Rappel du premier message :



La Réponse D venait de s'évaporer. Soudainement seule, Furaha s'affaissa contre le bureau dans un soupir. Son esprit était autant en ébullition qu'il s'enlisait dans des sables mouvants issus d'un mélange entre le choc, la peur et la fatigue.

Depuis qu'elle avait confronté Muse, la Shaman n'avait guère pu fermer l'oeil. Il avait fallu prendre en urgence le rôle de Cumulo, ce traître infâme qui les avait trompés depuis tout ce temps, et réfléchir au problème posé par Julio. Elle ne savait même pas si elle ne faisait pas une monumentale erreur dans sa réponse au sondage. Y songer avait mangé ses heures de repos.

Furaha se frotta le visage d'une main lasse et soupira à nouveau. Depuis que ses collègues l'avait projetée au rôle de Directrice, elle n'avait pas quitté la tenue cérémonielle des Nuru mais même cet habit-bouclier ne lui semblait plus suffisant pour camoufler à quel point elle était terrifiée à l'idée de se tromper, et de mener tous les autres dans son erreur.

Son Simba lui manquait atrocement.

Mais elle ne pouvait plus le joindre depuis qu'ils avaient coupé le flux des Esprits. Même Palasimbhala était retourné sur l'île rassembler des alliés. Elle se sentait tellement seule...

Mais elle n'avait pas le temps de s'apitoyer sur son sort. Peut-être qu'un dernier tour dans l'ex-bureau de Cumulo lui permettrait de trouver des indices qui avaient encore échappé à ses nombreuses fouilles...

La taquinerie agaça Oriana de bon coeur. Ton côté Papou ressort. Contente de le constater. Furaha parla ensuite de sa famille. Je comprends. Je pense aussi à toute ma familia en Argentine... Je me bats pour eux aussi. Tiens, en parlant de Jelani, il faudra vraiment que tu me le présentes un jour. Oriana laissa s'écouler quelques secondes, contemplant derechef la vue de la fenêtre de la nouvelle Directrice. Réfléchissant à l'option que Furaha avait suggérée avec hésitation. Elle inspira. ¿On ne va pas avoir le choix, pas vrai? Il va falloir invoquer les autres Esprits cardinaux. Malgré le risque, c'est notre seule chance de sauver le monde.

"Tu n'auras qu'à venir au Domaine Nuru, quand tout cela sera fini." L'offre n'était pas anodine : camouflé du reste du monde, le Domaine ne s'ouvrait que rarement aux étrangers. "Tu y serais la bienvenue mon amie." Une ombre passa sur son visage, effaçant le sourire, et elle se leva pour se poster près d'Oriana. Un soupir lui échappa. "Et pour finir cette affaire, il faudra bien lever le tabou et invoquer les Esprits Cardinaux. Nous ne pouvons plus nous leurrer. C'est la seule chance qu'il nous reste."

Sí. Notre seule chance. Elle regarda dehors, puis serra les poings. Une détermination sans pareil l'envahit alors qu'elle remettait son masque. Et on ne pourra pas les invoquer sans l'aide de nos amis Esprits. Sans compter le fait que Raún et Cryptos me manquent... Espérons que le résultat du sondage penchera vers la meilleure décision.

"Il penchera vers la décision du plus grand nombre." Furaha sourit à son amie. "Quelle qu'elle soit, ce sera une décision que nous assumerons ensemble. Et c'est de notre unité que viendra notre force."

Tu as raison, dit-elle derrière son masque. Nous allons gagner. Ensemble. Pour nous, pour nos familias, pour les générations futures, et pour les Esprits. Elle se leva. Dans tous les cas, il nous faudra préparer des expéditions. Pour nous rendre aux endroits où ils peuvent être invoqués. Moi, je commencerai par Nuruk : non seulement car c'est mon Esprit cardinal, mais aussi car elle me semble la plus puissante pour se tenir face à Favelras. J'emmènerai au moins Henrik avec moi : lui aussi est du campus Nuruk, et je suis sûre que ça le démange d'en découdre avec les Brisemorts, d'une manière ou d'une autre. ¿Y tú? ¿Quel est ton choix?

"Nuruk." répondit sans hésitation Furaha. "Je n'ai pas le bon état d'esprit pour Papou, qu'il me pardonne." Elle en avait trop sur l'esprit pour le rire. C'était plus la lionne qui s'exprimait.

Les yeux d'Oriana laissèrent entrevoir de la joie face à la réponse de Furaha. Dans ce cas, ce sera à nous deux de jouer. Une fois que l'Administration aura fait part de sa décision, il nous faudra partir sur-le-champ en Indonésie pour nous rendre au temple de Nuruk. Pour ne pas laisser la moindre seconde d'avance aux Brisemorts. Elle fit des aller-retour. Pour Néfertiri, c'est Stonehenge. Je me souviens y être allée avec ma familia... C'était l'un des rares voyages qu'on pouvait se permettre financièrement, mais jamais je ne l'oublierai. Et pour Papouhaoupout...

"Aux Etats-Unis. Dans leur zone d'extraterrestres..." Autre raison faisant qu'elle n'était pas la mieux adaptée à cette mission particulière. Trop traditionnelle pour concevoir une telle modernité. Son petit lion adorerait, lui... ahlalala ! Il lui manquait ! "Nous ferions mieux de nous reposer avant le départ. Je te verrais plus tard, Oriana."

La zone 51... Je vois. Furaha lui recommanda ensuite de se reposer. Une demande derrière laquelle elle put facilement voir que l'arrivée toute récente à ce poste à très (très) haute responsabilité avait bien lessivé son amie, sans compter tous les évènements survenus juste avant. Elle hocha la tête et se leva. Reposez-vous bien, Madame la Directrice, fit-elle en s'inclinant avec le mélange d'humour et de compliment sincère, comme à son arrivée dans le bureau. Reprenant son bâton, elle se rendit à la porte.

"Toi également, mon amie." lui dit Furaha en souriant. Elle ne comptait qu'étudier quelques cartes des lieux d'invocation avant d'aller se coucher.