Rappel du premier message :

Plusieurs semaines se sont écoulées depuis la dernière fois que Varsha a vu Cyrus, son shaman préféré du moment. Ils s'étaient entraidés pour empêcher les Brisemorts de s'en prendre à des civils. Julio a été chassé sur l'Île des Esprits et les élèves sont retournés à l'école, aidant les nouvelles recrues du camps de Favelras à se faire leur propre chemin. Cyrus passe donc ses journées dans la pyramide et n'a pas invoqué Varsha depuis. L'esprit millénaire observe la forêt comme à son habitude jusqu'à ce que le sol lui évoque son islandais adoré : une pierre encerclée de fourmis noires.

Ça suffit ! Je ne vais pas attendre qu'il m'invoque ! Il risque d'oublier et deviendra tout fripé puis retournera à la terre. Je vais le chercher et avoir une vraie discussion avec lui ! résolue-t-elle.

Lors de leur dernière discussion, lui ne pouvait pas la comprendre. Son langage corporel était sans équivoque pourtant. L'esprit de la Pluie scruta le chemin entre la pyramide et les campus. Elle le trouve enfin et…

Révélation

Il est avec un autre esprit !

Cyrus aussi, côté humain bien sûr. Son père l'y a emmené plusieurs fois — pour qu'il voie ses futurs bureaux (berk !). Cyrus n'aime pas ce cours. Il est souvent très théorique et comme il retient très vite les informations, il s'ennuie ferme. Professeur, s'enhardit-il, pourrions-nous parler du Bureau de l'Île, aujourd'hui ? L'enseignant se méprend sur l'enthousiasme du jeune homme et hoche la tête avec bienveillance. Avec plaisir, si Varsha accepte de me seconder, répond-il avec humilité.

Varsha, manquer l'occasion d'attirer l'attention ? L'esprit de la pluie rejoint le professeur sous son apparence fétiche, vase au dessus de la tête.
Elle est prête à parler des nombreux esprits qui ont défilé dans le bureau, décrire les décors changeants de cette antichambre bien qu'elle ne l'ai pas vu si souvent en neuf millénaires. tout, tant que ça fait plaisir aux jeunes shamans.

Cyrus vit sa meilleure journée. Non seulement Varsha l'a accompagné en classe, mais elle va maintenant faire le cours (c'est tout comme, chut). Détail amusant, le professeur semble aussi ravi que les élèves et s'empresse de lui offrir la parole. Cyrus retient presque sa respiration, il n'a d'yeux que pour l'Esprit de la Pluie. (Une telle dévotion, ce serait effrayant s'il ne s'agissait pas d'elle.)

Varsha enseigne de son mieux à ces jeunes shamans plein d'avenir et avides de connaissances sur elle et le monde spirituel. L'heure passe tellement vite qu'elle se surprend à entendre la cloche sonner. Elle reprend sa forme factice d'étudiante pour poursuivre son chemin jusqu'au prochain cours de Cyrus. C'est là que le professeur interpelle ce dernier.
"Continue comme ça !
- De quoi parle-t-il ?" demande la prof d'une heure à son protégé.

Cyrus adresse un sourire poli au prof et se met en route. Mon père travaille à l'Administration et attend de moi que j'en fasse autant, explique-t-il à Varsha. M. Salehi (le prof) le connait et pense que je vais suivre ses traces parce que j'ai d'excellentes notes. Il n'ajoute rien, mais son visage à lui seul est éloquent.

Même sans le visage, Varsha aurait compris.
"Et tu le laisses penser que tu le ferais alors que tu n'en as pas envie ? Il ne pourra pas se faire à l'idée si tu le lui annonces le jour de l'obtention de ton diplôme. Les humains n'apprécient pas quand je tombe sans prévenir. Ils aiment voir mes nuages noirs annonciateurs, cela leur laisse le temps de sortir les vases."
Ou les parapluies, selon le climat.

Elle a tellement raison. Tu as raison, dit-il en écho de ses pensées. En fait, je lui en ai parlé il y a plusieurs années, mais il ne m'a pas... entendu. À l'époque, je n'ai pas osé insisté et je n'en pas reparlé depuis. Il soupire. C'est dur, de décevoir les attentes de ses parents. Il appréhende terriblement cette déception.

"Si tu es convaincu de ce que tu lui dis alors il sera convaincu. Retente ! Et s'il n'est pas convaincu, invoque-moi. Il ne pourra pas remettre ma parole en doute."
Il faut bien qu'il y ait des avantages à être un esprit millénaire. Les parents ne lui font pas peur. Peut-être parce qu'elle n'a jamais eu de parents, comme tous les esprits… Sauf l'esprit de l'enfance peut-être.

Le sourire touché de Cyrus en dit plus long que son Merci Varsha. Elle a toujours été un soutien psychologique, pour lui. Même s'il ne l'avait jamais invoquée jusqu'à aujourd'hui. Oh tiens, j'ai oublié de te révoquer, tout à l'heure ! Heureusement que tu es toi, remarque-t-il, étrangement amusé par sa propre négligence — lui qui est pourtant si exigent avec lui-même. Tu restes avec moi quand même, si je le fais maintenant ? Histoire de pouvoir correctement se concentrer pendant son cours préféré.

"Bien sûr ! N'ai-je pas prouvé mon intérêt pour toi ? Tu peux me révoquer."
Il est vrai qu'autrefois, Varsha faisait bien plus de siennes. Elle n'en faisait qu'à ses caprices et son humeur, n'écoutant qu'à demi les shamans qui cherchaient à l'invoquer. Sans doute, est-ce aussi son caprice d'obéir quand le shaman est gentil.

Heureux, c'est avec un sourire immense qu'il la révoque, juste avant d'arriver dans le laboratoire. Il ne franchit cependant pas la porte sans l'avoir à nouveau à ses côtés.

Varsha revient donc tout sourire.
"Allons en cours de chimie ! Pour observer des graines !"

Cyrus glousse de joie. Il ne sait pas encore ce qu'ils vont faire aujourd'hui, mais il sait que les graines ne sont malheureusement pas au programme. À moins encore une fois que la présence de Varsha n'influence un tout petit peu le planning du professeur. Cette dernière salut chaque élève qui franchit sa porte et ne manque donc pas la présence de la jeune fille aux cheveux bleus. Bienvenue Varsha, Esprit de la Pluie. Merci de nous faire l'honneur d'être parmi nous, dit-elle avec une grande amabilité.

"Oh oui ! Mais je ne suis qu'une élève aujourd'hui.
- Aujourd'hui, un cours spécial sur le test de l'eau. Qui peut me dire de quelles atomes est constituée la molécule d'eau ?"
Varsha a déjà assisté au cours de chimie bien sûr mais pas avec Cyrus brillant par sa connaissance. Il est dans son élément, elle veut l'observer comme lorsqu'il n'est pas là.

C'est une question facile et Cyrus lève la main — comme à chaque fois qu'une question est posé à la classe. Il n'est pas perçu comme un monsieur-je-sais-tout pour rien. S'il est interrogé, il fera la réponse complète : un atome d'oxygène relié à deux atomes d'hydrogène. On le note H₂O, H pour l'hydrogène, O pour l'oxygène. Mais sur cette première question, la prof interroge quelqu'un d'autre, assis de l'autre côté de Varsha. Cyrus ravale sa fierté.

L'élève interrogé ne sait pas répondre mais le professeur n'interroge pas plus Cyrus. Il poursuit son cours.
"Citez-moi plutôt tout ce qui contient de l'eau."
Et là, il désigne l'islandais.

Content d'être interrogé, Cyrus se montre un instant sous cet air hautain que beaucoup trouvent exagérément supérieur (il ne le fait pas exprès, pourtant). Il apporte une réponse aussi complète que possible, que je me garde cependant de retranscrire ici par peur de commettre une erreur — erreur que ne commettrait pas cet excellent élève, fan d'eau en général et de pluie en particulier.

Le professeur arrête Cyrus au milieu de sa tirade.
"Attendez, laissez-en pour les autres. Qui d'autre veut proposer quelque chose ?" demande-t-il avant de noter le début de la liste de Cyrus.
Varsha pouffe de rire.
"Tu es un peu trop doué pour ton propre bien," chuchote-t-elle dans le creux de l'oreille de son shaman.

L'interruption ne lui fait ni chaud ni froid. Il a l'habitude, ça ne le frustre plus. Il ne peut tout simplement pas s'empêcher d'être aussi précis que possible. Cependant...
Il regarde Varsha avec étonnement. Comment ça ? demande-t-il.

Par dessous l'agitation des élèves qui donnent chacun leur avis, Varsha glisse :
"Tu fais beaucoup d'efforts pour être parfait mais au final tu fais peur aux gens, non ?"
Varsha, psychologue du campus ! (ou pas)

Cyrus n'avait jamais vu ça sous cet angle. Certes, les gens ne l'aiment pas beaucoup en général. Il n'est pas très avenant, ni sympathique, encore que depuis peu il est moins froid. Mais inspirer de la crainte... Ah bon, je leur fais peur ? s'interroge-t-il avec sincérité.

Demander des conseils psychologiques à Varsha, l'esprit littéralement la tête dans les nuages c'est comme… demander à un requin la couleur des montagnes.
"Pas peur dans le sens effrayant mais peur dans le sens… dangereux mais socialement. Un peu dominateur. Tu surpasses les autres, du coup ils te fuient pour ne pas se faire dominer."
Même une montre cassée peut donner l'heure correcte deux fois par jour.

Ah, fait-il, un peu intrigué. Il pensait vraiment que c'était son côté fuyant qui rebutait les autres. Sa manie de rembarrer tout le monde juste pour être sûr de ne jamais révéler son secret par mégarde. Ça veut dire que si je fais mine de ne pas savoir de temps en temps, les gens se détendraient ? Ça l'intéresse beaucoup, maintenant qu'il essaye d'être plus sociable. Quelle chance d'être conseillé par Varsha elle-même !

"Ou demander de l'aide aux autres de temps en temps. Les faire se sentir utiles, tu vois ? Si je me sens inutile, cela me rend triste et je ne supporte pas la présence des autres alors si je me sens utile, je me sens mieux. Il faut un peu de soleil, un peu de pluie, tout est question d'équilibre."
Pendant ce temps, le professeur liste les choses contenant de l'eau et ceux n'en contenant pas.

C'est la meilleure comparaison qu'elle pouvait faire. Même s'il préfère la pluie, il se rend compte que sans le soleil, il ne l'apprécierait pas autant... Naaah, n'importe quoi, il kifferait quand même ! Mais c'est pas le sujet.
Je vois, dit-il en se demandant dans quelles circonstances il pourrait bien avoir besoin des autres. (Prétentieux.) D'ailleurs il n'écoute la prof que d'une oreille, il sait déjà tout ça.
Je comprends. En fait non, pas encore. Mais ça va venir.