Rappel du premier message :



J'aime bien l'odeur qu'il y a ici, celle des parchemins et des livres. Au prieuré, il n'y avait qu'un livre qui méritait d'être lu - notre sainte Bible - et mes partitions de musique. Ici, dans la grande bibliothèque de Moscou, il y en a tellement plus ! Une vie ne suffirait pas à les lire tous. {Fort heureusement Trésor, tu as bien d'autres choses à faire.} Mais tu n'es pas contre que je sois là ? {Non, même si je préférerai que tu te reposes en dormant... la nuit a été longue.} Je sais. J'avais bien remarqué les cernes visibles ce matin dans le miroir, à patrouiller la nuit entière sans repos, mais la piste s'était définitivement perdue au lever du soleil. Et j'avais entendu Vadim se moquer de moi pendant ma filature, ce qui m'avait déstabilisé et fait manquer mon suspect.

Ils viennent de plus en plus souvent, quand je fatigue. Le Malin doit savoir quand je suis moins vigilent pour me les envoyer me tourmenter et je refuse qu'une de ses ruses m'empêche de bien accomplir mon devoir. Alors je suis là, parmi les livres, à chercher si d'autres ont déjà été tourmenté par les morts avant moi. Et je pense avoir trouvé quelques réponses dans cet ouvrage... Je suis tellement absorbé par ma lecteur que j'en ai oublié de prendre place sur une chaise et reste assis à même le sol. Puis, il n'y a personne dans ces rayons et Sveta ne me le reproche pas.

Voilà qui explique bien des choses.
"Ne t'en fais pas. Ce n'est pas son genre de faire confiance à ces institutions. Le secret professionnel, elle le respecte vraiment. Tu me fais confiance ?"

La confiance ? Les mises en garde de Pasha sur l'amitié me reviennent et une fois encore, il avait raison. "Toi oui. Elle non." Il n'y a qu'en Dieu, Sveta et les prêtres en qui je fais confiance. Même mon ancien mentor, j'ai appris à ne pas me reposer entièrement sur lui (et il n'aime pas ça en plus). "Je ne suis pas fou Max... c'est si dur de me croire ?"

Hum, il est encore sur la défensive. Que faire pour réintégrer sa confiance.
"Je crois surtout que ce sont tes mauvais souvenirs qui refont surface. Tu les as caché dans une boîte de ton cerveau mais ils veulent sortir malgré tout. Et je pense qu'un véritable guérisseur peut t'aider."
Bon, je vais lancer ma carte maîtresse.
"Elle m'a sauvé. Sans elle, je ne serais plus de ce monde. Crois-tu qu'une telle personne soit indigne de confiance ? Elle aura des réponses."

"Je ne suis pas malade" grincais-je des dents, les sourcils froncés. "Un guérisseur ne peut rien faire contre des âmes envoyées par le Malin, seule la foi le peut." {Calme-toi Trésor, je te sens repartir.} J'inspire profondément, me calmant. "C'est Dieu qui m'a toujours sauvé, pas la science."

Dieu n'existe pas. Sinon, ce monde serait différent. Il me court sur le haricot, là.
"Et tu crois trouver Dieu dans ce genre de bouquin ? En écoutant la magie ? Tu es totalement à côté de la plaque. Reste avec tes fantômes et tes tourments si tu n'as pas capable d'accepter mon aide !"
Et je me lève pour le laisser là. Môsieur est de mauvais poil, je le laisse TOUT SEUL.

Quoi ? Tout va si vite, je n'ai pas compris. Juste que Maksim est un colère, qu'il me crie dessus. {Trésor ?} Sveta le sait, la crise monte. Je la sens, la panique, venir. Et si Max ne voulait plus me voir ? S'il me pensait vraiment sans espoir ? Un bruit étranglé se coince dans ma gorge quand ma respiration se bloque un instant puis reprend trop rapidement. Ma vision se fait floue mais je me refuse de pleurer, un homme ne pleure pas, et Maksim me détestera encore plus.

Je suis irrité, agacé, furieux même. Klyde est vraiment une tête de pioche quand il faut pas. Je suis sur le point de le laisser ruminer dans son coin quand j'entends sa respiration se bloquer et faire des bruits bizarres. Je me retourne, près à l'aider.
"Qu'est-ce qui t'arrive ? Ça va ? Pourquoi tu pleures là ?"

{Je suis là, avec toi Trésor, je ne t'abandonnerai pas.} Jamais ? {Jamais. Je veillerai sur toi, toujours. Respire maintenant Trésor, respire. Je suis là.} L'Ange me berce et c'est bien le seul ancrage auquel je m'accroche. Je distingue encore la forme de Maksim mais s'il me parle, je ne l'entends pas. Il n'y a que mon souffle, mon cœur qui bat à mes oreilles et la douce voix de Sveta. Ma poitrine me fait mal, je dois me calmer. Je serai incapable de bien réagir si on m'attaquait et c'est dangereux.

Il ne réagit pas à ce que je dis. J'oublie parfois qu'il est si sensible. Je tente de placer ma main sur sa poitrine, c'est une astuce de ma mère pour calmer ses patients. Je m'en rappelle. Je pose mon autre main sur son front.
"Inspire, expire, inspire, expire. Tout doucement."

Une chance que je suis resté conscient quand il m'a touché ou j'aurais pu l'étrangler lui aussi par réflexe. Pasha me tuerait sûrement si je le surprenais ainsi. "M-max ?" Parler est difficile alors j'abandonne et essaye de suivre ses conseils. Il aime ça, quand je lui obéis. Mes poumons et ma gorge me brûlent maintenant et il faut un moment pour que ma respiration paraisse moins précipitée.

Il faut du temps mais la crise finit par passer. J'ai tellement honte de cette réaction incontrôlée que je n'ose le regarder. "Merci" dis-je simplement d'une voix enrouée. Il faudrait que je rentre maintenant. Que je me lève, laisser le livre aussi. Et prier. Réellement. Comme à la chapelle autrefois. "Ma faute, pardon."

"Non, c'est ma faute, j'ai réagi de façon disproportionnée… Un bon repas, ça te dit ? Il y a un marché dans la rue. On pourrait s'acheter de quoi manger et s'assoir dans un lieu tranquille, t'en dis quoi ?"
Et on ne reparle plus de ses fantômes. J'attendrais qu'il vienne me demander de l'aide.

Je hoche la tête. Manger est une bonne idée, je reprendrai des forces. J'arrive à me lever seul et repose mon ouvrage à sa place, la tête basse. Ma courte nuit et cette crise m'ont épuisé, ma cage thoracique me lance. "Oui." C'est tout ce que j'arrive à dire. Savoir qu'hormis le secret des Guides, il y a des choses dont je ne peux parler avec mon ami me peine et me gêne plus que cette douleur. Il n'y a donc qu'avec Lui et Pasha que je peux librement me confier sans jugement. Pourquoi ça fait mal ?

Je pose mon livre dans son rayon avant de précéder Klyde vers la sortie de la bibliothèque. Une petite enseigne propose des pommes de terre fourrées, c'est peu raffiné mais bon et nourrissant.
"Qu'est-ce que tu veux, Klasya ?"

"Comme tu le veux, je n'ai pas de préférence." Et je ne veux pas faire un choix qui ne lui convienne pas, il ne semble plus m'en vouloir pour le moment. "Et je ne connais pas vraiment ce coin." Le quartier de la bibliothèque est trop riche pour moi et hors de ma zone.

Rhaaaa mais fais donc un choix ! Personne ne va te manger, toi ! Ce qu'il m'énerve quand il hésite comme ça ! Bon, ne le brusquons pas, je choisis un bon truc et on passe à autre chose. À côté de nous, certains vendent des fruits. Peut-être qu'ajouter des pommes serait une bonne idée. Je vais lui prendre du halva, il doit aimer les sucreries.
"Tiens, veux-tu un quelque chose sucré avec ?"

Les mains pleines d'une brioche fourrée à la viande, je garde les yeux un peu partout sur la foule quand il me reparle de nouveau. "Oh oui !" La réponse m'échappe. "Et je te dois toujours un thé d'ailleurs, on ne l'a pas pris la dernière fois. Comment va ta jambe ?"

Il donne presque l'impression que sa crise n'a pas eu lieu. Tant mieux, j'imagine. Laisse-le venir, Max, laisse-le. J'achète les pommes et le halva.
"Ma jambe va bien, je m'en occupe bien comme tu vois. Et je n'ai pas oublié pour le thé. Prenons ce banc là-bas, il a l'air bien."
Espérons qu'aucun vieux ne viendra nous le piquer !

"C'est bien de se soigner correctement, ça évitera les complications dans ton métier." Lui au moins est plus soucieux de sa santé qu'un certain rouquin... Le coin est calme, la vue est dégagée, la brioche est savoureuse. "Je suis encore désolé, pour la bibliothèque..." commençais-je.

Ma pomme de terre fourrée est plutôt bonne et bien chaude, j'espère que Klyde apprécie sa brioche tout autant. Mais voilà qu'il me bassine avec ses excuses.
"Ne sois pas désolé. C'est oublié. Dis-moi plutôt si tu as à nouveau chanté pour te divertir ou te faire de l'argent."

Oublié ? J'en doute. "Non. Pas depuis non. Je n'ai pas trouvé d'autres commanditaires." Et je ne cherche pas vraiment à vrai dire. "J'ai eu assez d'argent pour tenir un moment au cas où je ne trouve pas."

À bien le regarder, je lui trouve mauvaise mine. Est-ce que ce sont ses cernes ? Fait-il des insomnies ?
"Bah, ce n'est pas grave. L'important c'est que tu ne sois pas dans le besoin et que tu dormes bien. L'hygiène de vie est primordiale. Combien de temps, dors-tu ?"
J'attends la réponse, je suis sûr qu'il dort mal !

Heu.... "Pas beaucoup. Vadim m'a perturbé et je n'ai pas réussi à trouver le sommeil après." Il veut m'aider mais en ignorant les voix, je ne pourrais pas lui en dire plus. "Pardon, tu veux oublier. J'ai eu du mal cette nuit et les crises m'épuisent."