Rappel du premier message :



Deznulguk, roi nain de son état, est connu pour avoir découvert dans sa jeunesse un filon d’émeraude d’une rare pureté, en avoir façonné des bijoux incomparables, avoir été fait roi très jeune et avoir passé le reste de sa vie à former les meilleurs joailliers du monde. Enfin, ça, c'était de son vivant. Maintenant, il ne restait de lui que des bribes de légende, quelques reliques et, d'après les rumeurs de taverne, un fantastique trésor enfoui dans son chateau.

Sauf que personne ne savait où se trouvait ce chateau. Mais ce n’était pas ce maigres détails qui allait décourager les preux aventuriers en quête de richesse et de gloire ! Hurj, un colosse roux dont la taille rivalisait celle d’un troll (mais là s’arrêtait toute ressemblance) était un d'eux, et il venait de trouver une nouvelle piste vers le chateau perdu de Deznulguk. Avec un tel but en vue, il n’avait eu aucun mal à assembler une troupe d’aventuriers, et roulez jeunesse !

Moira dénotait dans la troupe. Avec vingt ans de plus que la moyenne du groupe, elle possédait pour toute arme une canne ronchonnante et elle se déplaçait dans une roulotte tirée par un vieil âne. Mais sa réputation n’était plus à faire dans le milieu des quêtes, que ce soit pour ses talents de soigneuse ou son expertise d’artéfacts et Hurj espérait justement trouver un mythique bracelet censé doter son porteur d’un courage à toute épreuve. Elle avait donc été accueillie à bras ouverts.

Le « gros narbre » n’aidait pas vraiment, surtout vu que « gros » du point de vue d’un dragon-fée n’était pas forcément la même chose que d’un point de vue humain. Et, comme l’autre femme, Moira tiqua en entendant que l’amie de ce dragonnet se trouvait dans le donjon. C’était un endroit bien trop dangereux pour un juvénile ! À moins que le petit dragon ne se serve de son amie comme prétexte pour aller pousser une pointe là où il ne pourrait normalement pas entrer ? Dans tous les cas, Moira ne raffolait pas de l’idée de l’emmener… mais c’était sans doute mieux que de le laisser là, seul à la merci du premier être mal intentionné qui passerait.

Chouette ! Les deux madames semblent d’accord pour qu’on reste ensemble jusqu’à avoir retrouvé Jill parmi… les dangers du donjon ?

— Même pas peur ! Jill et moi, on est supers aventuriers !

Prenant mon envol devant les mirettes de Moira, je boxe en direction d’un ennemi imaginaire ! Craignez la puissance d’un dragon, graouh !

Je pivote un peu puis découvre les aventuriers qui suivent le duo. Aha ! Je boxe est vers eux maintenant !

— C’est eux les vieilles créatures dangereuses ?

Bouh, les pas beaux tout plein avec tous leurs trucs en métal !

Brume ne put réprimer un rire aussi pur que le cristal. La bravoure du dragon-fée était admirable, mais mal placée ! Non, ils nous protègent du danger. Encore que dans ce château en ruine, il n'y avait pas plus vieille créature dangereuse que la druidesse - et enchanteresse par dessus le marché. Pour le moment, cette créature était domptée par l'adorable attitude du petit dragon. Mais gare à sa furie légendaire, presque millénaire que les Gobelins viennent d'apprendre à redouter.

Des supers aventuriers, sans doute… Cela expliquait peut-être comment il s’était retrouvé dans les griffes de ces gobelins. Pourvu que cette pauvre Jill aille bien. Mais Moira n’avait même pas le début d’une piste pour retrouver l’amie du dragonnet. « Bon, on y va ? » Hurj s’impatientait apparemment. « On vous suit », lança Moira. Elle fit toutefois un crochet par sa roulotte pour dételer son âne afin qu’il puisse s’enfuir en cas de danger en leur absence.

Oups ? J’arrête de boxer, plus impressionné par la réponse que gêné de ma bêtise :

— Whoaaaa ! Tous tous pour vous ? Comme des princesses !

J’ai des étoiles dans les yeux à l’idée de voyager aux côtés de gens si importants et protégés !
J’applaudis les chevaliers qui se ruent vers le danger, prêts à subir les pièges du donjon avant nous ! J’espère qu’ils surveillent leurs pieds, c’est dangereux par ici… Ils devraient voler, comme moi, c’est plus pratique !

La druidesse ne put s'empêcher de rire. Les aventuriers n'étaient point des preux chevaliers escortant leurs princesses ! Au contraire, ils cherchaient le frisson de l'aventure, l'or, la gloire et d'autres choses qui les intéressent. Ne faisons pas plus attendre nos héros. , dit-elle en clignant d'un oeil complice. Bien qu'elle ne cligne que dans la direction supposée du petit dragon-fée. Pas sûr qu'il le voie !

Drôles de princesses qu’elles faisaient, même si Moira avait bel et bien grandi dans un château. « Eh bien, en route vers l'aventure. » Avec un enfant dans leur troupe. La guérisseuse n’avait pas vraiment prévu ça, et tout d’un coup elle la sentait beaucoup moins cette aventure. Mais c’était toujours mieux que de laisser le juvénile tout seul alors que les gobelins risquaient de revenir. Après une rapide caresse sur les naseaux de son âne, elle emboita le pas au reste de l’équipe.

Princesses et aventuriers (dont moi !) retournent à l’aventure après un clignement d’œil et mon grand sourire à la dame qui, sans que je sache, me voit pas.

Mais à l’intérieur, ça change pas grand-chose ! Y fait tout noir, à croire que le proprio a oublié de payer les bougies ! Y’a des "héros" qui ont des torches, mais posé sur l’épaule de Moira, je m’amuse quand même à faire des lumières plein de couleurs sur les murs avec mes ailes écartées.

— Y faut alleeer… en haut !

C’est Jill qui m’a dit !

En haut ? Il fallait monter ! Et rien ne garantissait que les marches étaient encore fonctionnelles ou non-piégées. Brume n'aimerait pour rien au monde qu'un aventurier se casse la figure à cause de l'usure des marches. Elles sont où les marches pour monter ?, demanda la princesse aveugle en dépit du fait qu'elle étendit son sens du vent pour sonder l'environnement.

S’ils n’avaient été dans un antique donjon probablement piégé, Moira se serait amusée du spectacle du dragonnet. Mais là, elle était plus concentrée sur d’éventuelles traces de magie que sur les facéties de son petit passager. Et, comme une boussole à côté d’un aimant, elle avait bien du mal à percevoir autre chose que l’aura de l’elfe. Elle dut donc s’approcher des marches pour les inspecter. « Pas de piège magique. » Sa voix indiquerait aussi la position de l’escalier à l’aveugle. Mais, faute de piège magique, les aventuriers découvrirent bientôt un odorant dispositif anti-intrus. « Berk ! », s’écria le malheureux qui l’avait déclenché.

— Ouuuuh, ça sent mauvais tout plein !

Je plaque mes patounes sur mon museau, terrassé par la puissance de ce terrible maléfice pas magique !

— Vite vite, faut fuir !

De l’air ! Je suis sûr que la prochaine pièce sentira moins mauvais ! C’est donc sans prendre la moindre précaution que je décolle de l’épaule de Moira pour filer vers l’escalier et fuir jusqu’à ne plus sentir cette horreur. C’est que j’ai un bon odorat, moi !

Oh, nom d'un putois ! Une odeur machiavéliquement mauvaise emplissait désormais l'air ! Ce devait être des chenapans qui s'étaient occupées des escaliers ! Ça me rappelle ma jeunesse quand j'ai rempli le lit de Diyah avec des pelotes de chouettes... Fuir ? Qui disait que l'odeur ne s'était pas installée sur les vêtements des aventuriers ? L'aveugle fronça les sourcils. Et certains nombres d'autres méfaits.

« Reviens ici, ça peut être dangereux ! », s’exclama Moira en voyant le plus jeune membre de l’expédition fuir à tire d’ailes. Et oui, les souvenirs de jeunesse de la druide à côté d’elle passaient un peu au second plan face à cette urgence. Sans tenir compte du fait qu’elle n’avait plus vingt ans, la soigneuse s’élança à la suite du dragon-fée dans l’espoir de l’arrêter. « Pour toi aussi, ça peut être dangereux », observa pourtant sa cane.

Revenir ? Maiiis, ça sent mauvais ! Allez, on fait moit moit : je m’arrête au milieu de l’escalier et grimace à l’idée des vieilles blagues de la madame, une patte toujours contre mon museau.

— C’est pas drôle pas drôle ! Pourquoi y font ça ?!

Qui sait à quoi s’attendre ? Si ça se trouve, ils vont nous obliger à manger du crapaud ! D’ailleurs…

— C’est quoi le boom boom ?

Je lève le museau, direction le haut de l’escalier… Un gros machin descend, non ?

Constatant que personne n'était intéressé par ses souvenirs de jeunesse, par dépit, la druidesse déploya ses sens magiques pour sonder l'escalier à la recherche d'un quelconque piège. Puis son oreille aiguisée se redressa, ayant entendu un son de mauvais augure. Un roulement. Tout de suite, elle sonda l'objet, chercha les failles dû à l'érosion et s'empressa d'accélérer l'ordre naturel des choses. Il se brisa en plusieurs rochers plus petits qui roulaient encore et en grains de sable.

Quelle que soit la source du « boom boom », un son pareil dans un donjon abandonné n’augurait rien de bon. Moira se concentra pour tenter de détecter de la magie émanant du danger… et se prit de plein fouet la magie de la druide. Oh, pas qu’elle déploie actuellement un sort particulièrement puissant. Mais l’elfe elle-même était un puissant concentré de magie, et même un faible tour se ressentait fortement. Se rattrapant à Aisling, Moira fit signe au petit dragon de la rejoindre avant d’aller examiner les rochers qui avaient roulé jusqu’à eux. « Rien de magique à ces pierres, ils doivent utiliser des pièges mécaniques. »

Un rocher !... Puis plus de rocher !

— Zavez vu ? ça a fait Bziouuuu ! Et plus de gros cailloux !

J’ai pas vu d’où ça venait, moi ! Par contre, ça fait peur, entre les pièges et ça. Du coup, je me fais pas prier d’aller sur la tête de Moira.

— Pièges qui puent, pièges qui sproutch… sont pas gentils ici ! Quand des copains y sont à la maison, y zont du manger, pas des gros cailloux, d’abord !

Je tire la langue au maitre du donjon imaginaire, pour la peine ! Il sait trop pas recevoir les gens !

Brume ne voyait rien de ce qu'elle avait accompli. C'était une malédiction ! Entre ça et ses sorts de glace au début du donjon, le groupe devait avoir compris qu'ils s'étaient adjoints un compagnon magique particulièrement puissant. Et seule Moïra semblait mesurer la profondeur de ses capacités. Les nains ont toujours été doués pour ces œuvres sans magie. Même si leurs créateurs ne sont plus, ces pièges veillent toujours aussi farouchement sur le donjon. Mais, ne t'inquiète pas, dragon-fée, peu importe ce qui nous attends, on te protégera !  

Moira était donc à nouveau devenue perchoir. Ce qui ne la dérangeait pas, tant que cela voulait dire que le jeune dragonnet ne s’éloignait pas trop d’eux. L’absence de magie dans les pièges l’empêchait de les anticiper, ce qu’elle n’appréciait pas trop. Une chance qu’ils soient accompagnés d’une mage puissante et, apparemment, bienveillante. « Plus personne n’habite ici depuis longtemps », expliqua Moira au juvénile. « Personne ne peut dire au donjon qu’on est des copains. » « Mouais, et s’il y avait encore quelqu’un, on serait vus comme des intrus et on se prendrait des pièges aussi », grommela Aisling.

Je hoche vivement la tête, soulagé que la dame qui sait tout tout tout soit là pour me protéger ! Par contre, elle soulève un point bizarre. Que Moira reprend aussi !

— Mais… si y’a pu personne, c’est qui qu’on veut voir ?!

C’est vrai, ça ! À quoi bon fouiller un donjon plein de pièges s’il est aussi abandonné que dangereux ? Y’a plein des châteaux plus chaleureux qui seraient ravis d’avoir des invités ! Enfin, c’est pour eux que je demande… pas moi. Moi je cherche Jill !

Qui est-ce qu'on pouvait voir dans ces ruines ? Brume médita sur la question. Qui est-ce qu'on pouvait voir dans un château de nain abandonné ? Un Balrog ? , déclara-t-elle comme si la créature ne représentait pas un grand danger pour les aventuriers. Et tout le monde de manière général. Bon, elle trichait avec ses immenses pouvoirs, elle pouvait bien se permettre de ne pas redouter un Balrog.

Moira allait répondre, mais la mage la prit de vitesse. « Ne parle pas de malheur… », marmonna la soigneuse à sa suggestion. Un commentaire qui amusa apparemment Tonak, qui s’esclaffa : « Oh ? Notre guide a peur du grand méchant Balrog ? » Encore un qui croyait que ces créatures cauchemardesques étaient de simples contes pour enfants. « Oui. Ils sont très grands, très destructeurs, et très mauvais pour la santé. Je ne tiens pas à en croiser. » La discussion close, elle répondit enfin à la question de son petit passager : « On ne vient pas voir quelqu’un : on cherche un trésor qui se trouve quelque part dans ce chateau. »

UN BALROG ! TIN TIN TIN...

— C’est kwaaa ? un toutou ?

Bah quoi ? Ça sonne toutou ! Un gros toutou qui ferait peur à mon perchoir. Du coup, je change de perchoir et vais sur la tête de celle qui a pas l’air inquiète d’en croiser. Plus sûr !

Puis vient la vraie réponse !

— Trésor ?! Jill adooore les trésors ! C’est kwa, c’est kwa ? Tout plein des sous ? Ou, ou, ou… MIEUX ! Un grooos coffre avec plein de manger !

La bouffe, c’est mieux que l’or !

Une créature des Enfers. , répondit simplement Brume. Une légende pour beaucoup. Pour d'autres, cette créature est tout à fait réelle. Elle était redoutée par les autres créatures de la Brèche. Le retour du sujet du trésor ranima les aventuriers qui se précipitaient dans l'escalier avec prudence. Ils ne souhaitaient pas être victime d'autres pièges.

Un toutou. Une horreur d’un autre temps réduite au rang de toutou. Les mots manquaient à Moira, qui laissa donc bien volontiers l’elfe répondre à cette question. Elle-même se chargea de la suivante. « D’après la légende, le chateau abrite un trésor de bijoux et de pierres précieuses, et des artéfacts magiques inestimables. Même si avec les artéfacts magiques, on peut avoir des surprises. » « Tu parles d’expérience ? », railla Aisling, bien consciente que c’était elle, l’artéfact magique surprenant dont Moira parlait.