Rappel du premier message :


Maksim Andreievitch étudiait seul à la bibliothèque aujourd'hui car son ami Svyatoslav était malade. La présence de son ami l'avait beaucoup aider à progresser, il avait déjà accompli une belle évolution l'année dernière avec son aide.

Il était hors de question pour le jeune garçon de treize ans de relâcher ses efforts car son objectif était à ce moment-là de rejoindre le rang des meilleurs de la classe pour rendre son père fier de lui et pour rabattre le caquet des moscovites qui le traitaient encore de "provincial" (ce qu'il était mais ce mot avait une résonance dégradante dans leur bouche). Et c'est pour cela qu'il étudiait en dehors des heures de cours.

Ce jour-là, il devait étudier l'histoire et les mathématiques. Il avait lu des livres sur le sujet et prit des notes. Il essayait de faire le jeu des questions-réponses mais c'était plus difficile sans quelqu'un pour lui poser les dites-questions. La tentation de lire les réponses tout de suite était grande...

Viktor agita ses mains mouillées pour en faire tomber les gouttes, sans pouvoir s'empêcher de ricaner. L'plus grand d'quoi ? D'une famille de fourmi ? Mon père à moi, il est au moins quatre fois plus haut qu'toi !

Du haut de ses cent-quarante centimètres, Maksim jauge le petit Viktor.
"C'est beaucoup trop, il ferait plus de cinq mètres si c'était le cas et une crevette comme toi ne peut pas être le fils d'un géant. Je suis le plus grand par ma maturité et mon sens moral ! Voilà pourquoi je m'appelle comme ça. Donc, écoute ce que je te dis, ça t'évitera des problèmes. Allons voir la bibliothécaire."

Pfff, c'est toi qu'y connait rien, marmonna Viktor dans sa barbe. Mais il suivit quand même l'étudiant, en trainant les pieds. La bibliothécaire était toujours à côté du globe terrestre, entourée d'une aura de sévérité qui faisait froid dans le dos.

Ah, vous voilà ! Vous trouverez des chiffons dans la caisse juste là. Au travail maintenant !

Peu enjoué par cette tâche, "le plus grand" s’exécuta malgré tout. Il prit le chiffon le moins sale pour effacer les traces du babouin qui n'avait rien à faire ici. La bibliothécaire leur faussa compagnie pour aider un étudiant à trouver des livres pour ses recherches.

Dès que la bibliothécaire eut le dos tourné, Viktor se rapprocha subrepticement de Maksim et le frappa vivement au visage avec le chiffon avant de sauter vivement en arrière et de faire semblant de nettoyer à nouveau la surface polie. Il tira la langue à Maksim, fier de sa petite vengeance. T'es p't'êt'e grand mais t'es pas bien dégourdi !

Maksim essuya la poussière sur son visage et réajusta ses cheveux châtains. Il fomentait également une vengeance adéquat à ce malotru.
"Ce n'est pas en me salissant que tu deviendras plus propre, sauvage. De toute façon, même en y mettant toute ton âme, tu n'arriveras jamais à ne serait-ce que m'égaler. Hum !"
Na ! Prends ça, mouchard. T'es bien mouché maintenant !

Tu parles vraiment d'un façon bizarre, Tête de Fourmi, renifla Viktor avec une moue ennuyée, pas impressionné pour un sou par les insultes minables de l'étudiant. En même temps, il ne les avait qu'à moitié comprises. Il se concentra énergiquement sur son chiffon quand la bibliothécaire regarda à nouveau dans leur direction puis souffla à l'adolescent : Eh ! C'est quoi qu't'étudie, Tête de Fourmi ? Le garçon était juste incapable de rester silencieux, quelles que soient les circonstances.

"La fourmi est un animal travailleur, ce que tu prends pour une insulte est en fait un compliment, dit le coq. Et pour répondre à ta question, j'étudiais l'histoire et les mathématiques avant que tu n'arrives. Ça te parle ou tu ignores ce que c'est ?"

Viktor se redressa, piqué. Qu'es'tu crois ? J'vais à l'école, moi aussi ! Bien que ce ne soit sans doute pas une bonne idée de le rappeler, étant donné qu'il était censé s'y trouver en ce moment même. Viktor chassa cette pensée et contre-attaqua. Moi les fourmis, j'les écrase, d'abord ! Même si elle font des mathétamiques !

Maksim se dépêche de finir sa tâche de nettoyage. Il la fait bien mais il la fait vite surtout.
"Sans doute es-tu jaloux de leur talent. Essayons quelque chose de facile : trois fois six, combien ça fait ?"

Viktor souffla par le nez, détourna le regard et trouva soudain beaucoup d'intérêt au coin de bois poli qu'il était en train de nettoyer. Chui pas jaloux ! Il râlait si bas qu'il était sans doute incompréhensible même pour Maksim qui se tenait à deux pas. Il lui jeta un coup d'oeil agacé et frustré puis tenta sa chance, un peu plus fort. Et ça fait 5, d'abord !

Maksim eut un rire mesquin.
"Pas du tout, tu en es loin. Trois paniers de six pommes feraient seulement cinq pommes ? Non, c'est six plus six, douze puis douze plus six, dix-huit ! Est-ce qu'au moins, tu sais additionner ? Quatre plus six, ça fait combien ? C'est ce genre de choses que tu devrais faire au lieu de faire le zouave."
Max était content de faire partie de la petit portion de moscovites qui connaissaient ses mathématiques.

Viktor regarda obstinément son chiffon qu'il baladait au hasard sur le globe pendant tout le temps où Maksim faisait son intéressant, une moue butée aux lèvres. C'était pas vrai, il savait calculer ! Enfin parfois... Mais là c'était compliqué, il avait pas son boulier comme à l'école !

Mais cette fois, c'était simple ! Il le prenait pour qui, Tête de Fourmi ? Viktor compta rapidement avec ses doigts avant d'annoncer fièrement : Facile, ça fait 10 ! Tu vois, j'sais compter !

Viktor serra les poings sur son chiffon. Maksim était vraiment un chieur, et lui, du haut de ses huit ans, ne se laisserait pas embêter plus longtemps !

Et alors ? Qu’esse ça peut faire, hein ? J’m’en fiche, d’tes additions ! J’m’en fiche, d’savoir compter !

Le chiffon en boule volait mal mais il était lancé avec assez de hargne pour atteindre quand même Maksim au visage.

Tu peux t’les garder, tes livres et tout l’reste, Tête de Fourmi ! Moi j’préfère la vraie vie, et toi tu sauras jamais c’que c’est passque t’es trop péteux pour ça ! Va t’faire…

Un cri indigné le stoppa et Viktor se tourna vers la bibliothécaire, catastrophé.

Deux fois, cela faisait deux fois que ce sale mioche salissait Maksim au visage ! La vengeance n'avait que trop tarder. Heureusement, le morveux avait fait un tel scandale que la bibliothécaire était revenue à la rescousse.
"Les livres sont merveilleux, mon enfant. Si vous vous tenez convenablement, à six heures vous assisterez à la lecture, sinon je vous ferais nettoyerer les toilettes !"

Viktor se figea sous le regard sévère de la bibliothécaire, jusqu'à ce que ses paroles le fasse écarquiller les yeux avec horreur. J'veux faire ni l'un ni l'aut'e, moi ! Il avait même du mal à dire lequel était le pire. Heureusement, plus rien ne se tenait entre lui et la fenêtre qu'il avait emprunté à l'aller. Alors après avoir tiré la langue à ses deux bourreaux de l'après-midi, il bondit vers la sécurité de l'extérieur.

C'était complètement fou, le garnement filait vers la fenêtre pour fuir un divertissement. La bibliothécaire était bien gentille de lui proposer une échappatoire aux corvées ! Mais il ne s'en tirerait pas ainsi ! Le jeune Maksim n'avait pas froid aux yeux à l'époque. Il n'y réfléchissait pas à deux fois avant de donner de sa personne.
"Je vais l'arrêter !"
Et l'adolescent fonça à la fenêtre dans l'attention d'arrêter le chenapan comme son défunt papy !

Viktor regarda avec étonnement derrière son épaule. Tête de Fourmi le poursuivait ?! Un rictus moqueur étira ses lèvres alors qu'il sautait pour se hisser à la hauteur de la fenêtre ouverte et bondir de l'autre côté. Heureusement, l'arche d'entrée du bâtiment se situait juste en-dessous et Viktor se réceptionna simplement dessus avant de se laisser glisser au sol. Une fois sur les pavés de la cour, il regarda autour de lui en quête de la sortie.

Maksim vit que Viktor avait le choix entre s'enfuir par la rue ou par le parc voisin. Il sauta à sa suite, sans vraiment y réfléchir à deux fois. S'il avait écouté davantage sa tête, il aurait compris qu'il ne servait à rien de courser un vaurien mais l'excitation de la course était plus forte. Il savait d'instinct que Viktor profiterait de sa petite taille pour se faufiler et aller n'importe où, Max devait se montrer plus malin. Il fit exprès de ne pas aller à son maximum.

Tête de Fourmi le talonnait alors Viktor dut prendre une décision rapide. Il y avait une arche, à sa droite, avec une grille mais heureusement la grille était ouverte. Viktor sprinta dans sa direction. S'il atteignait la rue, il arriverait sans problème à distancer son poursuivant. Pourvu qu'il n'y ait pas de garde de l'autre côté du portail !

C'était le jour de chance de Viktor car aucun milicien ou policier n'était présent, seul Maksim était à sa poursuite. Ce dernier accéléra soudainement car il voyait bien que son fugitif ne pourrait pas tourner dans quatre, trois, deux, une seconde !
Des jambes d'adolescent portaient bien plus que cette d'un chenapan de huit ans.

Viktor poussa un cri en sentant son poursuivant se rapprocher. S'il se baissa, ce fut plus par un reflexe de défense instinctif qu'autre chose, mais ça lui sauva la mise : les mains de Maksim qui cherchaient à l'attraper passèrent à un cheveu au-dessus de sa tête. Viktor jeta un regard apeuré derrière lui et se remit à courir de toute la force de ses petites jambes. Il devait trouver quelque part où grimper, vite, vite !

Il y était presque ! Maksim allait attraper ce saltimbanque ! Il y croyait dur comme fer mais il ne fallait pas vendre la peau du démon avant de l'avoir tué. La rue était encore assez peu encombré et la punaise avait toute la place de changer de direction, aussi Maksim prêta bien attention au moment où il choisirait de faire un écart sur le côté et prendre des ruelles, voire… passer à travers une fenêtre. Mais Max le talonnait trop pour le perdre.

La pression d'avoir Tête de Fourmi dans son dos était à la fois exaltante et effrayante. Mais surtout de plus en plus effrayante. Il allait pas pouvoir tenir encore très longtemps comme ça ! S'approchant d'une façade, Viktor tenta le tout pour le tout et bondit pour s'accrocher à une gouttière, battant furieusement des pieds pour trouver des prises et se mettre hors de portée.