Rappel du premier message :



Le jeune Gilroy, déjà grand pour son âge peu respectable de neuf ans, faisait sonner avec sauvagerie sa sonnette de vélo et pédalait comme un dératé à travers les herbes hautes de l'île Cuagach avec la quasi-totalité des gamins de l'île qui n'avaient pas quitté l'îlot pour les vacances d'été. Le rouquin enviait ces derniers et trépignait de suivre son père traveller* à travers l'Irlande bien plus grande mais ce serait pour une autre fois. Il connaissait déjà la petite île comme sa poche avec son village, ses falaises escarpées, ses plaines battues par les vents, enfin pas tout à fait…

Il posa pied à terre et se tourna vers le reste de la bande.

"Eh ! Allons au vieux manoir ! proposa-t-il. Allons embêter les touristes !

Le manoir réhabilité en hôtel offrait quelques distractions pour les enfants avec ses touristes… et ses histoires de fantômes. Heureusement qu'Aodh n'était pas là, il aurait eu peur. Le petit frère tout juste âgé de quatre ans était resté avec leur mère.

"T'es fou ? Il fait peur !
- C'est là que ma mère travaille, je veux pas me faire disputer…"


* peuple à la base nomade, parlant le shelta

Susan avançait lentement entre les haies à l'abandon en grondant le plus sourdement possible. Elle mourrait d'envie de regarder la réaction du couple, mais n'osait pas lever la tête de peur d'être repérée. Hilare, elle jeta un coup d'œil à Roy qui frottait les morceaux de métaux et tendit l'oreille. Elle ne perçut cependant aucun cri, aucun bruit de cavalcade paniquée. Dubitative, elle interrogea Roy du regard.

HRP :

Trop subtile visiblement.
Le garçon fit signe à Susan d'en faire plus et prit une branche avant de la craque brutalement.

Susan leva un pouce et se faufila sans un bruit entre les buissons. Un peu plus loin, elle agita fort les branches et jeta en l'air une poignée de terre accompagnée d'un grognement. Puis elle se déplaça à nouveau afin de recommencer son manège ailleurs, en y ajoutant cette fois un bruit de grattement au sol à l'aide de sa chaussure.
À croupeton entre les haies, elle plaqua ses mains sur sa bouche pour retenir un un rire exalté.

"Chéri, j'ai peur. Tu crois qu'il y a un chien vagabond ?
- Vite, allons-nous en ! Je ne veux pas lui servir d'os à moelle !"
Et le couple s'enfuyait en prenant ses jambes à son cou tandis que Gilroy s'écroulait de rire dans la boue.
"T'as vu leur tête ?"

— Ou-oui-ii ! hoqueta Susan que le rire désormais incontrôlé empêchait de parler.
Quand elle se fut un tout petit peu calmée, elle se lança dans une imitation de leurs visages et de la manière dont ils étaient partis en courant. Elle repartit dans un grand rire en se tenant les côtes.

Les deux enfants restèrent un moment écroulés de rire dans les herbes. Gilroy ne vit pas l'adorable petit chiot qui arriva jusqu'à ce qu'il jappât. C'était un petit Irish Terrier marron avec les oreilles tombantes et l'œil noisette et il voulait jouer.

— Oooooh, il est trop mignoooon ! s'enthousiasma Susan en tendant les bras vers le chiot.
L'animal se laissa caresser et donna même des coups de langue aux enfants. Son plaisir était évident. La fillette ne songea même pas à regarder d'où il venait et à qui il appartenait.

Gilroy n'était pas en reste et tendait la main pour saisir le poil bouclé du terrier et lui gratouiller les oreilles, oubliant sa vigilance habituelle. Il eut même l'idée de trouver un bâton pour jouer à rapporte avec le chien.
"Tu le veux le bâton ?"

Susan riait sans retenue. Elle regarda Roy lancer le bâton et le chien courir le chercher en frétillant. Elle applaudit lorsqu'il l'attrapa et lança des « Ouiiiii ! » bruyants tandis qu'il revenait vers eux avec son trophée.

Gilroy relança le bâton et ce dernier au lieu de tomber mollement sur le sol, transperça un buisson et disparut. Le toutou s'enfonça dans le buisson à son tour.

Ne le voyant plus, Susan s'élança à sa poursuite, contourna le buisson tant bien que mal et... Plus de toutou. Où était-il passé ?
— Toutooouu ! appela-t-elle à grand voix.

Le buisson se mit à japper et Toutou réapparut, un bâton dans la gueule mais pas le bon...

Heureusement pour nos jeunes gens, il ne s'agissait pas d'un truc blanchâtre, usé, arrondi et bosselé aux extrémités. On l'a échappé belle. Non, ce "bâton"-là était cuivré, court et rugueux. Un bout de fer rouillé, arraché on ne savait-où probablement longtemps avant leur naissance à tous les deux.
— Bon toutou, brave toutou ! s'extasia Susan en récupérant l'objet. C'est quoi ce machin ? demanda-t-elle en le montrant à Roy.

"Chais pas, dit Gilroy tout perplexe. Ça a l'air sale, vaut mieux pas toucher ! Lâche, toutou !"
Le garçon prend un autre bâton, en bois cette fois-ci.
"C'lui-là, tu le veux, hein ? Il est plus beau que l'autre et moins lourd."

Susan sautillait d'excitation.
— Lance-le, lance-le ! s'exclama-t-elle.
Et tandis que Roy s'exécutait sous le regard avide de la fillette et du chien, une silhouette apparut à l'autre bout du jardin...

L'étrange silhouette était informe de loin. On aurait dit un centaure inversé.
"Petits sacripants !"
C'était le jardinier.
"Qu'est-ce que vous faites à mes buissons ?"
- Oh, il est armé d'une fourche et d'un tas de bidules ! Fuyons !"

Le jardinier n'aimait pas savoir des enfants venir jouer dans les jardins du manoir, il y avait encore tant à faire et des objets dangereux égarés encore un peu partout. "Gary ? Gary ! Va voir où sont partis ces garnements" clama-t-il à un jeune homme d'une vingtaine d'années. Le gaillard, les cheveux frisés emmêlés de feuilles mortes et les bras couverts de terre, poussa un soupire. "Ok Dad, j'y vais..." se mit-il en route sans réellement se presser.

Suzan s'était carapaté comme une noiraude et après quelques mètres, s'était aplatie derrière une haie devenue sauvage. Elle essayait de se fondre sous les branches qui dépassaient tout en cherchant Roy des yeux. Le cœur battant, le souffle court, l'oreille tendue, les doigts croisés, elle attendait que Gary la dépasse sans la voir... Elle ferma alors les yeux très fort en une prière muette.

Le malchanceux Roy de son côté avait escaladé un arbre mais le chiot ne l'avait pas lâché d'une semelle et dénonçait sa cachette.
"Mais euh… Vas-t-en ! Vilain chien… Tu vas me faire repérer." chuchota Roy aussi discrètement qu'il le pouvait.

Garvan continuer du même pas lent avant de s'arrêter au premier gamin vachement bien caché. "J'te vois... tu as les pieds qui dépassent miss" fit-il remarquer à la fillette. Quant à l'autre, Colin l'avait pris en chasse.... enfin.... disons qu'il lui indiquait sa présence, ce chiot n'avait que de sous de jugeote.

Miss? Mince, elle était découverte. Elle leva le nez et regarda le monsieur qui la surplombait. Elle le reconnut, elle l'avait déjà vu au village, mais elle n'avait jamais fait le lien avec le jardinier. Car le vieux, en revanche, elle savait très bien qui c'était. Ses parents s'arrêtaient souvent pour discuter avec lui quand ils le croisaient dans la rue.
— J'ai rien fait ! clama-t-elle comme une grosse nouille.
Elle se redressa précipitamment et frotta ses vêtements.

"Libertééééée !" clama Roy comme un héros au coeur brave.
Le gamin s'était armé du bâton pour le chiot et fouetta l'air pour faire fuir l'adulte.
"Cours Suzon, cours !"

Hrp/ 2 références de film en un message, on ne m'arrête plus / hrp

"Mais oui Miss, aussi innocente que le caneton qui vient de naître" se moqua gentiment Garvan. "Aller viens, on va chercher ton petit copain et... ben... on verra après." Son père ne s'attendait pas à ce qu'il les babysitte non ? Ledit gamin avait peut-être réussi à échapper aux léchouilles de Colin mais il restait à sa hauteur d'yeux (yeux qu'il manquerait de crever s'il continue de s'agiter comme ça). "Oh moustique ! Du calme avec ta brindille, tu vas blesser quelqu'un ! Descend maintenant, t'es ridicule."

— C'est mignon, les canetons, répondit Susan sans réellement comprendre la remarque du grand.
Et pendant que ce dernier s'adressait à Roy perché dans son arbre, elle s'agenouilla près du chien et commença à le caresser et le gratouiller derrière les oreilles en riant.
— Toi aussi t'es trop mignon !

Le chiot entre les mains de Suzan et l'autre adulte en face de lui, ne craignant pas vraiment son bâton vengeur, le petit Roy est un peu obligé de se comporter en enfant bien civilisé.
"On fait que jouer m'sieur."
Ça c'était vrai en plus !