Rappel du premier message :

La brume fait encore des siennes ce matin. Elle restera probablement jusqu'à midi. Le paysage est indiscernable et laisse la petite famille dans un esprit cotonneux. Gilroy regarde avec dépit ce masque gris, cherchant à se rappeler le temps d'autrefois où il jouait avec son frère sur cette île. Ce dernier avait quatre ou cinq ans au moment de partir, il ne se rappelle de rien et a l'œil aussi neuf que la brunette à côté des deux hommes, Daniela, l'épouse de Gilroy.

"Je ne vois même pas où je pose le pied, constate-t-elle avec amusement. Comment se rend-on à l'hôtel, chéri ?"

Le chéri prend le temps de la réflexion, mener sa petite famille à travers la brume du matin pendant il ne sait combien de temps ne lui semble pas l'idée du siècle.

"Le gars du ferry a dit qu'un chauffeur passe chercher les nouveaux clients," répond-il avec un ton mesuré.

Il aurait aimé commencer les recherches sur les visions de son petit frère tout de suite mais cette brume les retarde.

Le jardinier haussa un sourcil. "La p'tite Susan ? Oui, elle venait souvent bosser à l'hôtel et je crois qu'elle s'y est installée depuis quelque temps. Vous avez dû vous manquer de peu." La gamine était une bouille connue au village. "Colin a eu des p'tits si vous aimez les chiens, même des p'tits enfants depuis le temps. Mes parents ont gardé deux de ses filles."

"Ce serait avec plaisir. Attendez, je croyais que votre nom était Garvan, pas…"
Maintenant qu'il pense, cette choucroute rousse lui rappelle quelque chose. Et le gars devait être jardinier depuis un moment. Il semble possible qu'il est été ce jeune adulte d'autrefois, il avait l'âge qu'il fallait et surtout il n'aurait pas parlé de Colin comme s'il le connaissait depuis tout petit ou alors…
"Vous avez un frère jumeau qui s'appelle Gary !"
C'est la seule explication cohérente.

Le "hein ?" interloqué refléta toute l'intéligence du garçon sur le moment (alors que sa joueuse se payait un fou-rire monumental) jusqu'à ce que la lumière se fasse. "Je suis Gary... Enfin Garvan ! Mais c'est mon surnom ici depuis des années, j'sais même pas d'où il sort !"

"Oh je vois."
Gilroy se tait avant d'être reconnu par le jardinier comme étant le gamin le plus turbulent de sa bande.
"Mais vous avez une guitare ! dit-il en désignant l'instrument trainant à côté d'une tasse de café à moitié vide (ou pleine). Qu'est-ce que vous savez jouer ?"

Ledit jardinier n'était pas vraiment connu pour son intellect fulminant ni sa bonne mémoire. Il retenait et savait gérer les domaines le concernant – entretenir son jardin et soigner une morsure de furet – mais le reste.... Garvan était un brave gars comme on le disait par ici. "Je sais jouer oui, j'ai appris de mon grand-père, c'est sa guitarre d'ailleurs. Enfin j'peux pas dire que je suis une rock star en devenir mais j'aime bien les musiques un peu punk vous voyez ?" Peut-être que ce n'était pas le genre de Monsieur mais il avait demandé ! (Pas vraiment non.)

"Comme State of Emergency de Stiff Little fingers ou I'm Alive de 999 ? Ce n'est pas mon répertoire préféré mais les gosses adorent - je parle des jeunes dont je m'occupe en temps normal. Vous voulez que je vous aide ? Ça ne me dérange pas, vraiment !"
C'est que Gilroy tape la causette à un mec occupé à déraciner un arbuste depuis tout ce temps et cela donne légèrement l'impression au client d'abuser.

"Au moins vous connaissez ! J'suis un grand fan des Sex Pistols pour tout vous dire, ils m'ont donné envie de me remettre plus sérieusement à jouer." Ado, sa principale motivation était d'avoir un peu de succès avec les filles, un musicien c'était toujours plus classe qu'un jardinier qui se faisait houspiller par son viel homme toute la journée. "C'est gentil m'sieur mais j'vroudrais pas que les ronces abîment vos vêtements, vous aurez du mal à en trouver de si bonne facture ici" souligna-t-il en montrant sa combi qui avait certainement connu des jours meilleurs.

Gilroy hausse un sourcil en se demandant ce que Garvan trouve de si bonne facture. Ses vêtements ont clairement des années, récupérés dans diverses friperies. Bien être mis n'a jamais été une de ses préoccupations principales.
"Je vous aide. Je ne me plaindrais pas à l'hôtel si mes vêtements sont déchirés. Et puis j'aimerais bien avoir un jardin un jour. Qu'est-ce que je peux faire ?"

Garvan n'était clairement pas retourné sur le continent depuis longtemps, tout ce qui était nouveau pour lui lui semblait neuf. C'était également nouveau qu'un client se propose réellement de l'aider (et pas uniquement pour réarranger un bouquet). "Heu..." Mais encore ? "Je peux vous passer la bêche et vous appuyez fort dessus pour essayer de déraciner le bazar tandis que je gratte plus près des racines ?" lui céda-t-il la place pour mieux manœuvrer.

Gilroy retire son manteau (fatigué de citadin) pour être à l'aise. Le jeune homme suit donc les indication du jardinier "professionnel". Etant un homme en bonne santé et sportif, il appuie fortement sur la bêche.

Les racines craquèrent sinistrement et Garvan les attendait avec une serpe pour les plus grosses. "Poussez fort M'sieur Luinigh, jusqu'à ce que ça arrête de forcer ou que vous touchiez le sol. Je pourrais sortir le reste à la main sinon ça repoussera un jour." La tâche était effectivement plus simple à deux, dommage que son père ne soit plus vraiment en état pour l'aider. "Et ça sera le dernier pour ce matin" rajouta-t-il. Les autres clients allaient commencer à flâner aussi dans les jardins.

Les deux hommes forts et couverts de sueur peuvent enfin reprendre leur souffle.*
"Une pause s'impose je pense. Qu'allez-vous faire ensuite ? Couper la pelouse, tailler les ronces ? demande Gilroy l'air de papoter. Certaines plantes se rebiffent plus d'autres, hein ?"
Osera-t-il demander à Garvan s'il a constaté des manifestations fantomatiques ? Le personnel semble peu enclin à en parler, sans doute pour ne pas faire fuir la clientèle.

* Je savais que vous aviez l'esprit tordu.

L'arbuste malotru fut décalé piteusement sur le côté, ses entrailles à l'air libre. "Plutôt de la taille je pense, les gens commencent à sortir et traîner dans le jardin." Il désigna un couple qui passaient plus loin. "Mais il reste toute une partie à l'arrière qui a besoin d'entretien et ça je peux le faire loin des regards. J'ai toujours l'impression de gêner les gens quand je bosse devant eux." Ça et le fait qu'il ne restait jamais propre très longtemps dans son métier. "Mais si vous voulez savoir comment se taille des rosiers, je peux vous montrer... un café avant ? Le temps que je range tout ça."

(Je plaide coupable...)

"Volontiers !" dit Gilroy tandis qu'Aodh commence à piquer du nez.
Il ne doit pas y avoir beaucoup de fantômes dans les jardins à cette heure.

.... pourquoi restait-il ici alors ? Il n'avait pas de café à lui proposer, il faudrait qu'il retourne à l'hôtel et- Oh. "Vous... vous voulez retourner en boire un à l'intérieur ? La terrasse face à la mer c'est sympa aussi !" Même si y'a un vent terrible et pas des plus chauds le matin.

Le trio acquiesce, chacun à sa manière bien à lui. Gilroy et Aodh sont assez habitués aux embruns de l'océan et Daniela n'a qu'à se blottir contre son mari pour avoir chaud. Ils s'installent tranquillement, observent l'horizon gris en tout sérénité.

Garvan avait, avec la force de l'habitude, eu le temps de ranger sommairement son bordel et d'aller récupérer/chaparder un plateau dans les cuisines. Les quatre tasses en équilibre (il se fera pardonner d'Eibhlín une autre fois) et les mains propres et le voilà à filer aussi vite qu'il le peut de l'immense bâtisse. Traitez-le de trouillard si vous le souhaitait – et son paternel le faisait régulièrement – mais jamais il ne sera dit et vu que Garvan "Gary" O'Reilly resterait sous le toit de cette baraque hantée plus que strictement nécessaire ! "Vos cafés messieurs dame" revint-il sur la terrasse, posant le plateau sur une petite table ronde.

"Où est votre princesse ?" demande soudainement Daniela avant que Gilroy n'ait pris l'initiative de poursuivre son enquête.
Sa question pourrait s'interpréter comme faisant référence à une petite amie mais le groupe sait bien qu'elle parle de la furette albinos qu'ils ont trouvé dans la voiture du jardinier.

"Hein ?" Le summum du raffinement cet homme, vraiment. "J'n'ai pas de femme, ni de fille" essaya-t-il tout de même de deviner malgré son air bovin surpris. "Vous parlez de Kelly, la furette ? Je ne sais pas mais sûrement pas loin. Si vous laissez traîner un des biscuits sur le banc à côté de vous, elle ne devrait pas tarder à se montrer." C'était même étonnant qu'il n'ai reçu aucune remarque de la direction au sujet de sa bestiole... peut-être justement car elle ne mettait pas les pattes dans l'hôtel (l'espérait-il du moins).

Ni une, ni deux, Daniela s'empresse de fouiller dans son sac à main pour dégotter des biscuits secs (elle a toujours du ravitaillement sur elle) et les disposer sur le banc d'à côté. Elle se tient ensuite devant le fameux banc telle une chatte devant une sourcière.
"Ton café.
- Merci !"
Elle se tient devant le fameux banc, café en main. Gilroy, face à la mer, se tourne vers Garvan :
"Avez-vous déja quitté l'île, Garvan ?"

Le jardinier la regarda faire, consterné et un peu jaloux que son animal de compagnie ait plus d'attrait que lui). "Quelques fois avec mes parents, pour des achats sur le continents surtout. Donc pas souvent non, peut-être trois ou quatre fois. J'ai appris tout ce que j'avais besoin ici avec mon vieux." Quand on n'aspirait qu'à une vie simple, l'île suffisait. "Et vous ? Faîtes quoi dans la vie pour venir vous perdre ici en vacances ?" demanda-t-il alors qu'une furette blanche montrait le bout de son nez derrière le banc.

"Je suis éducateur de délinquants encore mineurs, j'écoute leurs problèmes, je les apaise par la musique, en ville, je les pousse à se trouver une autre voie, plus saine... en ville. Ici, j'espère ne pas avoir à faire ça."
Pourquoi vouloir une vie simple quand on peut avoir une vie compliquée, faite d'objectifs clairs précis, difficiles mais ô combien satisfaisants en retour ? Et il n'aurait jamais rencontré sa femme.
"Et Danny voulait voir l'île où je suis né."

Kelly avait grimpé sur le banc pour y chaparder en vitesse un biscuit et filer de nouveau dans le parterre de fleurs. "Y'a pas vraiment d'enfants à problèmes ici. Un peu chahuteurs mais pas méchants. Si ça vous dit, vous pouvez jouer de la musique ici tranquillement ou au pub, les gens aiment toujours un peu d'ambiance." La furette revint plus tranquillement cette fois prendre un second biscuit, restant sur le banc pour le grignoter.

"Oh, je suis parfaitement content de ne pas travailler ici ! lâche Gilroy au jardinier. Mon épouse a une très jolie voix. Je lui demanderai si elle veut chanter après avoir nourrir votre furette."
Le rouquin réfléchit. Son interlocuteur n'a jamais quitté l'île, soit par manque de curiosité et d'ambition soit par peur d'autre chose mais il ne lâchera pas la réponse à un simple client tout de suite.
"Tout ce qui sort de mon ordinaire est bon !" Comme… les spectres.

"Pour sûr, ça devrait vous changer ici !" ria le jardinier. "Je rapporterai vos tasses quand vous aurez fini, prenez votre temps mais moi j'dois m'occuper des rosiers maintenant ou j'vais me faire taper sur les doigts par le boss." Pas que Kelly semble s'en soucier, elle semblait même attendre un autre biscuit de la dame à vrai dire.