Fedor avait commencé les entrainements du jeune Maksim et pour le début il avait opté pour un renforcement musculaire léger. Pas question d'en abuser avant sa croissance. Mais les bases doivent lui être donnée jeune pour qu'il puisse s'entrainer seul sans se blesser.

Les rencontres suivantes il lui avait expliqué les bases du combat. Rien n'ayant trait au Stenka dans l'immédiat. Juste les principes qui régissent toute forme de combat. La différence entre réflexe et temps de réaction. La gestion des distances. La force, l'agilité, la rapidité et la précision. C'est long, mais ce sont des bases importantes pour plus tard. Il a noté dans un carnet pour le petit, sa morphologie d'adulte définira le style de combat qu'il pourra adopter plus tard.

Les voilà dans le jardin pour un entrainement au Stenka. Le premier réel, mais le petit est déjà plus affuté qu'avant. Les choses font se compliquer aujourd'hui. Fedor a un objectif afin de jauger la capacité du jeune. C'est rude, mais c'est comme ça que ça se passe en Sibérie. Fedor attend que le petit arrive en regardant le ciel qui est encore couvert, mais la pluie ne devrait pas les déranger. Maksim est censé revenir d'une petite course d'échauffement.

Maksim s'appliquait patiemment aux exercices de préparation de Fedor, l'enfant se sentait déjà glorifié d'avoir des leçons personnelles là où les autres garçons étaient laissés à eux-mêmes. Il faisait son tour d'échauffement sans trop rechigner. Son intuition lui disait que le cours serait particulier, une prochaine étape ! Il n'attendait que la mise en pratique !

Fedor regarde le petit bonhomme arriver plein d'impatience et sourit malgré lui. Il se souvient avoir été aussi impatient. Comme tous les jeunes de son âge. Puis il y a deux groupes qui se forment. Ceux qui sont fait pour ça. Et les autres.

"Approche Maksim." demande Fedor du haut de sa silhouette large et de géant. D'autres hommes sont plus grands que lui, plus larges, plus lourds. Mais rares sont ceux qui ont sa stature et sa capacité à se mouvoir rapidement. Son cardio est aussi au delà de la normal, principalement le résultat d'un dur labeur.

"On commence par une question. Pourquoi tu veux devenir plus fort ?"

Max réfléchit bien à sa réponse. Du haut de ses sept ans, il avait suffisamment d'intelligence pour essayer de comprendre ce qu'il devait dire pour obtenir ce qu'il voulait.
"Pour survivre et protéger les faibles."

Fedor fronçe les sourcils. "Je te demande tes raisons. Pas les miennes alors que je suis un adulte. A ton âge jamais je n'aurais répondu ça si on m'avait posé la question."

Max croisa les bras sur la défensive, comme la fois où Fedor lui avait fait remarqué la couleur de ses yeux.
"T'as toujours été grand et fort, tu peux pas comprendre. J'ai vraiment besoin d'être fort parce que tout le monde se moque de moi et même que je fais peur."
Le petit Max avait bien menti en prétendant vouloir protéger les faibles mais il disait la vérité quand il parlait de survie.

"Ca me parait mieux comme réponse déjà." dit Fedor qui n'aime pas qu'on lui mente. Vraiment pas. "Tu sais qu'elle est la base du Stenka ?" demande-t-il ensuite. "Qu'est-ce qui est le plus important dans le Stenka ? Si tu devais retenir une chose ?" question difficile pour un gars de la ville où le stenka est pratiqué mais de manière beaucoup moins intense et populaire.

Max se détendit et réfléchit à la nouvelle question.
"La force des pieds ? Faut pas tomber ?"

"Non. Le Stenka, c'est la force du groupe. Tu formes un mur avec tes camarades et tu veilles sur toi bien sûr, mais aussi sur eux. Personne n'obtient la victoire par lui même lors d'un combat." explique Fedor en rappelant qu'avant tout le Stenka est un combat de groupe. "Déjà trouve des gens qui ne se moquent pas de tout, les ignorants ont peur. Mais une fois qu'ils te connaitront alors ils n'auront plus peur. Moi aussi je faisais peur, sauf que personne ne se moquait en effet. Mais c'était dur de savoir qui était mes vrais amis. Toi tu sauras vite. C'est aussi une force."

Max était bien embêté par la réponse car il espérait pouvoir s'affranchir de ce groupe qui le maltraitait. Il ne voyait pas en quoi voir ses vraies amis était une force au risque fort probable de ne pas en avoir du tout.
"D'accord."
Comme il n'avait pas d'arguments solides pour contrarier son professeur, il ne le fit pas. Il apprendrait le stenka et aviserait ensuite.

"Maintenant je comprends que ton but n'est pas d'apprendre le Stenka.  Parce que c'est avant tout une façon de se battre en groupe, même s'il existe des combats singuliers. Tu veux apprendre des techniques pour dominer tes adversaires qui sont généralement plus nombreux que toi. J'ai bon ?" demande Fedor au petit. "Je suis prêt à le faire, mais il faut d'abord que tu comprennes certaines choses concernant la violence et son usage. Tu t'es déjà battu ? Tu as gagné ou perdu ? Tu as pris beaucoup de coups ?"

Maksim était mal à l'aise parce qu'il ne voulait pas avouer qu'il s'était battu alors que son papy et son père le lui avaient interdit.
"Oui... Parfois je gagne !"
Sur un malentendu, ça arrivait, surtout si c'était un groupe de son âge qui avait décidé d'imiter un plus âgé. Il arrivait que Max attaquât le premier parfois. Quand il avait de la chance, ces derniers fuyaient avant le début. Et ensuite, il faisait de son mieux pour cacher ses bleus.

Fedor ne savait plus trop quoi conseiller au petit, sans doute qu'il était temps de passer à la pratique. Il commença par des cours sur comment tenir sa garde et comment gérer la distance avec son adversaire avec un bon jeu de jambe. "Tu comprends l'important pour toi c'est d'esquiver autant que possible, sinon il faut absolument parer les coups. Pour ça il faut un bon temps de réaction." Il lui demande de se mettre en garde et simule des attaques que le petit doit esquiver, ou parer quand il n'a pas le temps de reculer. Fedor est rapide, mais n'utilise pas son allonge bien évidemment.

Esquive, esquive, esquive, parade, esquive, esquive, parade, esquive, esquive, esquive, esquive, parade. Le petit est rapide et ne semble pas se fatiguer. Tant qu'il se contente de cela, tout semble aller bien, il est même possible de sentir une certaine habitude.
"C'est quoi la suite ?"
Ce que le garçon veut c'est rendre les coups.

Le petit est doué, c'est sûr. Vif et relativement à l'aise avec les distances. Il réclame déjà la suite. "La suite c'est comprendre pourquoi parer n'est que l'ultime recours contre un adversaire plus lourd que toi." explique Fedor en se redressant de toute sa taille. Jusqu'à présent il était dans une garde très basse avec une allonge limitée pour facilité l'entrainement du petit. "Tu sais parer de vrais coups ?" demande-t-il à l'enfant. Parce que pour le moment il n'avait bien évidement pas porté ses coups.

Fedor avait touché juste car si Max était très doué pour esquiver, il voyait aussi ce geste comme un aveu de faiblesse et préférait surenchérir. Le garçon n'avait pas bien compris le mot "ultime" mais il devinait que la réponse le plus sage à la question était "non". Il hocha négativement la tête, il ne se voyait pas du tout parer le coup du géant. Un enfant de trois ans son aîné peut-être…

"Il faut tenir ta garde fort tout en continuant ton mouvement d'esquive, ça sert à accompagner le coup." il se met en position d'attaque. "Essaie d'esquiver hein. Mais tu vas échouer tôt ou tard et il faudra parer. Prêt ?" demande-t-il. Quand le gamin semble prêt il lance une série d'attaque rapide avec toute son allonge. C'est violent. Il ne porte pas vraiment les coups, pas comme s'il chercher le KO. Résultat il est plus vif, beaucoup plus vif. Son jeu de jambe lui permet de garder l'enfant dans sa zone de contrôle et ce dernier ne peux pas esquiver indéfiniment. Tôt ou tard il connectera. Un coup qui semblera lourd au petit.

Maksim tentait bien de quitter la zone de contrôle de son professeur mais ses jambes étaient trop courtes, c'était de la triche ! Et Max n'avait pas une seule fois dans sa vie été attaqué physiquement par un adulte, fort heureusement ! Max eut tout juste de se protéger contre un coup avant de le subir.

La frappe n'est pas ce que Fedor peur faire de plus puissant, loin de là. Mais c'est déjà suffisant pour enfoncer la garde pourtant parfaite du petit. Le poing du colosse s'écrase sur le sternum de Maksim. L'air est soudainement expulsé de ses poumons et il se plie en deux. C'est un mouvement réflexe et naturelle. Fedor se redresse et regarde le gamin chercher de l'air sans pouvoir en trouver temporairement. Rien de grave en fait mais la sensation est effrayante la première fois.

J'ai mal, de l'air !
Maksim n'avait pris de coup au sternum, surtout aussi violent et implacable. Si cela vous est déjà arrivé, vous comprenez, sinon tant pis pour vous. Quand l'air réintégra ses poumons, le garçon se releva, l'air sérieux.
"Comment je fais pour mieux parer ?"

Le gamin connait la douleur et n'en a pas peur plus que nécessaire. C'est une bonne nouvelle pour un petit qui veut apprendre à se battre. Il y a le fantasme du combat d'un côté et la dure réalité de l'autre. Pour joindre les deux ils faut des gens qui acceptent d'avoir mal. C'est aussi simple que cela.
"Deux méthodes, la plus naturelle, il faut accompagner le coup, ça réduit l'impact. La moins intuitive.... la plus compliquée, tu avances sur l'attaque pour éviter que le coup prenne toute la vitesse prévue. On commence par la première. Je te montre, frappe moi."

Maksim n'avait pas compris la description de la deuxième solution mais il se dit qu'en pratiquant il comprendrait.
"D'accord !"
Le garçon s'avança vers Fedor, la garde relevée comme si son professeur allait le prendre en traître (on ne savait jamais !) puis frappa de son petit poing avec toutes ses minuscules forces juvéniles.

Fedor ne monte pas de garde, il attend le coup venir et ne bouge pas d'un pouce. Le petit sent clairement l'impact de son coup. "Continue" dit Fedor qui se laisse faire pour que le petit ressente l'effet d'un coup standard. Puis il esquive partiellement le dernier coup son mouvement n'est pas vraiment une esquive, c'est juste qu'il accompagne le coup. Résultat le petit sent bien que l'impact est moindre. Un partie de son énergie n'est pas transmise dans sa frappe. "Tu as senti la différence ?"

En effet.
"Oui, les deux ne t'ont pas fait mal. Et le second coup encore moins."
Max était un tantinet jaloux de cette résistance et se demandait si la couche de muscles n'était pas lié à cette résistance ou si c'était plutôt sa faiblesse d'enfant qui en était la cause ou les deux à la fois.

"Maintenant on passe à la seconde option. Elle est importante pour toi parce que tu es vif et qu'elle demande des gens rapides avec un temps de réaction court..... ce que je veux dire c'est que tu as l'œil et que tu réagis rapidement." explique Fédor qui a du mal avec le vocabulaire non technique. "L'idée c'est de devancer le coup. Continue de frapper tu vas encore sentir la différence."

Il prend le temps de lui apprendre les choses les plus importantes, se protéger. Les enfants veulent souvent savoir comment lancer un coup de poing qui fait mal. Mais contre un groupe il faut aussi savoir se protéger. Les deux sont importants.