Rappel du premier message :



Une douce musique de piano s'élevait de la petite cour. Coincée entre d'autres bâtiments, elle se trouvait à l'abri de la circulation de la ville et des oreilles indiscrète ; à l'ombre du grand chêne qui y trônait, Rosario se sentait suffisamment courageux pour laisser s'élever sa voix.




La meute s'était regroupée autour de lui et de la petite radio qui diffusait la musique. Il chantait de mémoire cette chanson qui parlait à son âme, et aux tourments qui l'assaillaient. Sua Mamma lui manquait, mais il avait eu une récente dispute avec son père et refusait de plier en visitant le domicile parental.




Encore une fois, il déplorait le choix de sa mère. Même si un autre aurait aussi signifié qu'il ne serait pas là. Stss... La situation l'agaçait prodigieusement. Donc au lieu de laisser éclater sa rabbia, il chantait ce qu'il avait sur le cœur.


Alors qu'il terminait la dernière note, le silence le surprit. C'était une soirée calme, un dimanche de grisaille. Peut-être avait-il chanté un peu trop fort, s'il avait voulu rester discret.

Ce ne fut pas les paroles railleuses qui le firent grogner ; il l'avait entendue, merci bien, il avait des oreilles. No, cazzo ! Elle sentait le sang frais. Un jappement de Puttilupo renvoya Sorellina à l'intérieur de la Tanière tandis que Rosario continuait tant bien que mal à chanter.

Mais l'émotion n'était plus accordée aux paroles : sa voix portait bien trop de tension, et tellement della sua rabbia.

Mais il la tint en laisse. La femme sentait le sang. Elle envahissait par deux fois sa Tanière ; il devait à sa Meute d'appréhender l'intruse avec l'esprit clair. Son museau épais ne s'en leva pas moins vers elle en dévoilant ses crocs.

A la moquerie qui continuait malgré son avertissement maîtrisé, Rosario faillit perdre totalement les rênes della sua rabbia. Il fit rouge pendant une demi-seconde et s'entendit gronder dans une férocité sauvage comme s'il se trouvait loin, très loin de son corps. La voix de Natalia qui le retenait habituellement s'était tarifiée jusqu'à un murmure, et il devinait qu'il était sur le fil du rasoir.

Son grondement s'accentua encore et ses babines se retroussèrent sur toute la longueur de ses crocs. A ses côtés, Puttilupo et Vulcana avaient l'échine hérissée et joignaient leurs échos à sa menace. "Que veux-tu, signora ? Sento il sangue." Sa voix était hachée par son état d'énervement mais Rosario luttait contre la sua rabbia qui emplissait sa vue di rosso. Il était plutôt fier de sa retenue.

"Stai zitta !!"

Le hurlement s'était échappé de sa forme compactée della sua rabbia. Rosario ne maîtrisait plus grand chose. Il comprenait juste qu'il ne supportait plus le ton moqueur della signora, d'autant plus quand elle usait de sa langue bien aimée.

Il bondit soudainement, notant distraitement que son poids avait brisé quelques tuiles qu'il devrait réparer. Son ombre immense se dressa devant l'intrusa et il gronda d'autant plus fort, montrant la longueur blanchâtre de ses crocs. "Non riguarda affatto te, vai via!"

Rosario haletait littéralement de rage. Il voyait rouge et ses griffes tressautaient inconsciemment sur le toit, brisant de nouvelles tuiles au passage. La nouvelle insulte le fit gronder encore plus et il redressa son ombre immense, les muscles tendus. "Vai via !" répéta-t-il difficilement. Sa mâchoire était plus que serrée !

Une oreille tiqua, signe d'incompréhension. Mais Rosario n'avait plus aucunement envie d'user de la parole pour échanger plus d'ineptie avec cette femme qui ne cessait de le prendre de haut. Il se retrancha donc dans un long grondement qui découvrait ses crocs.

La menace lui fit coucher les oreilles dans un mouvement d'humeur mais il se retint de lui sauter après. "C'pas comme si t'étais venue au restaurant, signora..." bougonna Rosario avant de s'ébrouer et de bondir dans sa cour où il redevint humain. La sua rabbia courait toujours sous sa peau. Mais il ne comptait pas donner raison à l'enfoirée qui l'avait dérangé en pleine nuit en la laissant gouverner ses décisions. Non, il ne lui courrait pas après. Direction dodo.