Rappel du premier message :


"En avant, Larae ! Et suivons le chemin ! Il est à l'autre bout, je le sens !"

Son père !

Le géniteur qui n'a jamais voulu la récupérer ou ne serait-ce que revoir sa mère, même par courtoisie. Le porteur des gênes dont elle est l'héritière, elle la fameuse chasseresse de dragons ! Than brûle de le rencontrer, de le connaître et lui en toucher deux mots sur l'honneur d'un elfe noir ! Car s'il est encore en vie -- et il l'est ! -- il aurait dû se venger du Bon Samaritain qui l'a pris en guet apens et non se terrer comme un faible ! Pourquoi ne pas être revenu, clamer haut et fort sa vengeance ? Than a bien une idée de la réponse et elle a bien envie de lui secouer les puces !

Than et sa tante, récemment trouvée (par hasard), ont décidé de mener l'enquête. La première étape est de suivre sa piste. Après avoir incendié le repaire du Bon Samaritain, il a été facile de soutirer à ses hommes le dernier endroit où Stej a laissé signe de vie. C'est donc dans un trou paumé au milieu de nulle part que les deux elfes noires arrivent.

Than descend de cheval pour chercher des ossements.

« Z’êtes toujours aussi accueillants dans le coin ? » Le pèquenaud apathique est une espèce rare, ceci-dit. Généralement je suscite plus de réactions (rarement positives, c’est vrai). À voir combien de temps je mettrais à provoquer une réaction (une vraie) de la part de ce bonhomme-là. De toute façon, tant que j’étais en train de boire il risquait pas d’essayer de me mettre dehors s’il avait le moindre sens des affaires.

Chais pas, tu t'attendais au tapis rouge et à la fanfare ou tu préférerais que ce soit mardi gras où que tu passes ?
Le bonhomme répond avec un haussement d'épaule très éloquent, si Than voyait ça elle en rirait. Larae, pèquenaud désabusé, même combat !

Eh ben, pour un tavernier, il était pas causant le bonhomme. Tant pis. Ma bière en main, je me tournai pour inspecter le reste de la salle. Peut-être certains habitués avaient-ils la langue plus déliée ?


Du côté de la laverie, l’ambiance était autrement plus causante : « On dit qu’il profite du couvert de la nuit pour aller enlever des jeunes filles. » « Pff, n’importe quoi ! D’abord on l’aurait su si quelqu’un avait disparu ! »

Pour Than, ce n'était que des racontars sans intérêt… Est-ce qu'elles prenaient leur forgeron pour un loup-garou ? Quoi que tout de même assez inhabituel. Elle tente une superbe imitation du cri de l'animal, juste pour leur faire peur.

La clientèle ne semblait pas plus loquace que le tavernier jusqu'à ce que… débarque un ménestrel (visiblement pas du coin).
"Holà, la compagnie ! Qui veut entendre une chanson ?!"
Une ménestrelle.

Les ménestrels, ça aime bien colporter des histoires sacrément exagérées mais avec un fond de vérité sous les couches de délire mégalo, non ? Qui sait, p’têt que celle-là serait utile. Je ne dis rien, mais montrai une bourse bien remplie, promesse de belles recettes si ses chansons en valaient la peine (je serais bien sûr la seule juge de ce point).


Les deux commères de la laverie arrêtèrent brusquement leur conversation en entendant le cri de loup(-garou). Elles se tournèrent immédiatement dans la direction dont il provenait, mais ne virent rien. « Marek ! C’est pas drôle ! », s’offusqua la plus courageuse, la voix pas très assurée.

Bon, pas de loup-garou, fausse piste. Autant demander directement.
"Je ne suis pas Marek." dit-elle en sortant de sa cachette, le visage sous la capuche.
"Personne ? Allez, une petite pièce pour la ménestrelle. Elle vous raconte tout, les histoires, la vérité vraie, les aventures, les mésaventures contre une petite pièce. Ou plusieurs ! Plus la bourse est globuleuse, plus l'histoire est juteuse ! Chante-elle avant de se diriger vers Larae. Indiquez une direction et je débite tout."

Un ménestrel en est-il un vrai s’il manque d’aplomb ? En tout cas, celle-ci n’en manquait pas et réclamait déjà des sous avant même d’avoir joué une seule note ! Bien essayé, ma jolie, mais pas question : « Payer sans savoir si j’en aurai pour mon argent ? Tu trouves parfois des pigeons qui acceptent ? » Nan parce que même dans mon métier c'était d'abord le travail, puis l'argent.


Vu le bond des deux commères (qui semblaient avoir l’âge de l’elfe et devaient donc avoir une bonne dizaine d’années de moins), la nouvelle-venue aurait pu être le loup-garou qu’elle avait imité. En tout cas, l’apparition surprise leur coupa la parole.

"Bah alors ? Vous avez perdu votre langue ? Vous l'avez donné au grand méchant elfe noir ?"

La ménestrelle reste bouche bée une seconde avant de se reprendre en saisissant sa guitare.

"Dans le village de Nochand, y a des pigeons qui mangent et qui mangent encore.
Dans le village de Nochand y a des pièces qui se perdent et se perdent encore.
Dans le village de Nochand, y a une elfe qui grince comme grince les revenants.

Haha ! C'est gratuit, t'en fais pas."

Si la ménestrelle s’attendait à une réaction forte, elle allait être déçue. Je levai juste un sourcil moqueur. C’était avec ça qu’elle espérait me soutirer de l’argent ? Ou elle avait abandonné et comptait sur la générosité des locaux ? « Si la seule chose que tu sais faire est décrire le présent, je vois pas l’intérêt de te payer. »


À la mention du grand méchant elfe noir, les commères échangèrent un regard peu rassuré. Celle-ci connaissait-elle le forgeron ? Dans tous les cas, elles ne voulaient pas être embarquées dans les affaires des infernaux. « Ca va pas de débarquer sans crier gare comme ça ? », s’exclama la plus courageuse.

Avec assurance, Than sourit.
"Je croyais que vous aimiez avoir peur. Ce forgeron, il a de grandes oreilles, de grands yeux et de grandes dents ? Est-ce qu'il mange les grands-mères aussi ?"
Du côté de Larae, les clients de la taverne applaudissent la ménestrelle.
"Si tu veux autre chose, faut payer ! Je ne fais pas la charité. Est-ce que tu manges le poisson chez le poissonnier avant de payer dans ton bled, toi ?"
La femme eut un étrange regard, celui de qui s'attend à entendre dire qu'un elfe noir ne paye rien.

Elle avait de drôles de comparaisons, l’artiste. « Chez le poissonnier, je peux inspecter la marchandise avant d’acheter un morceau. Et dans une auberge, je paie qu’après avoir mangé. » Après, ça faisait un bail que j’étais plus passée dans la région et leurs habitudes avaient peut-être changé. Mais je comptais pas changer les miennes.


Ah, elles avaient l’air fières les deux andouilles. Mais elles se remirent relativement rapidement de leurs surprise, et échangèrent même un regard et un fou-rire à la mention des grandes oreilles du forgeron.

Than penche la tête sur le côté, hésitant à révéler sa dague pour gagner en persuasion.
"Qu'ai-je dit de drôle ?"

"Faut me payer avant, que ce soit en pièces ou en charme."
La foule est plutôt ravie de revoir la ménestrelle Nalyem et lui réclame une chanson.

Nous voilà dans ce qu’on appelle communément « une impasse ». Parce que, musicienne butée ou pas, je comptais pas dépenser de l’argent sans savoir si ça en valait la peine, et il y a belle lurette que j’avais remarqué que le charme à la mode des Enfers ne marchait pas trop de ce côté de la Brèche. « Quel dommage. » Je serais sans doute plus crédible s’il y avait le moindre soupçon d’intonation dans ma voix.


Les deux jeunes filles venaient de se rappeler à qui elles parlaient, ce qui rendait la réponse à sa question un peu gênante. « Bah, euh… les oreilles du forgeron, quoi. » Limpide comme réponse, pas vrai ?

"Les oreilles du forgeron… Hum, de grandes oreilles ? Ce ne serait pas un elfe ? Un vilain elfe noire vot'e forgeron ? C'est quoi son nom ?"
Une piste ! Larae sera veeeeerte lorsqu'elle verra que j'ai retrouvé sa trace avant elle !


Du côté de la taverne, la ménestrelle s'est détourné de Larae pour recueillir les pièces avant de chanter une ballade très demandée sur… le monstre du lac qui kidnappe les passants. Vous vous attendiez à "où trouver les elfes noirs" ?

Le monstre était-il une légende locale, ou une véritable créature ? À creuser. Débarrasser une région d’un gêneur pareil, ça pouvait rapporter un joli pactole. Mais pour le moment, ça m’avançait pas des masses.


« Stej Noiracier. » Celle qui avait répondu se prit un coup de coude de l’autre, qui n’avait aucune envie de s’impliquer de près ou de loin dans une affaire d’elfes noirs. « Bon, ravie d’avoir fait ta connaissance, mais on nous attend, salut ! » Et sans plus tarder, elle tira son amie pour s’éloigner de l’étrangère.

STEEEEEEEEEEEEEEEJ !!!!
Le seul indice solide de la demoiselle se révèle juste. Il lui reste donc qu'à trouver cette forge, probablement à l'écart du village. Yenlu saurait le trouver très rapidement grâce à sa vision de rapace. La question est : y aller seule ou avec sa tante ?


Pendant que la ménestrelle chante, le tavernier essuie des verres.

C’est dans des moments comme ça que je me dis que ça serait autrement plus efficace d’utiliser les mêmes techniques d’interrogation qu’au front. Malheureusement, contrairement à un militaire, un mercenaire ne peut pas (trop) terroriser du pèquenaud à tort et à travers, sous peine sous peine de se retrouver avec plus de contrats sur sa tête que dans sa poche. Enfin, que l’auberge ne soit pas concluante ne voulait encore rien dire. Je finis ma bière d’une traite, puis sortis pour aller fouiner ailleurs dans le village.

Than décide finalement d'y aller seule, faire de la reconnaissance en toute tranquillité, sans boulet dans les pattes. Elle trouve alors la chaumière, vide… Décidément ! Cette proie-ci est la plus coriace que la chasseresse ait jamais eu !


Deux jeunes filles réagissent face à l'arrivée de Larae, les mêmes qui ont parlé à Than sans connaître sa vraie nature. Elles se détournent, cherchant à éviter la guerrière.

Oh, des pèquenaudes à qui je fais peur. Quelle originalité. Si j’avais été sympa, je les aurais pas embêtées pour ne pas les faire trouiller encore plus. Mais, ô surprise, je suis pas quelqu’un de sympa. « Eh ben quoi, z’avez jamais vu d’elfe de votre vie ? » Bon, au milieu de nulle part, c'était même encore possible en plus. Sauf si, comme sa piste le suggérait, j'avais un frangin qui était passé dans le coin.

"Non jamais !"
Et elles s'enfuient en courant, probablement en train de comprendre que la rôdeuse qui les avait interrogées était aussi une elfe noire venue pour le forgeron. Elles se précipitèrent voir les villageois les plus costaux pour chercher protection.

Pèquenaudes trouillardes inutiles. C’est pas avec ça que j’allais avancer, moi. Oui, je regrettais décidément les méthodes plus expéditives et ô combien plus efficaces que j’utilisais au front. Bon, sans regretter le front en lui-même : la boue, le sang et le status quo, ça va bien un siècle ou deux, mais faut pas pousser. Bon, il y avait pas un maréchal-ferrant dans ce bled ? Généralement ils voient passer pas mal de monde aussi.

Sans gêne, Than fouille la demeure du forgeron, aka son père, et sans attendre l'arrivée de sa tante.

Je repassai chercher mon cheval, toujours sagement attaché devant la taverne, avant de partir en quête du maréchal-ferrant. Un nouveau ferrage lui ferait pas de tort. Une fois le maréchal au boulot, nouvelle tentative de collecte d’informations : « T’as pas vu passer un elfe appelé Stej dans le coin ? Grand comme ça, yeux bleus, quelques cicatrices ? » Silence. « Moui. » Quelle éloquence. « Et ? Tu sais où je pourrais le trouver ? » Silence pour de bon cette fois. Pas bavard le bonhomme. « Oh, Stej ? Sa forge est à l’orée de la forêt, par là. » Enfin un pèquenaud utile, merci le passant. Mais le Morpion, dans une forge ?!

La forge est une forge… à première vue. Rien de personnel ne ressort, à croire qu'il s'agit de la couverture d'un assassin. En fouillant davantage, Than trouve une armure dévastatrice, pas une de ces choses dorées d'apparat mais une vraie armure en cuir qui a connu les coups de couteau. Elle en siffle d'admiration mais son familier l'interrompt en lui disant que sa tante se rapproche. Than décide donc d'endosser l'armure et d'équiper les couteaux. Reste à cacher la face.

Tiens, porte de la forge ouverte. Le Morpion serait donc chez lui ? Je frappai une fois à la porte et n’attendis pas de réponse avant d’entrer. Si l’armure qui me faisait face était indéniablement celle du Morpion (bien qu'un peu modifiée depuis notre dernière rencontre), soit le Morpion avait grandi et cessé de se tenir à moitié avachi même debout, soit c’était pas le Morpion dans l’armure. Et j’avais ma petite idée de qui avait bien pu prendre sa place. Je m’adossai au chambranle de la porte, les bras croisés : « Ca va, tu t’amuses ? » Les mioches, j'vous jure.