ce qu’elle était : extrêmement brouillonne, témoignant d’un désastre tout juste évité. « On a sauvé les meubles. » Ou pas, vu comme le bureau était couvert de sang, le canapé dans un aussi piteux état, et le sol jonché de morceaux de chaises et tables basses.