Rappel du premier message :

Le noir.

Et beaucoup de poussières.

La jeune femme toussota pour l'expulser hors de sa gorge. Sa voix résonnait. Ruf se crut aveugle, rien n'était discernable et ce n'était pas la faute des larmes. Elle avait aussi terriblement mal aux bras et aux jambes qui avaient cogné si fort le plancher. Son dos et ses épaules étaient sauves. Elle tourna la tête pour comprendre pourquoi. Et pourquoi les gravas qui bloquaient la lumière d'en haut l'avait épargnée.

"Je suis né avec, et ensuite je me suis entrainé, j'étais soldat. Avant." dit-il alors. "Mais je pense que je ferais un meilleur médecin." ajoute-t-il ensuite.

Plus il avance et plus il pense être dans un tunnel, sauf que ça ne dit rien à la nonne. La LR ? ou quelque chose de plus ancien ? "La LR utiliserait pas des tunnels ?" demande-t-il pour tester les connaissances de la nonne à ce sujet. Elle devrait savoir où les démons tentent de se cacher ? Enfin pas où précisément mais le genre d'endroit.

Il était soldat et maintenant il veut devenir médecin ? Soldat n'était pas la profession la plus enviable. Ruf n'idéalisait pas les soldats, elle ne l'a jamais fait de sa vie. La violence ne résolvait rien selon elle et empirait les choses. ce qu'il fallait selon elle était l'Amour, calmer la folie par la parole. Mais médecin était une voie bien plus profitable au monde. Une question interrompit ses pensées.
"Qu'est-ce que la LR ?"
Ruf ne prêtait pas l'oreille aux rumeurs.

"La résistance, les zootropes." Il n'utilise pas le terme démon bien entendu. Jamais il ne le fera. A priori. La vie lui a appris à ne jamais dire jamais. Mais il continue. "Des gens qui n'apprécient pas forcément les religieux." ajoute-t-il histoire de mettre les choses au clair. Il continue d'avancer en tâtant les murs. Il cherche. Il sait qu'il va trouver tôt ou tard, c'est une question de logique. A moins que les tunnels ne soient plus utilisés depuis longtemps. C'est pour ça qu'il garde ses espoirs pour lui et ne les partage pas.

"Zootrope", le terme que les scientifiques utilisaient pour parler des gens qui se transformaient en animaux, qu'est-ce que cela venait faire ici ? Les gens ordinaires criaient plutôt au démon. Et surtout, pourquoi penser d'emblé aux démons ? Il pouvait tout aussi bien s'agir d'un tunnel… de voleurs.
"Nous ferions mieux de rebrousser chemin et d'attendre les secours. On doit s'interroger sur notre absence et le trou dans le plancher."

"Comme tu veux." il ne lui jette pas la pierre, si la résistance emploie ces souterrains alors elle serait en danger. "On n'est pas encore pressé par le temps." la faim ne sera pas un facteur, par contre la soif deviendra une raison de bouger si les secours ne viennent pas les sauver. Il fait demi-tour sans chercher à aller plus loin. "Espérons qu'ils déblaieront rapidement les décombres, sinon le manque d'eau va nous poser des problèmes à terme." explique-t-il pour qu'elle est une idée de la situation.

Pourquoi parle-t-il du pire ?
Ils n'en étaient pas encore là. Les autres sœurs avaient bien dû s'inquiéter de son absence, elles attendaient des légumes et Ruf ne manquait jamais à l'appel. Une fois revenus sur place, ils pouvaient entendre du grabuge à l'étage mais difficile d'interpréter quoi que ce soit.
"Mes sœurs !" tenta Ruf d'un voix bien trop timide pour un appel à l'aide.

A l'étage il y a du mouvement, difficile de savoir quel genre de mouvement. Sans doute des gens qui essaient de déblayer les décombres. Peu de chance que ce soit une émeute, quel miséreux profiterait du chaos pour s'en prendre à des religieux. Dans un autre pays peut-être, mais pas ici. La nonne donne de la voix. Enfin elle essaie. C'est.... distrayant ? En attendant le voilà inactif. Ce qu'il n'aime pas particulièrement mais il ne peut pas laisser la jeune femme seule. Il n'a pas été élevée comme ça.

Ruf ne retenta pas. À quoi bon ? Elle voulut s'asseoir mais ne savait pas où elle pouvait le faire sans manquer d'écraser un insecte ou se blesser avec un clou rouillé. Il leur faudrait de l'eau et une meilleure lumière. En silence, Ruf joignit ses bras et commença à reciter pour elle un psaume. Elle le garda pour elle afin de ne pas importuner l'inconnu avec son chant.
"À propos, comment vous appelez-vous, monsieur ? Vous pouvez m'appeler sœur Ruf."

Fedor hésite a tenter le coup lui aussi, il a forcement plus de coffre que la petite. Mais il ne veut pas interrompre sa prière. Ca ne serait pas poli.

"Fedor." répond-il en prenant note : soeur Ruf. Il inspire un bon coup. Et sa voix gronde comme le tonnerre alors qu'il lève la tête vers le plafond. "A l'aide !" crie-t-il de toute la force de contenu dans ses poumons. Pas de réponse.

"Je crains qu'ils ne puissent m'entendre pour le moment." Et s'il ne parvient pas à les atteindre, elle non plus évidemment. "Enchanté de te connaitre."

"Enchanté de vous connaître, monsieur Fedor."
Au dessus de leurs têtes, les bruits se firent plus bruyants, des bruits de chocs, de déplacements, peut-être l'espoir de quelques secours.

"Fedor, le monsieur n'est pas nécessaire, sœur Ruf." précise le géant de sa voix toujours aussi sereine. Il regarde au dessus de lui et se recule quand même pour être à l'entrée du tunnel. Tout pourrait s'écrouler sur eux. "Je suggère de ne pas rester sous cet amas de décombres qui pourrait s'effondrer sur nous." ses yeux ont commencé à s'habituer à l'obscurité et il distingue un peu mieux la silhouette de la petite nonne

Ruf ne trouvait pas poli d'appeler un inconnu par juste son prénom, surtout si cet homme lui avait sauvé la vie. Suivant ses conseils, elle s'éloigna mais dans la direction opposée, elle ne lui faisait pas encore totalement confiance, surtout en repensant à ses étranges propos sur les zootropes. Il pouvait essayer de la piéger. Un des enfants dont elle s'occupait était zootrope et il ne fallait surtout qu'elle l'ébruitât à qui que ce fut, même par accident.

Elle se met à couvert ce qui est une bonne chose mais loin de lui. Il y a une soucis, par acquis de conscience il renifle sa chemise. Non il sent bon le savon comme toujours. "Un problème avec moi ? Je ne pourrais pas t'aider si tu es loin de moi." explique-t-il un peu déçu. Ou alors elle dispose d'un moyen de savoir qu'il est un zootrope ? Une nouvelle technologie qu'il ne connaît pas. Et elle se tient éloignée parce qu'elle a peur de lui ?

Isolée, seule avec un inconnu, un homme qui pourrait aisément prendre le dessus sur elle s'il lui en prenait l'envie. Comment pourrait-elle avoir de problèmes ?
Elle avait pourtant fait des efforts pour engager la conversation et passer outre son traumatisme mais il devait flairer sa peur.
"Non, il n'y a aucune problème, voyons. Je pense juste que je vous ai attiré suffisamment de problèmes."
Ce qui n'était pas faux, s'il ne l'avait pas suivi il ne serait pas tombé également.

"Maintenant que j'ai eu des problèmes ça serait dommage que cela n'ait servi à rien parce que je suis trop loin pour t'aider." fait-il remarquer. "Mais c'est comme tu préfères. J'aurais proposé mon aide en toute bonne foi au moins." il hausse les épaules et se pose contre le mur du couloir. Les religieux sont dangereux, même les nonnes à l'aspect inoffensif. Sans doute qu'elle serait la première à le dénoncer à la Milice si elle savait.

"Dieu y pourvoira, ne vous en faîtes pas pour moi."

Au dessus, ça commençait à s'agiter. Le plafond commençait à trembler et de fins débris à en tomber.

"Je n'aurais peut-être pas du courir pour te sauver la première fois alors. Dieu y aurait pourvu" dit-il calmement. Les religieux et leur foi aveugle et stupide. Les prières n'ont pas sauvé ses camarades, dieu n'a pourvu qu'au salut de leur âme.. peut-être. Il commence à regretter son acte réflexe. Les religieux sont l'ennemi, pourquoi avait-il sauvé cette nonne ? Parce qu'elle a l'air innocente ? Il faut qu'il se mette dans la tête qu'à Moscou la vie est loin d'être aussi simple qu'en Inde.

Sentait-elle une pointe d'amertume dans sa voix ?
"Avez-vous eu des regrets dans la vie ? Des pertes peut-être ?"

"Mes amis, mon unité, ma famille." des pertes il en a eu. Plus qu'il n'en faut pour une seule vie. Mais il n'en a pas fini avec les combats. Sinon il ne serait pas venu à Moscou. Siège du Vatican. Lieu où le vrai Diable réside. "Des gens qui n'avaient pas peur de moi." Il est grand, les gens s'écartent naturellement de lui dans la rue, il a l'habitude, mais c'est toujours bien d'être avec des gens à qui il ne fait pas peur.

Si les gens pouvaient surmonter leurs traumatismes en un claquement de doigts ce serait le meilleur des mondes mais ce n'était pas le cas et Ruf n'allait pas réconforter le gaillard en le prenant dans ces bras après une reproche déguisé.
"Ils sont dans un monde meilleur, désormais."

Dans un monde meilleur, sans doute. Celui promis dans la bible. Le prêtre du village était un type bien et le paradis de la bible semble en effet être un monde meilleur. Le problème c'est que la bible ne parle pas des zootropes, il a donc fallu qu'un homme décide. Et il a décidé que les Zootropes étaient des Démons. Désormais tout le monde les chasses, au mieux se méfient d'eux. Les ignorants se laissent dévorer par la peur et les huiles du Vatican dominent le monde en exploitant cette peur. Elle a peur de lui pour une raison qu'il ne comprend pas.

Il était difficile de cerner quelqu'un qu'on ne connaissaient que depuis quelques minutes. Ruf pensait qu'il devait laisser son aigreur de côté et se laisser guider.
"Nous ne pouvons pas tout contrôler dans notre vie, il faut savoir lâcher prise quand cela est nécessaire, tenta-t-elle un peu à l'aveuglette.
Des débris se soulevèrent, d'autres tombèrent du sol et la lumière filtra enfin à travers les trous.
Enfin !

Lâcher prise quand c'est nécessaire. C'est ce qu'il a fait. Il est parti sur la route et à lâcher prise. Il a rencontré de nombreux artistes martiaux. Des maîtres à penser avant d'être des guerriers. Enfin pour la plupart. Mais il n'a pas oublié pour autant. "C'est ce que je fais ma sœur. Et toi ? Pourquoi as-tu peur de moi ?" qu'il demande directement.

Pourquoi fallait-il qu'il pose une question aussi directe et aussi inconfortable ? La sœur n'avait pas envie de sortir du lot avec sa peur des hommes. Et s'il allait le répéter en haut ou l'effrayer davantage par un comportement inapproprié ?
"Je n'ai pas peur de vous, je ne vous connais même pas."
Ce qui était vrai en un sens, elle avait peur des inconnus, des hommes forts, pas de la personnalité de Fedor-tout-court en elle-même.

"Vous ne déroberez point, et vous n'userez ni de mensonge ni de tromperie les uns envers les autres. Lévitique 19:11" cite Fedor. La nature humaine est visiblement plus fort que les lois du seigneur, cela ne le surprend pas, c'est même normal. Il trouve juste dommage que la petite nonne en soit rendue à lui mentir. Elle doit être terrifiée intérieurement. Peut-être qu'elle a vraiment découvert qu'il est un zootrope. C'est inquiétant.