Lumi et Ilma ont laissé leur dirigeable dans un village limitrophe de Moscou. C'est pourtant déjà la campagne ! Et c'est plus proche que leur base finnoise. La pollution c'est bien jolie un jour ou deux mais l'air frais est un besoin qui se fait sentir. Les deux filles sont donc ce que les travailleurs appellent au repos, soit un jour de noble comme les autres avec les soucis administratifs en moins.

Après une visite du village qui a été fort sympathique et un arrêt repas dans une auberge fort accueillante, les filles décident d'aller se promener dans la plaine voir les animaux et se rafraîchir dans la rivière car il fait vraiment chaud ce jour-ci.

C'est dans une plaine qu'elles remarquent, surprise, deux magnifiques juments racées. L'une grise pommelée et une autre encore plus immaculée.
"Ooooh ! Crois-tu qu'on puisse les caresser ? demande Lumi à son amie en finnois.
- Elles appartiennent peut-être à quelqu'un..." répond timidement Ilma.
Mais les filles ont beau cherché, aucun maître ou garde-animal à l'horizon.

Lumi se dit qu'une telle chose est en effet étrange mais n'hésite pas à aller investiguer près des juments.
"Coucou, mes belles ! Jolie journée, n'est-ce pas ?" leur dit-elle en russe car leur maître était sans doute russe aussi.

La machine était réglée : Ineska informait juste sa maisonnée qu'elle prenait sa journée pour faire courir Perle à sa guise, sans s'épancher sur les détails. Une jument de pur race taillée pour les courses, bien sûr qu'elle devait se dépenser autrement qu'en de petites balades ridicules dans la capitale. La blonde galopait hors de Moscou jusqu'à un coin isolé, proche d'un village à vol d'oiseau, et laissait vêtements, selle et bride au bord d'un coin d'eau... pour partir la crinière au vent avec son amie équine.

Perle avait vu les jeunes filles la première et tendait déjà le cou vers l'une des enfants, curieuse.

Lumi s'approche donc doucement de la jument grise pour ne pas l'effrayer. Elle s'y connaît suffisamment en faune pour savoir que toute forme d'impulsivité braque les bêtes. Elle avance donc tout en restant dans le champ de vision de la jument tandis qu'Ilma surveille les abords de la plaine à le recherche du fameux propriétaire. Pourquoi "le" d'ailleurs ? N'est-il pas logique qu'il y en ait deux ?
"Ce sont des chevaux de loisir, pas de travail, non ?" demande Ilma en finnois.

Ineska, la plus blanche des deux, s'ébroua pour se rafraîchir de la longue course qu'elles venaient d'effectuer. C'était de toutes jeunes enfants mais ne portaient pas les frusques des paysans, ni même des tenues de ville. Perle, elle, grattait par moment la terre de son sabot, prise entre l'envie de découvrir ces inconnues et s'enfuir au galop (il était étonnant que ça ne soit pas déjà le cas, la présence de sa maîtresse devait la mettre en confiance).

"Oui, elles sont couvertes de sueur aussi," répond Lumi.
Les deux filles portent effectivement des vêtements de pilote, elles ont laissé leurs cache-oreilles au dirigeable et leur gros manteau pour mieux montrer leurs jupes simples et leurs bottes de travail.
"Celle-ci gratte du sabot, je me demande pourquoi... (en finnois) "Pourquoi tu grattes, ma belle ?"

Quelle était cette langue ? Si elle l'avait déjà entendue autrefois, elle ne s'en souvenait absolument pas. Voyant également que la situation n'avancerait pas et que les enfants resteront tant qu'elles n'iront voir d'autres pâturages -et elle était trop fatiguée pour une longue course, il lui fallait se reposer un peu- Ineska mit fin au dilemme de la vraie jument et lui passa devant pour approcher celle qui semblait mieux parler le russe. Peut-être trouvera-t-elle sur sa tenue un indice sur son identité ou sa provenance.

Lumi émet un "oh" de surprise. Elle se demande si son esprit n’anthropomorphe pas de travers la jument qui semble vouloir protéger la grise. Elle tend tout de même la main vers le museau gris de la jument blanche.
"Je ne te ferais aucun mal."
Si en revanche, la jument voulait voir un indice sur les origines de Lumi, elle n'aurait rien de satisfaisant.

Les chevaux -et Perle était une spécialiste sur ce fait- avaient tendance à souvent redresser leurs têtes par accoue, les naseaux dilatés, quand ils appréhendaient une nouvelle personne. Les talents d'imitatrice d'Ineska restaient corrects mais face à un cavalier avéré, elle passerait sans doute pour une jument trop calme. Ou confiante. L'un comme l'autre, une bête dont on devait garder à l’œil mais en excluant la possibilité d'un "démon". La blonde-devenue-blanche expira fortement l'air de ses poumons en approchant le bout de son nez des cheveux à la garçonne de la demoiselle.

Lumi découvre donc la race équidés par ce biais. Ses yeux pétillent de joie quand le museau chevalin inspire l'air autour de sa main.
"Ilma !! Viens donc ! Son museau est tout doux !" (en finnois)
L'autre jeune fille, après moultes hésitations cède à la curiosité. Lumi s'écarte pour laisser son amie être aux premières loges.

Un mouvement instinctif lui fit arquer le cou pour échapper au touché. La surprise passée, elle prit sur elle pour se laisser caresser. Qu'on se le dise, elle n'aimait pas ça et se fut Perle qui vint cette fois à son secours en quémandant également sa part d'attention.

Ilma apprécie davantage la grise que la blanche. Ensuite, naturellement les filles se demandent de ce qu'elles peuvent faire.
(en finnois) "J'aimerais bien monter à cheval, je ne l'ai jamais fait ! Mais comme elles n'ont pas de maître, ce sera difficile. C'est étrange d'ailleurs, de si beaux chevaux. Je n'y connais rien mais ce ne sont pas des rosses... (en russe) "Et si nous les prenions pour les vendre, hum ?"
C'était une ruse pour voir si quelqu'un se manifestait.

Le quelqu'un en question a manqué de peu de se rabrouer aux paroles mais les chevaux, ça ne comprend pas le langage des hommes, n'est-ce pas ? Ineska se retint aussi de rouler des yeux. Au moins, dès que l'occasion se présenterait, elle ferait en sorte de trainer Perle avec elle pour les sauver. D'ici-là, elle laissait la jument grise à sa découverte, faisant mine de son côté que l'attraction était terminée.

HRP:

Ilma regarde avec un léger étonnement le soudain changement de langue de son amie tandis qu'elle caresse la grise.
"À quoi penses-tu ?
- Je ne sais pas... C'est si bizarre. Soit c'est un piège pour voleurs de chevaux mais ça n'a pas beaucoup de sens, soit il y a un changeur-chevalin ici, soit je suis complètement paranoïaque !"
Lumi finit avec un sourire amusé. Elle a bien pris garde de ne pas employer un mot transparent comme zootrope.
"Je blague ! Vous êtes trop jolies pour être enfermées !" (en russe)

Constatant qu'elle n'aurait aucune friandise -Ineska la rationnait terriblement sur ça en dehors des leçons- Perle se déintéressa également des fillettes, l'herbe verte à ses pieds semblait bien plus prometteuse. Jusqu'ici, ces dernières n'avaient pas cherché à les monter ou leur passer un licol de fortune... mais ce discours passant qu'une langue à l'autre ne lui plaisait pas.

Si Lumi avait un dieu, ce serait celui du vent. Elle se concentre sur la douce brise à l'odeur florale quelques secondes avant de prendre sa décision.
"Je m'appelle Lumi, enchantée de vous connaître et... je suis zootrope."
Elle l'a dit en russe au grand effarement d'Ilma, bien plus prudente.

Si la vraie jument restait toute à son herbe, l'autre lui prêta plus attention. Belle tentative de la jeunette mais il était aisé de se dire zootrope pour gagner la confiance des quidams. Leurs tenues ne lui disaient rien et hormis la réaction de l'autre fille, elle n'avait aucune garantir qu'elle puisse dire la vérité. Aussi, Ineska la fixa de ses yeux noirs -Dieu merci que son hétérochromie ne soit pas si visible sous cette forme- dans l'attente d'une suite.

Un jument reste placide mais l'autre, l'autre la fixe intensément. Lumi s'approche donc de la jument blanche.
"Regarde bien."
Lumi écarte légèrement sa manche et fait apparaître des plumes grises et rayées de chouette lapone à cet endroit. Elle laisse quelques secondes à la jument pour comprendre.

Voilà la preuve qu'elle attendait. La blanche hocha la tête, d'une manière peu animale, et se détourna lentement vers un bosquet. Un léger hennissement invita Perle à la suivre mais l'appel valait également pour les deux filles. Ineska les mena donc jusqu'à un petit coin paisible en bord d'eau où était sagement rangés un grand sac de toile brodé et une selle d'équitation de belle facture. Une seule.

Lumi et Ilma suivent donc la jument au langage si humain. Ilma est soufflée de voir que l'instinct de Lumi a encore une fois vu juste. Les zootropes sont si rares qu'en trouver trois durant le même mois est extraordinaire. Les deux filles trouvent donc une selle et une seule ainsi que des vêtements.
"C'est exactement comme ça que j'aurais fait !" dit Lumi en russe, signe qu'elle parlait à la zootrope cachée derrière les buissons.

La grise s'arrêta en bordure du trou d'eau alors que la blanche avait continué sa progression. Des clapotis et des brassements d'eau se firent entendre à l'abri des regards, se calmèrent un instant, puis une silhouette de femme remonta la pente. La jeune blonde portait le même regard que la jument blanche, excepté la couleur, et un peignoir usé cachait sa peau délicate, le bas encore dans la rivière. "Sans aucun doute" s'amusa Ineska. "Enchantée jeunes filles."

Il ne fait aucun doute aux jeunes filles que la femme devant elle était une dame.
"C'est un honneur et une joie de rencontrer une alliée ! Nous ne vous avons pas trop dérangée ? Je n'y connais pas grand chose en chevaux..."

"J'avoue que galoper ailleurs et vous laisser là m'a traversé l'esprit" sortie la blonde sans emphase. Malgré le minimalisme de sa toilette, elle gardait toutes ses manières et le sel de ses paroles. "Je ne vous jetterais pas la pierre, il est si rare de croiser d'autres change-formes, amicaux qui plus est, mais de grâce mesdemoiselles... oubliez l'idée de vendre un cheval que vous ne connaissez pas." Une légère pointe de sel, trois fois rien.

"Nous n'avons jamais eu l'intention de vendre un être vivant ! Le caresser est plus naturel. Nous sommes des pilotes de dirigeable, nous voyons rarement des chevaux aussi libres."
Habituellement, ces derniers sont plutôt attelés.

"Des pilotes ? A votre âge ?" Elles ne devaient pas avoir la quinzaine ou tout juste. "D'où venez-vous belle oiseau ?" demanda-t-elle surtout à la petite blonde, l'autre semblait moins à l'aise avec le russe. A mesure qu'elle parlait, Ineska sortait de l'eau et dût gentiment repousser Perle qui voulait y retourner. "Pas le temps de la baignade ma grande. Tu t'es peut-être sustentée tout ton soul mais ce n'est pas mon cas." Les gestes eurent plus d'effet que les mots, le chevaux ne comprenaient beaucoup mais restaient limités.

"Oui, quand nos parents sont pilotes, c'est plus facile." Surtout quand on a besoin de bras pour la résistance ! "Nous venons du Duché de Finlande mais en réalité mes parents étaient russes."