Sa première idée avait été d'envoyer chier tout ce beau monde puis la seconde - qui n'était pas vraiment une idée à proprement parler - était que Bromir lui en voudrait sûrement de faire sa tête de lard comme il disait et se mettre toute la populace locale à dos sitôt sa pipe cassée.

"Je t'en veux vieux, mais je t'en veux..." pestait une énième fois l'elfe noir alors qu'il sortait du village à la demande de ces connards chers voisins pour une histoire d'orc qui traînait dans le coin. S'il n'avait pas besoin d'eux pour gagner sa croute et vendre ses travaux, Stej les aurait volontiers laissé se débrouiller avec cet orc. Non parce que bien sûr, c'était le noiraud aux oreilles pointues qu'on envoyait en reconnaissance, forcément ! Ce délit de faciès... et il n'était même pas payé pour ça en plus ! Acte de citoyenneté mon cul oui !!

Jour deux des aventures du... qu'est-ce qu'il était maintenant ? Fleuriste ? Vendeur de légumes ? Jardinier ? Oui, jardinier. Ca sonnait bien "Zenkûga, le Grand Jardinier". Un nouveau titre pour un nouvel homme. Il ricana d'un air satisfait et admira sa nouvelle propriété. Le pied de l'ancien proprio dépassait encore du sol fraîchement creusé. Il allait devoir mieux enterrer les prochains. Un jardin ne pousse pas sans engrais de qualité !

Autre idée à bannir direct à l'approche de la propriété : gueuler son mécontentement à voix haute et clairement audible. S'il y avait vraiment un orc hostile ici, arriver de front serait indigne du mercenaire qu'il était autrefois (et il ne comptait pas non plus crever aussi connement, ça jouait). Du coup, Stej arriva aux abords du potager les mains dans les poches. Les armes ? Quelles armes ? Bien sûr qu'il en avait sur lui ! "Ah ben putain..." se fit-il la réflexion devant le gabarie du trouble-fête en question. Il aurait dû prévoir plus grand qu'une dague...

Son premier visiteur. Zenkûga avait assez traîné avec des humains durant ses années de mercenariat pour savoir qu'il y avait certaines formules de politesse à utiliser quand on disait la bienvenue. Cependant, son premier visiteur n'était pas un humain. Juste un elfe noir. Même dans un coin paumé comme celui-ci il semblerait que les forces du mal aient réussi à y planter leur drapeau. Zen renifla, plaça ses mains contre ses hanches et regarda la brindille de haut. Vagabond ou citoyen ? Il n'était pas armé. Citoyen alors ? TOI PRESENTER, ELFE.

Et il lui hurlait déjà dessus ! Quoique, c'était peut-être là sa manière de faire habituelle, ne prenons pas la guêpacide.* "Stej, forgeron du bled d'en bas" préféra répondre l'elfe alpagué en haussant les épaules. Il continua même son bonhomme de chemin jusqu'à arriver à une distance de sécurité raisonnable de l'orc. "Et si tu me disais ce que tu fous là l'ami ? Ils flippent tous à côté."
.

*Guêpacide : une bestiole des enfers inventée sur le tas que l'on retrouve sur les marais du domaine Niraen, ressemble vaguement à une énorme guêpe rouge-verte agressive au venin très très corrosif.

Stej, forgeron. "Forgeron" est un titre aussi ? Plus commun que "Grand Jardinier", certainement. Dans l'hiérarchie des titres, Zenkûga se considéra plus haut sur l'échelon que cet elfe noir. Il n'avait pas ajouté "Grand" pour rien après tout. NOUS PAS AMIS, clarifia-t-il d'abord. MOI ÊTRE ZENKÛGA, FILS D'ASKOTH, VAINQUEUR DE DRAGONS, BOUCHER DU SUD, LECHE-OS, CRAQUEUR DE CRÂNES, TRIPLE SANG, GRAND JARDINIER. L'un de ces titres n'était pas comme les autres. ET MOI VIVRE ICI.

Y'avait clairement un nom qui faisait tâche dans la liste et c'était pas Vainqueur de Dragons (quoique, il demanderait à voir). "Tu viens des enfers ?" se surprit demander Stej. Le squatter en herbe ne paraissait pas agressif - pour l'instant - donc autant rester sur un discours amical même si "PAS AMIS". C'était que notre Stej était un elfe civilisé... .... ..... non je déconne, il était juste foutrement ravi que l'orc reste et emmerde les autres péquenauds du coin.

S'il venait des enfers ? Drôle de question. On avait jamais questionné le fait qu'il était un orc. A moins que l'elfe voulait lui demander s'il venait littéralement des enfers. Drôle de question aussi. Tout était possible, mais Zenkûga devait, pour sa part, encore rencontrer un orc assez vieux pour avoir vécu là-bas. HEIN ? Euh, oui, oui. Tout ça est traduit par un mot, clair et nette.

Bon... au moins il avait la preuve que c'était un orc. "On va oublier le avant et se contenter du maintenant je crois" fit Stej presque pour lui-même. L'elfe noir continua d'empiéter sur la propriété dans un détail, disons, l'interpella. "C'est pas le pied de Hobb qui dépasse... ? Sérieux mec, où as-tu appris à enterrer des cadavres ?" Du travail bâclé ça, ah la la...

Zenkûga croisa les bras. Il n'était pas nécessairement ravi de la critique sur son excellent travail de Grand Jardinier. Et puis... qu'est-ce qu'elle en savait, la brindille ? Était-il un concurrent peut-être ? Le retraité se pencha vers Stej les yeux plissés, comme si ce serait marqué sur son front. TOI ÊTRE JARDINNIER ?

"Non, forgeron. Mais je sais planquer correctement un corps. Ça... ne s'oublie pas il paraît" répondit-il platement, pas le moins du monde impressionné par la montagne de muscles. Enfin, techniquement, l'elfe avait tout ce qu'il fallait dans sa cahute pour faire disparaître ce crevard -et crevé- d'Hobb... non, oublions, la chair brûlée avait une odeur terrible. "Est-ce que Zenkugâ le Grand Jardinier a une pelle pour rattraper ça ? Je veux bien faire croire aux autres limités que tu viens en paix mais ils risquent légèrement de douter là" argumenta Stej en pointant du pouce la botte qui sortait de terre.

Pas jardinier, donc pas concurrent. C'était assez pour retrouver son sourire tordu de dents non-brossées. ZENKÛGA ÊTRE EN RETRAITE, répondit-il, car ça lui semblait suffisamment pour prouver ses intentions tout à fait paisibles. ZENKÛGA AUSSI PAS GASPILLER BON ENGRAIS. On recycle, toussa toussa. STEJ, FORGERON DE BLED, TOI AUSSI ÊTRE EN RETRAITE ? demanda Zen en se dirigeant vers la petite cabane pour trouver une pelle.

En retraite ? Ah, il ne s'était jamais vu positionné comme ça mais ça sonnait trop vieux schnock pour que le peu d'égo encore intacte de Stej le supporte. "En retrait" préféra-t-il et osef si l'orc ne saisissait pas la nuance. "Je fais une pause à durée indéterminée... les cadavres font de si bon engrais que ça ?" C'était toujours un truc à savoir ; tout comme la manie de Zengûra de lui affubler des noms à rallonge, même si ça allait vite le gaver. "Et appelle-moi seulement Stej tu veux, j'préfère, avec Noiracier si vraiment tu y tiens."

STEJ, NOAR-A-CHIER, répète l'orc (un peu sourd) en hochant la tête. En vrai il ne savait pas si les cadavres faisaient du bon engrais. Il était nouveau dans le Club des Jardiniers. Mais c'est bien en testant qu'on découvre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, n'est-ce pas ? ZEN ENCORE VOIR SI GOBLIN PLUS BIEN QUE HUMAIN POUR ENGRAIS. TOI DECOUVRIR QUAND ZEN DECOUVRIR.

"A-CIER ! Noir-A-Cier !" rattrapa rapidement le noiraud avant que l'appellation peu seyante reste. Donc il avait là une peau verte en retraite, c'était plutôt cocasse et inhabituel. "Je te rapporterai des gobelins dans ce cas, ils sont très mauvais payeurs et j'ai horreur de ça. De vieux doigts pour des tests, ça t'irait ?" Dans dix minutes, ils échangeront des recettes de cuisines de grand-mères à ce train...

L'elfe lui offrit de l'engrais tout beau tout frais pour son jardin. Ce n'était peut-être pas assez pour lui faire confiance, mais ils pourraient au moins partager un verre autour d'un repas digne d'un orc. Zen posa sa main sur l'épaule de Stej Noir-Assez (main qui faisait quasi la taille de la tête de la brindille, au passage) et le força à tourner vers la cabane qui lui servit de maison. TOI ET ZEN MANGER REPAS.

Ah ben on n'en était pas loin, des recettes de cuisine. Stej appréciait aussi que sa jambe soit dans un bon, auquel cas la lourde pattoune de l'orc l'aurait fait grimacer (mais ça restait une sacrée pattoune quand même ! Une baffe et il serait porté disparu.). "Volontiers l'ami" ne chercha pas à le contredire l'elfe noir, ne serait-ce pour garder sa tête sur les épaules. "Attend... tu sais cuisiner ??" Oui bon, il restait tout de même un brin suicidaire, on ne se refaisait pas son âge.

"Cuisiner" était probablement un grand mot pour ce que Zen pouvait faire dans une cuisine. D'ailleurs, "cuisine" était aussi un grand mot pour ce qui lui servait de cuisine. Zenkûga avait hérité le four en brique de l'ancien propriétaire, mais il n'avait toujours pas vraiment compris comment l'utiliser. Si jamais quelqu'un se demandait pourquoi il y avait encore un grand feu de camp à côté la maisonnette, c'était pour cette raison là. TOI PENSER ZEN PAS SAVOIR METTRE VIANDE DANS FEU ?

"Je ne doute pas de cette partie-là... je me débrouille perso donc je peux filer un coup de main... si tu veux.... pour gagner du temps....?" modéra-t-il histoire de ne pas froisser son égo. "Les femmes aiment bien les hommes qui savent cuisiner, j'ai dû apprendre." Quoi ? Il était un homme aux multiples talents !y

Quand l'elfe lui raconte que c'est ce que les femmes aiment bien, Zen lui montre un regard rempli de sous-entendus. Capiche. Enfin, mi-capiche. Les ex de Zen n'étaient pas tombé sous ses charmes de cuisinier. C'était sûrement ses nombreux titres ou ses prouesses au combat. PAS FEMMES A IMPRESSIONNER ICI. SI TOI CHERCHER FEMME, TOI DEVOIR AVOIR PLUS MUSCLES.

Logique de barbare, Stej ne s'en offusqua pas. "Mec.... tu fais deux têtes de plus que moi et même ta pelle paraît plus solide que ça" dit-il en présentant son gabarit de brindille. "Si y'a des femmes qui se pointent ici en cherchant un homme, un vrai, j'ai aucune chance face à toi. Donc... laisse-moi mes chances sur la bouffe." Lucide le petit elfe. Mais de là à tomber sur une meuf qui préférerait Zen à lui... ils ne doivent certainement pas avoir les mêmes goûts qui plus est (et Stanéria ne veut absolument pas savoir si son personnage a déjà tenté l'expérience avec une orque... mais se doute que oui....).

Ca le fait rire. Et pas un petit rire poli. Un gros rire qui fait fuir quelques oiseaux dans les arbres derrière sa cabane. Il est pas mal, ce mec. Au moins il comprend l'ordre des choses. TOI AVOIR RAISON. FEMME ORC TOI BRISER EN DEUX. MAIS ZEN PROLABLEMENT AUSSI BRISER EN DEUX FEMME ELFE, ZEN PENSER. NOUS PAS RIVALES. Ils allaient attirer des conquêtes bien trop différentes.

Est-ce qu'il venait de s'imaginer un plan à quatre avec Zen ? Oui. Est-ce que sa joueuse voulait en parler ? Certainement pas !! "J'étais pas venu ici pour chercher un rival, j'en ai eu ma dose jusqu'ici et bien plus que des femmes." C'était dire s'il avait eu beaucoup de rivaux ! "Mais promis, si une jolie orque passe dans le coin, je lui indiquerai ta cabane... j'te laisse t'occuper de la viande du coup ? J'vais faire de légumes" proposa-t-il.

Le pouce en l'air que lui montra Zen indiqua que tout était ok pour lui. Il était peut-être jardinier noob, mais grâce à la nécessité de se nourrir chaque jour, il avait au moins compris comment rôtir de la viande. Plus ou moins. Le problème ici était la viande. NOUS DEVOIR PARTIR CHASSER. C'est pas comme s'il avait une réserve. Il aimait sa viande bien fraiche.

..... il était sérieux là ? Quand il lui disait de s'occuper de la barbaque, il ne pensait pas s'occuper dans genre encore vivante à achever ! "Nous ?" réalisa également l'elfe. "J'ai qu'une dague et j'cours pas, je préviens." Sous-entendu qu'il était tout de même OK pour la chasse même s'il râlait intérieurement.