Rappel du premier message :


Avait-il été invité ? Pas le moins du monde. Etait-il inscrit sur le registre ? Naturellement.

Sa présence n'avait rien d'un hasard. L'elfe se contentait pourtant de flâner, assistant à la vente aux enchères sans y participer, mais personne ne lui avait posé de question.
Peut-être n'osaient-il pas. Nul n'était prêt à risquer un indicent diplomatique, la tenue et les bijoux qu'il arborait suggéraient une richesse et un rang social élevés. Peut-être étaient-ils intimidés. Son apparence presque féérique, son visage d'une finesse ambigüe, il était difficile de savoir comment l'aborder. Et conscient de ses atouts, il considérait son entourage en souriant.

L'elfe n'avait jusque là, adressé la parole à personne. Durant la vente aux enchères, il avait seulement observé, prenant des notes dans un petit carnet. Certaines œuvres avait suscité son admiration, mais visiblement pas assez pour qu'il mette la main à la bourse.
La vente terminée, il se fondait maintenant dans la foule des gens aisés. Beaucoup de notables, principalement humains, suivis de près par leurs gardes du corps respectifs. Détail mémorable, l'un d'eux s'était attaché les services d'un orc. Et cet humain le dévisageait depuis quelque temps. Il s'approcha donc, et l'humain détourna les yeux, agrandissant son sourire. Il vint sur son côté, frôler sa manche.

Suis-je à votre goût, messire ?

"Il faut réellement une raison pour boire ?" demande l'orc l'oeil ravivé par un rire silencieux.

Pas nécessairement. L'amusement semblait décidément contagieux. Mais c'est toujours meilleur en bonne compagnie. Sa propre pinte arriva juste à propos. La serveuse qui la déposa regarda l'elfe un peu trop longtemps, et à son départ ce dernier pouffa. Il leva sa choppe vers l'orc. On trinque ?

Trinquer, oui, mais à quoi ? L'orc dut mobiliser tout son esprit encore disponible pour proposer :

"Trinquons au chômage technique !"

Après avoir choqué sa pinte contre celle de l'orc, l'elfe parut un instant pensif.

Hm... Son expression se mua en moue dubitative. C'est un peu à cause de moi que tu en es là.

"C'est pas toi qui a foutu mon employeur en taule !"

Comme chaque homme, il ne pouvait s'en prendre qu'à ses propres exactions. L'orc vida sa pinte d'un traité et la tapant sur le zinc demanda :

"Une autre !"

Pas exactement... S'imaginer justicier, défenseur de la veuve et de l'orphelin... Il éclata d'un rire aussi léger que franc. Manquerait plus que ça !

Le nez dans sa choppe, il garda un sourire très marqué dans les yeux en regardant son camarade orc commander à nouveau, de la plus efficace des manières.

Garde du corps, que fais-tu d'autre ?

"Mercenaire, ce genre trucs... Et toi ?"

Non parce que toi c'est écrit sur ton front, elle par contre c'était moins évident. Elle semblait moins à sa place que lui ici, peut-être car elle semblait trop intelligente pour se saouler dans ce bouge.

Moi... Nouveau rire. Je n'ai pas vraiment de métier.

Il fit tourner le liquide ambré dans son contenant avant d'en boire une nouvelle gorgée. Dernièrement, redresseur de torts. C'est un métier, ça "redresseur de torts" ? C'était incontestable à sa manière de le dire, l'elfe n'était évidemment pas habitué à "redresser les torts".

"Ça l'est si tu te fais payer pour." dit l'orc en portant à nouveau à ses lèvres sa chope.

Le monde n'était pas si compliqué que ça quand on était un orc éméché.

Se faire payer pour... L'elfe faillit en cracher sa bière. Raté. Hilare, il termina sa gorgée, avant de s'étouffer avec. J'y songerai. Le son de sa choppe contre le comptoir ne suffit pas à couvrir son rire. En attendant, je me suis bien marré. Et il se marrait encore.

Le problème avec cet orc, c'est que lorsqu'on rit de lui il se persuade qu'il a un super sens de l'humour... Et comme chaque bof le sait : elfe qui rit à moitié dans ton lit.

"Ça te dirait de prendre une chambre ?" demanda celui qui après plusieurs pintes ne doutait plus ni de son humour, ni de son charme...

Le rire de l'elfe s'interrompit un instant... avant de repartir de plus belle. Visiblement il ne l'avait pas vue venir celle-là. Il finit par se calmer, essuyant une petite larme au coin de ses yeux bleus. Puis il considéra l'orc, et sa pinte vide...

Attends... Tu es sérieux ?

Un sourire vint étirer le coin de ses lèvres, tandis qu'il remuait le fond de sa propre bière.

Je ne te pensais pas comme ça.

Nouveau froncement de sourcils chez l'orc, l'elfe a dit oui ou non ? Il n'est pas très certain, et pour dire vrai il n'est plus certain de grand chose.

"Tu veux ou tu ne veux pas ?"

Merci Moira, vraiment, sans toi il ne se poserait sans doute même pas la question...

L'incompréhension de l'orc mua l'expression de l'elfe en sourire tranquille. Il avait néanmoins l'air de beaucoup s'amuser. Il se pencha vers lui, détaillant les traits de son visage.

Ce n'est pas une habitude. A nouveau, ses doigts taquinèrent le menton de son compagnon. Mais tu n'es pas mal du tout, pour un orc, et même bourré, plus intelligent que la moyenne. Il retint un rire derrière son poignet. ... Pourquoi pas.

"Tavernier une chambre !" tonna l'orc que le compliment (ou l'alcool) avait rosit ses joues. L'homme qui leur avait servit à boire, était ravi qu'ils vident un peu plus leurs bourses dans son établissement, sans mauvais jeux de mots. Il leur tendit une clef, un numéro noté sur un bout de papier jauni en pendait.

"Montons !"

Après toi. L'œil royal et brillant de l'elfe suivait dans les escaliers la démarche un peu lourde de son compagnon de beuverie - qui deviendrait bientôt son compagnon de chambrée. L'alcool faisait des ravages, mais si l'orc avait un coup de mou, l'elfe semblait prêt à prendre les choses en mains... sans mauvais jeu de mots. Le voilà qui poussait la porte.

La chambre n'avait rien de très accueillant, et son lit ne valait en rien celui du pire des bordels de la ville. L'orc ne s'en rendait pas vraiment compte, embrumé qu'il était. Il trouva l'absence de courbes de l'elfe et l'entraina vers le matelas de mauvaise qualité sur lequel il se laissa tomber... L'alcool avait eu raison de lui, et un ronflement tonitruant s'élevait maintenant de sa glotte !

Les mains de l'orc avaient juste eu le temps de l'entraîner sur le lit... avant de l'entendre ronfler. L'elfe se laissa aller à un rire silencieux, après tout la chambre avait été payée... Il enleva les bottes de son compagnon, et s'arrangea pour le mettre dans une tenue plus... confortable pour la nuit. Il se déshabilla de même, comptant bien profiter de cette bouillotte providentielle. Il ne craignait pas le bruit, et le réveil serait... intéressant.

Si le réveil fut intéressant ce ne fut pas pour l'orc qu'une immense gueule de bois avait touché.

"Shhhhhh tu respires trop fort !" dit-il en se retournant tirant toute la couverture vers lui.

Moi ?

A demi-éveillé, mais loin de la gueule de bois de son colocataire de fortune, il en fallut peu à l'elfe pour débarrasser sa langue pâteuse des excès de la veille et se réveiller complètement. Il se releva sur son coude, de manière à pouvoir toucher la joue de l'orc par-dessus son épaule.

C'est toi, qui ronfles...

"Shhhhhh!"

Sans doute que l'elfe n'avait pas compris que la plus importante partie de la phrase n'était pas qu'il respirait trop fort. Quand la main fine se posa sur sa joue il frissonna mais ne râla pas, c'était pas si désagréable une main froide... Enfin jusqu'à ce qu'un haut le coeur le secoue et que ses yeux s'ouvrent en grand, heureusement que le pot de chambre n'était pas trop éloigné car il y vida trippes et boyaux.

L'orc voulait très certainement encore dormir, et l'elfe recula légèrement dans son dos, prêt à lui laisser cette opportunité... mais l'estomac du saoulard s'en mêla, ruinant définitivement ses chances de retrouver le sommeil.

Ca va ?

Il cherchait déjà dans ses maigres affaires de quoi soulager l'orc. Ce ne serait ni le premier ni le dernier... !

L'elfe était-elle aveugle ? Ne voyait-elle pas dans quel mal était ce pauvre orc ?

"Je me porte comme un charme !" ironisa-t-il entre deux élans d'affection de son estomac pour le pot de chambre.

La couverture gisait maintenant sur le sol, et à vrai dire il s'en moquait bien. Avoir froid était finalement plutôt appaisant.

C'est évident.

Sur ces mots l'elfe tendit les plantes qu'il gardait toujours sur lui pour ce genre de cas. Il ne s'agissait rien de moins que de menthe, totalement inoffensive, mais d'une variété assez forte, réputée pour aider à soulager ce genre de maux.

Par on ne sait quel sortilèges les secousses qui le parcourraient cessèrent progressivement, laissant un orc en sous vêtements tremblotant de froid. Une main malhabile chercha autour de lui pour retrouver le couvert de la couverture.

"Merci." dit-il enfin en tournant ses orbes vers l'elfe. Il se figea brusquement, presque stupéfixié.