Siparti :
Tout d’abord, mettons quelques points sur quelques i :
Un : Dalton n’est pas là où il devrait l’être. Ça, c’est clair. Quand on apparaît tout d’un coup dans une maison de la fin du dix-neuvième siècle alors qu’on était en train de faire la file pour un bon gros hot dog new-yorkais, c’est qu’on n’est clairement plus là où on devrait être. Malgré le brusque changement, notre démon reste calme. À force de vivre parmi les mutants pendant plus de vingt ans, on s’habitue à certaines choses.

Deux : Dalton n’est pas seul. Il ne sait pas exactement comment il est apparu, mais clairement c’était soudain. Quand il veut se retourner pour se faire une meilleure idée de son nouvel environnement, une jeune fille qui se trouvait derrière lui laisse tomber un vase rempli de fleurs. Son regard a tout juste le temps de suivre la trajectoire du vase avant qu’il vole en éclats par terre. Les deux se fixent pendant le silence le plus long que Dalton ait jamais connu. Il finit par se décider à lever la main et à l’agiter vaguement avec un bête sourire collé sur le visage (« Salut »), et elle se met à crier. Fort. Et la voilà partie. Bon, ben d’accord.

Trois : Dalton n’est pas le bienvenu. Rien de nouveau sous le soleil. Chez lui non plus on ne l’accueille pas forcément à bras ouverts. N’empêche que la réaction de cette fille était sacrément exagérée. Après 35 ans de vie en tant que mutant, on s’habitue au racisme… mais ça, c’était du jamais vu. S’enfuir en hurlant ? Nope. Il devrait sans doute s’attendre au pire.

Mey :
Que Nastya laisse tomber quelque chose n’était, malheureusement, pas inhabituel. Elle venait à peine d’arriver de la campagne et devait encore s’habituer à la vie en ville : le moindre bruit l’effrayait. Ce qui était moins habituel, c’était qu’elle s’enfuie en hurlant et fasse irruption dans le bureau de la maîtresse de maison, alors que cette dernière lui avait pourtant expressément indiqué qu’elle ne voulait pas être dérangée. Mais quand la jeune fille se mit à bredouiller quelque chose d’incompréhensible à propos d’un démon, Yeva laissa tout en plan et vola presque jusqu’au rez-de-chaussée. Etait-ce possible qu’un zootrope se soit introduit dans la maison ? Pourquoi ?

Siparti :
Merde. De là où il était, il pouvait entendre le remue-ménage affolé et les pas rapides. Ça ne lui disait rien de bon. Mais il ne pouvait rien faire d’autre qu’attendre patiemment. Quitter la pièce ne lui apporterait rien pour le moment. Vu qu’il ne savait pas encore où (ou quand !) il venait de débarquer, se risquer à l’extérieur pouvait lui attirer encore plus d’ennuis. Appuyé nonchalamment contre la table, les bras croisés, il attendit que les deux femmes entrent dans la cuisine.

Mey :
Bonté divine. Comme mue par une volonté propre, la main de Yeva partit agripper la croix d’argent qui pendait autour de son cou. « Il est… mauve. » Nastya restait à moitié cachée derrière elle et sa voix était à peine plus qu’un chuchotement. « Ma vue laisse à désirer, mais ça, je l’avais remarqué. » Peut-être un peu abrupt, mais elle n’était pas sa mère. Elle ôta ses lunettes : elles étaient parfaites pour contrer sa presbytie, mais de loin elles rendaient tout flou. « Qui êtes-vous et comment êtes-vous entré chez moi ? » Pour le tact, on repasserait, mais pourquoi ferait-elle preuve de diplomatie envers un intrus ?

Siparti :
« Il est mauve. » Une réaction classique qui fait un peu rire Dalton. Un rire pas forcément approprié, tout bien réfléchi, mais impossible de reprendre ce qui a été dit ou fait (des mots emprunts de sagesse qui lui venaient de sa mère). Il y avait deux réactions possibles. Il pouvait se montrer compréhensif et improviser sur le pourquoi et/ou le comment de son apparition, ou il pouvait jouer les innocents. Il savait d’expérience que la première solution ne menait souvent qu’à encore plus de confusion. Va pour la deuxième. Qui es-tu et comment m’as-tu invoqué ? Eh oui. Il joue la carte je-suis-un-vrai-démon.

Mey :
Sacré problème en vue, et le cri à moitié étouffé qui venait sans aucun doute de Nastya n’arrangeait rien. Elle avait probablement tiré une conclusion prévisible de cette accusation. « Nastya. Va chercher le père Fyodor. » La jeune fille s’enfuit sans demander son reste. Elle ne serait pas de retour de sitôt, mais au moins 1. elle ne serait plus dans les pieds de Yeva et 2. elle ne courrait pas chercher la milice. « Je n’ai pas ‘invoqué’ qui ou quoi que ce soit. Maintenant, soit vous répondez clairement à ma question, soit vous ne savez pas répondre et nous sommes de retour à la case départ. » Et s’il s’agissait vraiment d’un démon ? Alors son sort était entre les mains du Seigneur et elle ne pouvait que s’en remettre à Lui.

Siparti :
Elle réagit mieux qu’il ne s’y attendait. Par contre, la vieille femme ne se laissa pas piéger aussi facilement. Tant mieux. Son but n’était pas non plus d’aller donner une attaque à des grand-mères. Enfin, pas tout à fait. D’un geste souple, il quitta l’appui de la table et se tira une chaise. Il venait de s’inviter lui-même à s’asseoir un moment. Cette conversation s’annonçait longue. Si tu m’en dis plus à propos de toi, j’envisagerai de répondre à tes questions.

Mey :
Grossier et buté. D’abord il s’introduisait dans la maison sans invitation, puis il lançait une accusation qui pouvait l’envoyer tout droit au bûcher, et maintenant il se comportait comme s’il était chez lui. « Je ne sais pas d’où vous venez, mais ici ça ne se passe pas comme ça. Vous êtes dans ma maison, sans y avoir été invité, vous n’êtes pas en droit d’exiger quoi que ce soit. Vous pouvez soit tenter de clarifier la situation, soit attendre la milice. Ils ont moins de patience que moi et certainement aucune tolérance pour la différence. Envisagez donc ça. » Il n’était en tout cas pas zootrope. Les cornes y ressemblaient, mais sa couleur de peau ne collait pas.

Siparti :
Allons, allons, commence-t-il, en affichant toujours avec le même sourire. J’ai comme l’impression que tu en as déjà plus vu que cette pauvre enfant de tout à l’heure. Alors, ma p’tite dame, on a déjà conclu un pacte avec le diable ? Evidemment, il pourrait être plus poli, mais ça serait d’un barbant ! Si le diable existait vraiment (ce qui n’est pas le cas d’après Dalton), il se contreficherait certainement de l’étiquette. Donc, Dalton aussi.

Mey :
D’après l’Eglise, Yeva avait en effet conclu un pacte avec le diable. Sa propre opinion était très différente, et apparemment Dieu partageait cette opinion, sans quoi elle était certaine qu’Il l’aurait déjà montré. Evidemment, elle n’en toucherait pas un mot à son hôte indésirable : elle se contenta de lui jeter un regard froid. Puisqu’il avait décidé de faire le malin dès qu’elle disait quelque chose, il pourrait faire le malin dans le silence. Sa main remonta vers la croix d’argent. Un geste en toute apparence machinal qui avait pourtant un but : elle voulait voir si et jusqu’où ses yeux suivraient sa main. Un démon devrait surement détourner le regard face à la croix… pas vrai ?

Siparti :
Nul. Plus de réaction. La meilleure stratégie quand on parle avec Dalton. Chacune de ses actions, de sa manière d’être dans la vie à ce qu’il partage à son sujet sur internet et les réseaux sociaux n’a en effet qu’un seul but : provoquer une réaction. Un mécanisme d’autodéfense qu’il utilise depuis sa plus tendre enfance. Une habitude pareille, ça se perd difficilement. Oh, il a grandi (et pas seulement en longueur), mais parfois les habitudes du petit garçon effrayé qu’il a été ressurgissent. Alleeez, supplie-t-il. Utilise ta croix pour faire une petite prière ou un truc dans le genre. Qui sait ? Ça me renverra peut-être en enfer.

Mey :
Donc, pas un démon. Enfin, elle ne pensait pas qu’il en soit un. « Si pressé d’atterrir en enfer. Cela pourrait se produire plus tôt que vous ne l’imaginez. » Et certainement s’il continuait comme ça. Qu’il soit un démon ou non, elle était relativement certaine que son comportement avait de loin dépassé les limites du blasphème. « Thé ? » Sans transition, elle avait pris une bouilloire et commencé à la remplir.

Siparti :
Elle venait vraiment de lui offrir du thé ? Cette femme avait des nerfs d’acier. On en viendrait presque à croire que ce n’était pas la première fois qu’elle recevait un démon mauve. Dalton mit un moment à décider comment régir, mais il finit par accepter son offre. Ok. À moins que tu aies prévu de mettre de l’arsenic dans ma tasse. Alors non merci. Voilà, voilà. Prendre le thé avec le diable. Pourquoi pas.

Mey :
« Je préfère aussi le thé sans arsenic, ne vous inquiétez pas. » Pour être parfaitement honnête, elle était tout simplement en train de gagner du temps en attendant l’arrivée de l’aide que Nastya avait été chercher. L’eau se mit à bouillir et heureusement que théière et tasse étaient bien visibles sur une étagère, parce que Yeva n’avait pas la moindre idée de l’endroit où tout était rangé dans la cuisine (ce n’était vraiment pas son problème). Heureusement, faire le thé rentrait encore tout juste dans ses compétences en cuisine. Plus qu’à laisser infuser. Et à décider si elle laisserait son « hôte » se débrouiller avec la milice ou si elle l’aiderait quand les renforts arriveraient. Elle n’avait aucune intention de risquer sa vie pour n’importe qui.

Siparti :
Dalton suivait chacun de ses mouvements d’un regard perçant. Vu comme elle traînait (ou hésitait peut-être), faire le thé ne faisait pas partie de ses tâches quotidiennes. Logique, si elle était la maitresse de maison. Quel honneur : me faire servir par la maitresse de maison. Est-ce que je suis sur l’exceptionnelle et courte liste des gens que tu as servis ?

Mey :
« Et sur la liste plus courte encore des personnes pour qui j’ai envoyé chercher un prêtre. » La dernière de ces personnes avait été sa mère à qui il fallait offrir les derniers sacrements. Un tout autre contexte, donc, et un passé bien lointain. « Vous n’avez vraiment aucune idée de tout ce que cela signifie, pas vrai ? » Pour la première fois, son ton s’était fait moins abrupt. Sa voix avait maintenant des traces de lassitude.

Siparti :
La liste des cas pour lesquels elle avait eu besoin d’un prêtre est sans doute courte, mais la liste de ceux qui avaient fait chercher un prêtre pour Dalton est un peu plus longue. Les New Yorkais avec des racines dans la Bible Belt en font parfois un peu trop. Et qu’est-ce que ça signifie, alors ?, demande-t-il tout en jouant avec la nappe en soie.

Mey :
Pas de commentaire sarcastique ? À croire qu’il y avait toujours des miracles ! « Ici, en Russie, certaines personnes ont… un côté animal ? Ils peuvent se transformer partiellement ou entièrement en animal. Les scientifiques les appellent zootropes, l’Eglise et la majorité de la population les appellent des démons. Et aussi bien les scientifiques que l’Eglise les poursuivent, bien que leurs motifs diffèrent. Quand Nastya reviendra, elle ne sera très probablement pas accompagnée uniquement du père Fyodor, mais aussi de la milice. Vous n’êtes pas un zootrope et je doute aussi que vous soyez un démon, mais ni la milice ni l’Eglise ne seront prêtes à vous accorder le bénéfice du doute. » Et maintenant, il fallait qu’il digère tout ça.

Siparti :
Il a presque envie de rire. Ça sonne faux. Enfin bon… Démon mauve, mutants, (r)évolution de l’ADN. Si tout ça ne faisait pas partie de sa réalité, Dalton n’aurait aucun mal à comprendre que des non-initiés aient du mal à l’accepter. Même comme ça, les gens ont du mal à l’admettre. Alors quelqu’un du dix-neuvième siècle… Cool. Donc les croyants cinglés n’ont pas changé des masses depuis le dix-neuvième (ou on est en quelle année en fait ?) Quelle surprise.

Mey :
Qu’il ne connaisse pas la date exacte, passe encore : certaines personnes étaient distraites. Mais même l’année ?! Le sourcil droit de Yeva se souleva de surprise. « Nous sommes les sept mai 1937. Et à votre place j’éviterais d’utiliser des descriptions telles que ‘croyants cinglés’. » Même s’il y avait bien un fond de vérité dans ses mots : la haine passionnée du clergé pour les zootropes ressemblait bel et bien à de la folie. Mais c’était (du moins d’après Yeva) un défaut humain qui n’avait rien à voir avec la Volonté de Dieu.

Siparti :
07/05/1937 ? Dalton jette rapidement un coup d’œil dehors. Ça ne ressemble absolument pas à 1937. Ce qu’il a vu des années ’30 à la télé avait une autre architecture. Et aussi une autre mode, d’ailleurs. Et… une technologie différente ? Mais où est-ce qu’il était vraiment ? Et où ?, demanda-t-il donc. Peut-être que l’endroit expliquerait l’une ou l’autre chose. Dalton n’était pas historien, mais il était quand même capable de voir que quelque ne tournait pas rond.

Mey :
Donc c’était quand même lui qui se retrouvait à poser les questions et elle qui y répondait. Elle l’avait laissé gagner, en un sens. Pourtant, même ses questions lui permettaient de déduire l’une ou l’autre chose. Non seulement il ne savait pas quand il était apparu, mais il ne savait pas où non plus. Les deux explications les plus évidentes étaient qu’il se moquait d’elle ou qu’il était fou. Mais bon… son apparence était déjà assez hors du commun pour envisager une troisième explication, hors du commun elle aussi, pour son manque de connaissances de base... « Moscou, capitale de la Russie et siège du Vatican. » Plus qu’à voir comment il réagirait à ça.

Wat ik zit te zeveren over het schisma doet er niet toe voor de echte nanowereld, dus who cares of dat echt zo gebeurd is? ^^

Siparti :
La Cité du Vatican est à Rome, fut sa réponse un peu sèche. En Italie. Tu sais : le pays de la pizza et des machos. Il restait sceptique par rapport à cette vielle femme. Il la toisa, bras croisés et sourcils relevés. À moins que la Russie ait construit sa propre version en cachette.

Mey :
Est-ce qu’il venait vraiment prétendre savoir mieux qu’elle ce qui se trouvait (ou ne se trouvait pas) dans sa propre ville ? S’agissait-il d’un sens de l’humour un peu tordu ? À nouveau, un sourcil grimpa. « Rome et le reste de l’empire romain d’occident ont refusé de reconnaître le pape Michel en 1054 et ils se sont séparés de l’Eglise catholique. Vous ne trouverez que peu de catholiques à Rome. »