Rappel du premier message :



La colonie des dragons-fées est en ébullition. Jamais le jeune prince Fotafilis n'avait vu ça. C'était une vraie ruche dans la cour des quartiers royaux. Princesses et princes se demandent, surexcités, qui allait pouvoir aller au Sommet du Printemps, un évènement rare qui n'a lieu que tous les cents ans. Les ouvriers resteraient à la colonie, naturellement, ainsi que les gardes mais les artistes et les membres royaux pourront participer.

C'est l'occasion de rendre hommage à la Nature, de rencontrer d'autres colonies et d'admirer des représentations de danses et de chants. Soimacé a par exemple été inscrit d'office tant ses talents de danseurs faisaient fureur. Le timide Fotafilis regardait son luth et se demandait s'il serait sélectionné et surtout s'il oserait jouer devant tant de dragons-fées.

Férocia ne participa pas à l'évènement, ayant bien d'autres envies mais elle savait que Fil brûlait d'envie d'y aller alors elle insista pour qu'il y aille sans elle. Sa présence lui manquerait mais il avait besoin de voir d'autres dragons-fées, peut-être se ferait-il même de nouveaux amis dans les colonies des environs.

Finalement, il fut sélectionné et le cortège prépara son départ. Une nuée de dragon-fées vola donc jusqu'à une fontaine entourée de noisetiers.

Soimacé se sentait galvanisé par les cris et les encouragements. ce n'est qu'une fois le spectacle fini qu'il réalisa que certains n'appréciaient pas SA prestation mais celle de Fil, l'effacé. Il le prit à part quand ils regagnèrent leur place de spectateur.
"Alors comme ça, tu brilles plus que moi ? Comment cela se fait ?
- Euh... Non, c'est faux... Tout le monde te regardaient..." répondit Fil, les oreilles basses.

Inconscients à la portée de la conversation avant d'être intervenus, le groupe de frères et soeurs se jetèrent vers Fotafilis en gloussant des félicitations. "J'veux essayer la luth !" chantonna Ely en sautillant. Son sourire la quitta quand les paroles de l'autre dragon-fée la percutèrent. "Z'était bien aussi !" dit-elle en souriant.

Soimacé tint se tête droite et fière. Il jaugea un instant la... bande de gamins en face de lui.
"Certes j'étais bien. Comme toujours," dit-il avant de s'envoler gracieusement à l'autre bout du champignon.
Fil souffla avant de se tourner vers la colonie des drathégons.
"Je suis content que vous ayez aimer ma prestation une deuxième fois."

Ils s'étaient ratatinés quand le méchant dragon-fée les avait mal regardés mais Pisencha s'exclama dès qu'il se fut envolé : "Horrible prétentieux !" Nuwarëliya ouvrit de grands yeux alors que Camomilla tançait leur frère avec l'emploi de son nom d'un ton sec. Il se posa derrière Oolong en boudant. "Excusez mon frère." dit la dragonnelle en souriant d'un air gêné.

Le dragonnet blanc cachait son embarras et chercha à laver l'honneur de son frère.
"Oh, Soimacé n'est pas prétentieux... Il est très talentueux, vraiment. Ni horrible, il me traite plutôt bien."
Son discours est interrompu par l'arrivée inattendue de papillons lumineux.
"Oh, des Lucinellas, elles se collent aux sources de magie."
En effet, les papillons se posent sur chaque dragon-fée présent (sauf sur Ely).

Les dragonnets eurent tous un visage dubitatif mais si la grande personne le disait, ce devait être vrai et ils avaient mal compris la situation. L'arrivée des Lucinellas déclencha une nouvelle vague d'excitation (Pisencha à lui tout seul remplissait la clairière de cris aigus) et d'admiration émerveillée. Nuwarëliya sentit toutefois son sourire tomber quand aucune des charmantes bestioles ne vint s'installer sur elle. "C'est pour ça, peut-être, que mes ailes sortent pas." dit-elle avec la gorge serrée. "J'ai un souci de magie."

"Non, tu es normal. C'est juste que..."
Fil revoyait l'air menaçant de ses parents, en tant que prince, il ne voulait pas déclencher d'incident diplomatique entre deux colonies un jour de fête. Aussi se mura-t-il dans le silence en cherchant dans sa tête une solution pour détourner son attention.

"C'est juste que j'dois suivre ces jolies Lucinellas pour trouver une source de magie et me rouler dedans !" termina Nuwarëliya avec un grand sourire rempli d'espoir. Elle bondit dans le sillage des insectes sans attendre de réponse, ses frères et sa soeur à sa suite, disparaissant bientôt dans la forêt avoisinante.

Fit vit le petit groupe de juvéniles s'éloigner des adultes. Il vola à tire d'ailes vers les dragons-fées adultes en dépit du fait que l'un d'eux lui ait fait peur.
"Votre colonie est partie dans la forêt ! Elle est partie dans la forêt ! Est-ce qu'elle saura se débrouiller ?" dit-il en proie à la panique.

Indifférents à l'horreur terrifiée de leurs pères ("Mais pourquoi ne pas les avoir suivis ?!" "Arrête de crier, Drakssam, nous devons les suivre. Par où sont-ils allés ?") les dragonneaux-fées s'enfonçaient de plus en plus dans la forêt en suivant les lueurs des Lucinellas. Les ombres devenaient de plus en plus importantes, les fourrées de plus en plus touffus, les arbres de plus en plus hauts. Mais, dans leur naïveté enfantine, ils ne craignaient pas la forêt profonde.

Heureusement, un des pères était plus compréhensible que l'autre. Au lieu de tancer le dragonneau-fée de ne pas les avoir suivi, celui-ci comprend tout de suite pourquoi Fil a préféré prévenir et lui conjure de montrer la direction.
"Ils suivent les Lucinelles !"
Fil s'envola dans la direction dont il se souvenait.

"Peut-être qu'on devrait rentrés, on est loin." remarqua subitement Camomilla en regardant en arrière : elle ne voyait plus le sentier qu'ils avaient pris. Nuwarëliya s'arrêta en mordillant ses lèvres, indécise. Elle ne voulait pas se perdre mais elle ne voulait pas non plus perdre la trace des Luminellas ! Peut-être que si elle les suivait jusqu'à une source de magie, elle trouverait ses ailes ! De toute façon, Pisencha prit la décision à leur place en bondissant dans un nouveau buisson... et roulant-boulant dans un fossé ; dans leur panique, ils le suivirent tous. (A l'autre bout de la forêt, deux pères affolés hurlaient leurs noms).

Les dragons-fées laissaient peu de traces d'habitude et les elfes étaient assez légers pour ne laisser qu'une trace de pas infime mais ces juvéniles-là étaient un peu turbulents. Fil donnait de la voix et appelait le groupe.
"NUWARËLIYA ! PISENCHA ! OOLONGUE ! NILGIRIRI ! CAMOMILLA !"

"On a trouvé la fleur magique !" Pisencha paillait tellement en virevoltant partout que ses frères et ses soeurs ne s'entendaient même plus penser. Oolong finit par craquer et se jeter sur leur frère hyperactif pour s'asseoir dessus sous le regard mi-inquiet mi-soulagé de Camomilla et les grimaces de Nilgiriri. Mais Nuwarëliya ne leur prêtait qu'une demi-attention. Elle se rapprocha de l'énorme fleur luisante pour lui murmurer : "Fais-moi une source de magie, s'il te plaît, jolie fleur. Pour que j'ai mes ailes." Mais elle vit soudainement qu'une Luminella gisait morte à moitié grignotée dans le coeur de la fleur. Un cri lui échappa.

Pendant ce temps-là, les dragons-fées à leur recherche suivaient les traces de végétations endommagés. Ils continuaient d'appeler sans succès les juvéniles échappés jusqu'à ce qu'ils entendent et reconnaissent un cri humanoïde. Nuwarëliya était par là !

"ELYYYYY !!!" hurlèrent les dragonneaux en voyant la fleur, visiblement carnivore, enrouler une liane autour du corps de leur soeur. Camomilla s'était figée d'effroi et même Pisencha avait arrêté de gesticuler. Oolong, le plus vieux (de quelques jours) et (surtout) posé du groupe se tourna vers Nilgiriri. "Va chercher nos papas ! Camomilla, rassure Pisencha." Et, ses consignes données, il fondit sur la liane pour essayer de la mordiller. Nuwarëliya n'était pas en reste, à gigoter tout ce qu'elle pouvait... elle finit par suivre l'exemple de son frère, grimaçant du goût acide de la plante.

Fotafilis et les adultes arrivèrent. Le petit dragonneau blanc ne pouvait hélas pas être plus utile que les autres juvéniles. Il n'avait aucune formation guerrière au contraire de Férocia. Mais celle-ci n'était pas là.

"Par Mère-Nature ! Une Mange-Lucinellas !" jura Papa Drak d'un air affolé. Un coup d'oeil et Papa Rooi alla s'enrouler autour des formes tremblantes des dragonneaux tandis que son compagnon fusait sur la plante. "Retourne avec Rooiberos." gronda-t-il vers Oolong, suffisamment sage pour lui obéir. Le dragon-fée vert s'hérissa soudainement et fondit sur la liane à la vitesse du vent furieux, trancha net la plante. Nuwarëliya tomba au sol dans un gros pouf, les yeux larmoyants, et papa Drak dut l'asticoter pour qu'elle s'éloigne. Une fois saufs, un grand soupir leur échappa.

Fotafilis était soulagé de voir la situation sous contrôle à nouveau. Il ne dit rien et n'ajouta aucun commentaire. Que pouvait-il dire de constructif ? Si les parents voulaient réprimander leur progéniture pour s'être éloignée, ils avaient le droit. Le prince blanc hésitait à partir, il se voyait mal réconforter l'humanoïde qu'il avait rencontré juste aujourd'hui alors qu'elle avait sa "famille".

Des remontrances devaient être distribuées mais cela pourrait attendre que l'émotion redescende. "Retournons au sommet." dit Papa Rooi avec LE regard qui indiquait qu'ils n'oubliaient pas leurs bêtises mais en parlerait plus tard. "Nous devons remercier comme il se doit ce petit prince." Il s'inclina devant Fotafilis avec respect alors que Papa Drak l'imitait. Nuwarëliya se mit à rougir en se rappelant qu'elle était la responsable de tout cela.

Fil aurait pu rougir s'il avait une peau d'humanoïde et non de dragon-fée. En réponse à cette preuve inattendue de respect, il s'incline en retour, renvoyant la politesse.
"Je n'ai fait que ce que le bon sens me dictait."
Il se sentait tout de même un peu responsable de tout ce manège. Même s'il n'avait jamais dit que les lucinellas allaient indiquer la prochaine source de magie et qu'Ely devait les suivre…

Toute rancoeur oubliée, Papa Drak enroule sa queue verte autour des épaules du dragon-fée blanc d'un air amical. "Un bon sens efficace, l'ami ! Allez, on va vous offrir un verre de nectar, Rooiberos et moi." Ely se tortillait sur place de son côté, très gênée d'avoir autant gaffée. "Pardon..." murmura-t-elle doucement mais sincèrement. "Je voulais juste trouver ma source de magie pour avoir mes ailes."

Fil était très gêné par ses marques d'affection. Même s'il était prince, il n'avait pas haute estime de lui-même et se trouvait un prince très médiocre. Férocia le tancerait de penser ainsi. La petite humanoïde semblait très triste, un état passager chez les plus juvéniles, Fil le savait d'avance.

Papa Drak et Papa Rooi convinrent qu'ils feraient mieux de tous retourner au buffet. Comme promis, Papa Rooi partit chercher un plateau entier d'amuse-gueules et de nectar qu'il offrit au prince qui avait sauvé ses dragonneaux pendant que Papa Drak ne les quittait pas des yeux. Nuwarëliya s'assit par terre, tancée, et toujours penaude.

Fil but le nectar. Il n'allait tout de même pas refuser un geste d'affection. Et la petite humanoïde était toujours triste…
"Il ne faut pas vous en vouloir, les erreurs arrivent. La Nature est dangereuse parfois. Sinon comment les Mange-Lucinellas survivraient-ils ?"