"On appelle ça 'improviser à la Niraen' ma belle, une spécialité de notre oncle." D'où le sang un peu partout, tonton Veldril ne faisait pas dans la dentelle. "L'objectif est rempli non ? Plus qu'à choper sa tête pour la prime, piller son fric et les joujoux du mage et on file d'ici en vitesse." Un plan fort simple après les galères traversées.

« J’ai connu des improvisations qui laissaient moins de traces. » « Parce que j’étais avec des professionnels. » Même si je devais admettre que si le but était de suivre les traces de tonton Berserk, on était bien partis. Au moins un membre de la famille qui serait fier de nous… c’était déjà ça de pris. Pendant que Doubles-Lames allait séparer la tête du corps de l’orc, je récupérai déjà quelques pièces qui trainaient sur le bureau. « J’imagine qu’il a un cache pour le gros du magot ? »

"Bien sûr" se délogea Stej du canapé carmin. Sans vraiment sourciller à la décapitation post-mortem, le cadet fouilla le reste du corps jusqu'à dénicher une petite clé tordue. A vue de nez, elle semblait inutilisable. "J'ai mis un point d'honneur à le trouver pour le jour où je devais filer en douce," même si le en douce était clairement passé à l'as, "et ce type a beau être doué pour les affaires, il manque... manquait cruellement d'imaginations pour ses planques." Preuve en était la serrure cachée dernière un chandelier au mur et après avoir délogé une des pierres.

« ‘En douce’ ? » Note, vu comme il avait traversé la Brèche à notre nez et à notre barbe, il devait sans doute être le plus capable de furtivité de la famille. Mais vu ceux à qui on le comparait, ça voulait encore rien dire. Encore plus désolant était le manque de créativité de l’orc dans ses choix de ‘planque’. « Sérieux ? Il y a encore des gens qui utilisent des ‘cachettes’ pareilles ? Soit il y a une arnaque, soit il demande vraiment à se faire voler. » Après… ça restait un orc. Pourquoi je m’attendais à quoi que ce soit de sophistiqué ?

La pierre était assez grande pour devoir la prendre à deux mains -et il n'avait pas de grosses paluches vertes, lui- et la soulever sans rien rayer jusqu'au sol. La cache contenait peu mais de belles valeurs. "T'as vu le bordel qu'on a dû se farcir pour arriver jusqu'ici ? Le mage veille sur cette pièce logiquement, pas besoin de faire élaboré" râla-t-il pour la forme en sortant les bijoux et babioles précieuses du mur. "On se partage ça en trois ? Les trucs du vieux, vous les voulez aussi ?" Et y'avait encore un tiers de la prime !

« À trois, avec un plan qui a déraillé trop de fois pour le compter, on est arrivés ici. Si c'est pas la preuve qu'il aurait dû faire plus élaboré, je sais pas ce qu'il te faut. » Parano, moi ? À peine... Je hochai la tête en réponse au partage en trois. Pour le mage, pas contre... « On prend ce qu'il y a de valeur dans l'atelier du vioc, on crame le reste. Je courrai pas le risque que d'autres tordus récupèrent ses sorts. » Au cas où il l'aurait pas encore remarqué, mon opinion à propos de la magie n'avait pas changé ces derniers siècles. Si je pouvais réduire le nombre de grimoires et autres ingrédients occultes dans le monde, tant mieux.

Stej la regarda avec des yeux ronds. "Mais ça coûte une blinde des sorts ! Même pas besoin de passer par des receleurs pour les vendre, ça part comme des p'tits pains." Lui part contre, son attrait pour la richesse était né de ce côté de la Brèche. "Je ne pense pas aussi qu'il s'attendait à tomber sur trois elfes noirs dont deux de l'armée Niraen, ça joue" fit-il remarquer, tout à son partage. Stej allait même jusqu'à récupérer une sacoche de cuir de belle facture pour y ranger sa part.

Un reniflement dédaigneux ne laissa aucun doute sur ce que je pensais du potentiel économique des sorts. « Entre la récompense, le magot ici et les objets de valeur non-magiques, on aura bien assez pour se passer des sorts. » Et si ça ne lui plaisait pas, tant pis pour lui.

Il allait râler une fois encore quand son pragmatisme lui rappela qu'il comptait tenir tête à Larae, sa grande soeur qui venait littéralement de faire rouler la tête de son ancien patron sur son parquet jadis impeccable. "Uhm... soit. Pas même une baguette ?" Sa témérité le tuerait un jour.

« Pas même une baguette. » Et ça allait barder s’il essayait d’en piquer une en douce. « Tu as un train de vie tellement coûteux ? » Que ce soit par mon ton ou par le coup d’oeil que je jetai à sa tenue, la raillerie de ma question était on ne peut plus claire.

"Je sais pas si tu as remarqué mais je viens tragiquement de perdre mon emploi, faut bien que j'assure mes arrières pour quelques temps. Et ma tenue est très bien ! Le cuir neuf n'a rien d'agréable je te fais dire." Pour le reste, ne parlons pas des filles de charmes. Ou rien les concernant de près ou de loin. Surtout de près. De trèèès près... Bref, où il en était déjà ? "Ahem, donc, heu... c'est parti pour le feu de joie ?" sourit-il.

« Dans ce cas je m’inquiète pas pour ton confort. » Parce que si le cuir de ses vêtements avait un jour été neuf, c’était dans une autre vie, même à échelle d’elfe. Oui, c’était mesquin, et non, je n’allais pas me priver de le railler pour autant. J’étais parfaitement capable de faire ça et finir de remplir un sac des trucs intéressants à emporter avant d’allumer le feu de joie. Une mission pas franchement rondement menée, mais menée, c’était déjà ça.