Rappel du premier message :



Furaha ne se souvenait pas de la dernière qu'elle s'était autant sentie en colère. Sans doute pas depuis que le père de Jelani les avait lâchement abandonnés. Outre l'affront à la Vérité historique, les secrets que Muse avait camouflé avaient subitement éclaté au grand jour, plongeant le monde shamanique dans le désarroi. Sourde aux discours de tempérance, le sang fouetté par le soleil de sa terre natale, Furaha avait invoqué l'Esprit des Voyages pour renvoyer Jelani au Domaine Nuru. Elle avait de plus appris que leurs protections étaient elles-mêmes en danger avec cette pression médiatique sur le monde shamanique.

Alors elle avait demandé à sa mère de lui prêter la tenue traditionnelle de la Matriarche Nuru. La coiffe dorée qui retenait sa crinière opposait à la chaleur de sa colère une fraîcheur bienvenue pour la calmer. Sa tunique blanche et ocre chatoyait contre sa peau brune et l'or de ses bijoux luisait avec la fureur des prunelles d'une lionne ; la même qui flambait dans ses yeux. Palasimbhala s'était assis à ses côtés, ombre immense et noire, soudainement plus menaçante que protectrice.

Ils avaient des questions à poser et ne souffriraient pas de ne pas obtenir des réponses sincères. C'était pour cela, qu'outre l'aide de collègues shamans qu'elle avait rassemblé pour invoquer Muse, Furaha avait sollicité le concours de Setesh pour contredire tout mensonge, dissimulation ou excuse qu'on leur opposerait.

Ils durent bien suivre la cadence car Furaha se dirigeait vers le bureau de Cumulo du pas vif de la lionne en chasse. Elle prit cependant le temps de toquer avant de l'ouvrir sans attendre de réponse, laissant sa tenue cérémonielle attester de la dimension de sa venue. "Bonjour, Monsieur Cumulo." dit-elle avec un sourire qui prit des atours d'un rictus, bien loin du teint ensoleillé qu'elle présentait d'habitude. "J'ai une affaire à porter à votre attention..." Après tout, elle n'avait pas encore mis le directeur au courant.

Je n'en doute pas, ma chère, répond le directeur en se relevant calmement. Ses mains sont pliés derrière son dos alors qu'il fait le tour de son bureau pour faire face au troupeau qui vient de s'introduire au sommet de la pyramide. Mais tu arrives quelques décennies en retard.

Son sourire, qui avait un jour eut l'air réconfortant, n'a plus rien de chaleureux. Les professeurs ont peut-être démasqué le Brisemort le plus puissant au monde... mais le confronter sans l'aide de l'Administration et sans plan réfléchi n'aura qu'un seul effet : le laisser filer comme du sable entre ses doigts.

Cumulo s'effondre. Un petit nuage de poussière trace rapidement son chemin par plusieurs issues du bureau ; entre les pieds des professeurs, sous la porte, à travers les trous dans le mortier, par la fenêtre. L'entité nommé Nimbus n'est plus.

C'est une professeur de mathématique qui prend la parole en premier, quand son cœur a enfin cessé de tambouriné dans son torse. Je... j'avais espéré qu'il y avait une explication... une raison...

Sa confusion fait écho à celle d'autres instituteurs, qui hochent également la tête. La trahison du directeur, qui a tellement apporté à l'école et à l'éducation des Shamans, est comme une plaie ouverte.

Malheureusement, elle n'a pas le temps de la laisser guérir.

Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? demande un professeur avec cet air de ballon dégonflé. Invoquer Muse avait demandé beaucoup d'énergie, mais voir le bureau vide de Cumulo était plus pesant encore qu'une invocation.

Il reste Julio...

Il nous faut un directeur ! s'exclame un autre. On est en situation de crise. Il nous faut quelqu'un pour trancher et prendre des décisions.

Les professeurs semblent d'accord. Quelqu'un doit prendre la place de Cumulo, ne serait-ce que temporairement, le temps de gérer cette guerre contre un être maléfique qui se permet tous les jours d'asservir l'humanité.

Et les yeux se posent sur Furaha.

Je… il… quoi ?! Traitez-moi d’aveugle ou d’imbécile, mais je l’avais pas vu venir celui-là. D’un point de vue purement théorique, je ne pouvais qu’applaudir la contradiction du responsable de l’école (et d’une bonne partie du monde shamanique) qui était responsable d’un sacré bordel sous le nez de tout le monde. Mais bon… en pratique, les Brisemorts et autres tordus comme Favelito, je les portais pas trop trop dans mon coeur. Et ceci nous mène à la réunion de crise où évidemment je ramenai ma fraise. Et au changement de direction de l’école. « Félicitations ! » Et bonne merde, au passage.

Et me... ! Elles se méfiaient pourtant, Oriana et elle ! Au moins avaient-ils démasqué la taupe dans leur défense. Ils ne pourraient qu'en sortir plus forts et...

Et elle entendit Sétesh.

Furaha se tourna et avisa les regards de ses collègues. Elle se vérifia si Cumulo n'avait pas été remplacé par un faux et que le vrai se trouvait derrière elle. Non. Ils la regardaient elle.

"Attendez... vous voulez que je sois votre directrice ?!" De surprise, ses yeux s'écarquillèrent. Puis elle prit une longue inspiration, prenant conscience de leur panique. Il fallait bien que quelqu'un gère ce chaos. "Très bien. Ne nous laissons pas abattre !"

Bonus: