Le noir.

Et beaucoup de poussières.

La jeune femme toussota pour l'expulser hors de sa gorge. Sa voix résonnait. Ruf se crut aveugle, rien n'était discernable et ce n'était pas la faute des larmes. Elle avait aussi terriblement mal aux bras et aux jambes qui avaient cogné si fort le plancher. Son dos et ses épaules étaient sauves. Elle tourna la tête pour comprendre pourquoi. Et pourquoi les gravas qui bloquaient la lumière d'en haut l'avait épargnée.

Il tousse, la poussière est omniprésente mais c'est pas le plus gênant. Les gravas qui s'amoncellent sur son dos sont nettement plus contraignant, la douleur aussi. Il se croirait au combat, sauf qu'il était dans une soupe populaire. Enfin, avant que le plafond s'effondre sur une nonne. Avec un peu de chance il a été assez rapide. Mais pour le moment il est encore partiellement assommé par le choc et a du mal à se rendre compte de la situation. Si on excepte les gravas sur son dos.

Quelqu'un toussait au dessus de la nonne, quelqu'un d'imposant. La poussière collait toujours à la gorge mais un peu de lumière éclaircissait l'obscurité diffus. Une fois assurée que ses blessures n'étaient que superficielles, la jeune femme se retourna pour comprendre la situation. Un géant soutenait les débris de bois avec la force de Samson. Toussotant toujours, Ruf rampa pour s'écarter de l'homme qui l'avait sauvée en portant la voûte sur ses épaules, semblait-il.

Visiblement il était arrivé à temps, il a pas perdu ses réflexes c'est déjà ça. Il sent un mouvement sous lui qui s'écarte. Tant mieux, il aimerait bien se débarrasser d'un peu du poids qui pèse sur ses épaules. Il tourne la tête et voit que les gravas coincent l'accès au dessus, il a aussi l'impression qu'ils sont passés au travers du plancher. Comme il n'est pas assez fort pour soutenir une voûte entière il estime que les gravats et poutres se sont entremêlés et doivent être en partie stables. Il a "juste" servi de pilier. "Ca va ?" demande-t-il d'une voix grave.

Non ! Ça n'allait pas ! Elle était tombée dans un puit avec un inconnu qui lui rappelait ses pires cauchemars d'enfance, elle avait la gorge sèche et les bras qui piquaient et surtout aucune moyen de savoir combien de temps elle resterait dans cette situation. Elle chercha à se calmer par la respiration pour se raisonner. Rien n'était encore arrivé et Dieu la protégeait. Résultat, elle n'avait toujours pas répondu à la question de l'étranger et elle était prise d'une crise de toux.

"On va s'en sortir, mais j'ai besoin de savoir si tu es blessée." dit-il plus pour la rassurer qu'autre chose. Il a une voix grave mais calme et apaisante. Il n'y a pas la moindre traces de nervosité. N'ont pas qu'il ne soit pas un peu inquiet. Mais il a confiance dans le fait qu'il parviendra à les sortir de là, d'une façon ou d'une autre. Dans le pire des cas, les secours pourront venir de l'extérieur. La seule chose qui l'inquiète vraiment est une potentielle hémorragie. Ce qui ajouterait un facteur temps à l'affaire. Pour le pire en l'occurrence.

Le calme de la voix la déroutait. Comment quelqu'un peut être aussi peu inquiet ? Heureusement, il y avait pire comme situation, elle aurait pu être seule ou pire…
Elle secoua la tête avant de se rappeler qu'il ne pouvait certainement pas voir son geste.
"Non. Et vous ?"
C'était la moindre des choses de demander.

"Je ne sais pas vraiment. J'en saurais plus si on arrive à trouver un endroit moins exigu." dit-il avec franchise. A priori il n'a rien de cassé et pas de perforation non plus mais il pourrait avoir des côtes de fêlées dur à dire. "Pour l'instant je soutiens des gravas et je ne peux pas bouger tant que tu es en dessous. Il faut que tu trouves une sortie." annonce-t-il comme si c'était une promenade en forêt un soir d'été. Il a été au cœur de bataille, le moral c'est primordial, la voix d'un soldat se doit d'être ferme et calme sinon la panique se propage.

Il ne voyait pas où elle était et il la tutoyait de manière familière également. Pas le temps d'essayer de se rappelle ce qu'elle avait pu faire ou dire devant lui tout à l'heure. Elle se leva donc en s'appuyant précautionneusement sur des gravas.
"Je suis debout," signala-t-elle.
Sa voix était faible mais elle ne toussait plus. Elle en profitait pour prospecter l'environnement. Difficile de différencier un mur gris du vide.

Déjà ! c'est un bonne nouvelle. "Parfait, je vais essayer de me dégager maintenant. Attention à ta tête je ne sais pas si ça va pas déclencher une réaction en chaîne." dit-il avec sa voix grave mais toujours aussi paisible. Comme s'il la rassurait avant d'enlever une écharde de bois dans le doigt. Il bouge doucement et s'écrase sur lui même, visiblement la structure tient. Bien sur des gravats glissent de son dos pour rejoindre le sol, mais les poutres tiennent. Il se dégage et finit par se redresser doucement à côté de la nonne. "Visiblement ça tient."

Ruf tâtonna dans l'obscurité et put s'écarter. Ce n'était pas bien grand mais ils étaient tombés dans la cave. Elle discerna le géant lâcher les poutres immobilisées grâce à Dieu. Combien de temps cela prendrait-il à ses consœurs de la retrouver ? Elles n'avaient pas dû manquer d'entendre l'impact, pourquoi ne les entendaient-elles pas ? Il ne s'était pas écoulé beaucoup de temps, elles ne devraient plus tarder.
Seigneur, aidez-nous.

Il regarde autour de lui et tente d'évaluer la situation. Visiblement ils sont dans des caves ou des souterrains, et s'extraire par au dessus ne semble pas faisable présentement. Pas le moindre rai de lumière, juste par endroit un peu de luminosité diffuse. Mais ça ne prouve pas qu'un passage soit possible. Quand il visite la ville il ne prend pas sa trousse de combat, dommage elle contient un briquet et une bougie. Il s'étire un peu et se tâte rapidement. "Des contusions, ça devrait aller." juge-t-il finalement.

Ruf ne dit rien, elle aurait aimé dire "tant mieux" mais une partie d'elle-même pensait à tout le mal que cet homme pourrait lui faire s'il était mauvais. Il était très calme, il lui rappelait l'homme qui l'avait protégée dans une église autrefois, elle s'accrocha à cette idée.
"Il doit y avoir un escalier," tenta-t-elle.

Spoiler:

Elle est pragmatique et a déjà réfléchi à une solution. Il tâtonne un moment dans le noir, et finit par trouver une marche d'escalier en effet. Mais le reste n'est pas praticable du tout. "J'ai trouvé une marche, mais le reste de l'escalier est sous les décombres." annonce-t-il tranquillement. "Tu connais la disposition des caves ?" demande-t-il ensuite. On ne sait jamais.

"Oh non !" laissa échapper Ruf sous le coup de la déconfiture.
Elle se demandait combien de temps elle allait encore attendre sous terre. Le géant lui demandait si elle connaissait la cave. La nonne ne connaissait malheureusement pas beaucoup l'endroit. Elle était restée au rez-de-chaussée pour préparer la soupe, disposer les tables et les couverts, tout était en haut !
"Non, absolument pas…"
Elle se trouvait inutile. Les larmes perlaient à nouveau et la poussière n'était pas en cause.

Il entend la voix de la nonne qui se dégrade. "Ce n'est pas grave, on va trouver une autre sortie." annonce-t-il en se rapprochant doucement d'elle. Il lui tapote l'épaule en douceur. "Le seigneur ne t'a pas abandonné, regarde je suis là. Ne t'inquiète pas." il n'attend rien du seigneur, d'un autre côté il n'a pas de blessure grave. Chance ou intervention divine ? Il hausse les épaules. Chance, du moins c'est son interprétation. Mais il laisse la nonne à ses croyances. Les mêmes qui font de lui un démon. Elle n'y est pour rien dans tout cela. Une victime comme els autres de la propagande du Vatican.

Oui, le Seigneur ne l'aurait pas abandonnée ! Et s'il avait décidé d'écourter sa vie sur Terre, ce ne serait que pour la garder près de Lui, dans la quiétude absolue. Du moins l'espérait-elle. Quoi qu'il en était, la nonne chercha à tâtons une autre voie. Sa main effleura un vieux pot poussiéreux, des étagères sèches et froides, rien qui ne ressemblait à une voie de sortie.

"Tu sais qu'il fait noir hein ? Je peux pas vraiment lire les expressions de ton visage pour savoir si tu es un peu rassurée. Il va falloir communiquer je pense." explique Fédor qui n'aime ne pas connaitre l'état de la petite nonne. Si elle est totalement effondrée il ne va pas se mettre à chercher une sortie de suite. Sinon il peut commencer. Il a bien senti un mouvement mais il ne sait pas exactement ce qu'elle fait. Le quasi-noir n'est vraiment pas pratique. Dans quelques minutes ça devrait aller mieux, les yeux s'habituent au noir.

Ruf se recroquevilla… par habitude. Elle était si concentrée sur garder son calme qu'elle n'avait pas remarqué tout faire pour se faire oublier de l'homme. Elle savait tellement se faire discrète qu'il ne devait même pas l'entendre respirer et ravaler sa salive.
"Je cherche une autre voie pour nous. Et je vais bien."
Autant que faire se pouvait en cette situation, ce qui était un exploit. Heureusement qu'aucun des deux n'était claustrophobe.

Il est rassuré. C'est pas compliqué. "Bien, je cherche aussi alors." et il se met en route pour trouver un espace vers lequel s'exfiltrer. Au bout d'un moment, à force de tâtonner il tombe sur une planche qu'il peut dégager et derrière il sent du froid, un courant d'air. "J'ai peut-être trouvé un chemin." annonce-t-il alors. Il n'est pas sûr mais c'est déjà un progrès même si c'est un faux espoir. La nonne ne semble pas bavarde, d'habitude ce n'est pas un problème mais présentement il n'aurait rien contre une discussion plus animée.

Ruf n'y croyait guère mais cela ne coûtait rien de vérifier, tout juste quelques pas dans le noir.
"À propos, je ne vous ai pas remercié pour tout à l'heure. Merci."
Peut-être qu'elle se sentirait mieux en lui parlant. qui savait combien de temps ils attendraient dans le noir que l'on vienne les sortir de là.

"De rien, pour une fois que je peux rendre la pareil." ça l'amuse un peu, il n'a pas vraiment besoin de la soupe populaire et il a déjà rendu la pareil à des religieux. Ils ont essayé de le tuer. Il les a tuer en avant.

Il s'engage dans ce qui ressemble à un couloir. Les murs sont gluants d'humidité et des toiles d'araignées viennent se briser sur son visage. "Je pense qu'on est dans un couloir." Il peut toucher les bords en tendant les bras de chaque côté, ce n'est donc pas une simple pièce.

"Tu es courageuse, c'est une bonne nouvelle."

Ruf ne savait nullement si cet homme était habitué des soupes populaires. En tout cas, c'était la première fois qu'elle le rencontrait, un gabarit pareil ne s'oubliait pas facilement. Il la complimenta sur son courage, ce qui la plongea dans la perplexité.
"Le Seigneur me protège."
J'espère.
"Je n'ai pas l'impression que ce soit un couloir."
Ruf ne saurait dire d'où lui venait précisément cette impression.

"J'ai remarqué. Il s'est servi de mon dos comme intermédiaire." sourit-il sans que personne ne puisse le voir. Il n'a rien contre ce type d'humour, juste qu'il a rarement l'occasion ces derniers temps.

Il mène d'autres investigations sur son couloir et avance un peu. Il n'y a pas d'autres portes sur les côtés, donc pas d'autres caves. Et rapidement la brique est remplacée par de la terre et de la pierre. Comme dans un tunnel. "Il y a des tunnels sous Moscou ?" demande-t-il naturellement.

Le plus bel intermédiaire pour Ruf aura été le sœur Marta, venue la sauver de sa vie miséreuse loin de Dieu mais en effet Il pouvait encore la surprendre.
"Je n'en sais rien pour les tunnels. Vous êtes fort, d'où vous vient cette force ?"