Rappel du premier message :




Encore une tournée de distribution de lettres à destination d'une petite ville rurale cette fois-ci. Le bâtard - c'est ainsi qu'elle appelle son agaçant collègue - a le don de lui donner de sérieux maux de tête, il l'avait obligée à le remplacer pour la liaison courrier Tomsk - Moscou. L'espace d'un instant, elle avait même souhaité qu'il se couvre soudainement de plumes ou de poils, c'est dire son énervement !

Son  irritabilité ne décrût qu'après  quelques dizaines de minutes de vol, le temps de retrouver la sensation du vent  qui fouette le visage et défrise la crinière. Et le reste du vol se déroule dans un esprit plus serein. Sans pigeons pour lui gâcher la vue des nuages et du ciel azuréen.

Elle survole enfin la ville de Tomsk en effectuant des cercles concentrique au-dessus des minuscule bâtiments, elle cherchait à repérer l'aérodrome ou un champ bien dégagé pour se poser. Nul doute que les habitants ont entendu le vrombissement de son coucou, son Mouton à cette altitude. Repérant enfin un endroit adéquat, elle débuta les manoeuvres pour se poser.

"C'est juste une longue explication." s'amusa Andrei alors qu'Anoushka faisait la moue en choppant le remerciement du coin des oreilles. Elle s'accrocha même à son ami, au cas où la pilote le trouve si utile qu'elle ne l'amène avec lui. "On connaît bien la Grrrande Rue." dit-elle en réponse à la pilote. "Et le quatier de la grare." Attirant Andrei près d'elle, elle lui murmura quelque chose à l'oreille, le faisant secouer la tête avec un petit rire. Elle ne s'en démonta pas pour autant. "Après, j'peux monter avec vous dans vot' av-i-on, m'dame ?" Leur chaperon s'étrangla derrière eux.

Hahaha ! Tu n'abandonnes pas ? Tu es bien persévérante petite ! Si elle continuait comme ça, elle devrait être capable d'atteindre son rêve !

"Nan !" s'écria joyeusement Anoushka qui en semblait fière. "Elle n'abandonne JA-MAIS. Même quand il le faudrait." la taquina Andrei tandis que leur chaperon bougonnait qu'il confirmait. "Alors, je peux aller dans l'av-i-on ? Je peux, je peux ? Après les lettes... lè-te...grrre... tree.... lettres !!"

Eir n'était pas surprise par les deux réponses après avoir vu la bête jeune fille. La pilote sortit un pile de lettres sans répondre à Anoushka ; l'idée de faire durer sa réponse  plaisait énormément à Eir. 32 Rue Godounov, Monsieur Taggornov

Elle n'avait pas eu de réponse... Mais si la Madame croyait qu'elle allait abandonner, elle ne connaissait pas Anoushka Kitaëv la Têtue ! Il restait juste le souci qu'elle ne savait pas retenir les noms de rues. Elle se tourna donc vers Andrei avec de grands yeux larmoyants. Son ami ricana : lui avait retenu la leçon du moment où ils s'étaient perdus. "La Rue Godounov se trouve perpendiculaire à la Grande Rue. Au niveau de la boulangerie avec le pain au lait." Les yeux d'Anoushka se mirent à briller de reconnaissance : le pain au lait, elle savait où il se trouvait ! "Suivez-moi !" Et elle détala en pointant le chemin du doigt.

Elle suivit la fusée  accompagnée par le chaperon des enfants et Andreï. L'enfant était plein d'énergie et lui faisait penser à ces patients  qui gardaient le sourire malgré leur maladie ou leur blessure. Dites-moi, cette Grande Rue est importante ? , demanda-t-elle à Andreï

"Ouais !" Un raclement de gorge dans son dos fit se redresser Andrei avec un air un brin gêné. Anoushka ricana à l'avant. Elle entendait leur chaperon penser tant la chose était écrite sur son visage : ses "mauvaises manières" dépeignaient sur le fils de son maître, un Glazdov ne devait pas parler aussi familièrement, ce n'était pas une tenue de futur maire, et blabla et blabla. Heureusement qu'Andrei restait SON Andrei avec elle.

"Oui, Madame, la Grande Rue est très importante." reprit ce dernier d'un ton plus policé. "Tomsk est construite sur trois avenues parallèles et la Grande Rue jouxte directement le Tom. On y trouve les endroits les plus visités de la ville ! Le Jardin Botanique, le Musée d'Histoire, Gorodskoy Sad qui est un parc à manèges, plein de boutiques, des restaurants et..." Anoushka le coupa soudainement en sautillant devant. "Et des boulangries !" hurla-t-elle en tendant le doitgt vers le bâtiment.

HRP:

C'est intéressant. Le Musée d'Histoire et le Jardin Botanique surtout. , répondit Eir amusée par l'excitation de la petite qui n'en avait qu'après les avions et maintenant... les boulangeries. Elle en a après les croissants ? La pilote croyait bien se souvenir de la proposition de la jeune fille tout à l'heure.

"Non, pas les croissants." répondit Andrei d'un air mystérieux alors qu'elle s'était collée à la vitre pour nourrir ses yeux des bonnes choses exposées en vitrine. "Des brioches." compléta son ami en riant. "Viens, Anou, on va s'en acheter. Vous en voulez une, Madame ?" "Oh oui !!! Des brioches !!!" s'extasia l'enfant en bondissant autour de son ami. Un vrai 'moureux celui-là ! "Des toutes chaudes qui sortent du four !"

Oups, petite erreur de française !  Cela lui allait tant qu'ils ne vidaient pas la boutique de ses brioches, elle avait besoin de l'argent du pari pour  la bouteille  de vin. Eir croisa les doigts pour que les brioches détournent l'attention de la petite de son coucou.  Ils entrèrent dans la boulangerie, le carillon retentissant tandis que le propriétaire relevait la tête pour saluer les nouveaux arrivants venus lui acheter ses productions.

Même après une brioche et demi engloutie promptement et pesant sur son estomac, Anoushka n'était pas du genre à lâcher l'os qu'elle avait trouvé ; ce devait être un truc de la louve, en plus d'être un âne bâté. "C'quoi la pochaine agresse ? Faut donner touuuutes l'lettres pour faigre le tour d'avi-on !!"

Madame Sozalynnov, 8 rue Yuri Gargarine, Tomsk., lut-t-elle ensuite après avoir quitté la boulangerie. Ce qu'elle était têtue la petite ! Tu veux encore perdre un pari, c'est ça ? Héhé. Eir réfléchissait à ce qu'elle allait parier contre un tour en avion pour la petite si elle insistait encore.

"Non.. j'vais gagner un pari. On va touver toutes les rues, hein Andrei ?" L'enfant fit une moue gêné mais ne résista pas au regard plein d'espoir qu'il lui lança. "Attendez moi !" dit-il en trottinant vers un vendeur de journaux auquel il acheta un plan de la ville. Anoushka se précipita à ses côtés pour l'observer faire : elle aimait toujours apprendre à se servir d'une carte. "Là ! Ya plein de g du deuxième mot dur à digrrre." s'exclama-t-elle en pointant une rue. Andrei sourit en hochant la tête. D'un air digne, Anoushka se tourna vers Eir : "Suivez-moi, M'dame !" Et elle enfourna son dernier morceau de brioche.

N'en pouvant plus du comportement adorable de la jeune fille, Eir pouffa fort peu discrètement. Les deux enfants s'étaient procurés une carte pour s'orienter dans la ville de Tomsk et semblaient avoir trouvés la direction de la rue qu'elle venait de mentionner. La pilote pensa qu'Andreï était remarquablement doués et cultivés pour savoir se servir d'une carte à cet âge. Elle suivit donc en silence les deux marmots (ou pas, vu qu'elle était en train de pouffer).

Grâce au projet de vie d'Anoushka, les deux enfants avaient de l'expérience dans la lecture de cartes. Les suivant telle une ombre de mauvais aloi, leur gardien marmonna dans sa barbe : "Et ça arrive à se perdre quand ça joue, hein..." En l'attendant, Anoushka dut se retenir de lui tirer la langue avec insolence ; ils n'avaient juste pas pensé à prendre une carte ce jour-là ! "C'est ici !" s'écria-t-elle subitement en tendant le doigt vers une porte.

En entendant le chaperon marmonner ceci, Eir pouffa de nouveau avant de s'éclaircir la gorge. Un pilote ne se perd jamais. Vous savez lire une carte, mais est-ce vous savez reconnaître les étoiles la nuit ? La pilote s'approcha de la porte pour lire le nom qui était inscrit sur la boîte aux lettres et glissa la missive dans la boîte. Posté ! Et maintenant... Monsieur Glazdov... , lut-t-elle sur la lettre suivante.

"Eh ! Mais c'est le papa d'Andrei, ça !" s'exclama brusquement Anoushka en ouvrant de grands yeux. "Père ne reçoit habituellement pas son courrier sur son adresse secondaire de Tomsk." s'étonna Andrei. "Puis-je voir la lettre ? Il y a peut-être un autre Glazdov."

Eir fut surprise par l'exclamation d'Anou et ce drôle de hasard qui la menait au lieu de vie des deux enfants. Aussi, elle tendit la lettre à Andreï pour qu'il vérifie l'adresse. Tiens, voilà.

"C'est bien l'adresse du manoir. " admit Andrei après vérification. Il tourna la lettre pour voir l'envoyeur mais le nom ne lui disait rien. "Etonnant. Ou alors, c'est que le courrier doit finir sa course par la voie locale après son arrivée à Tomsk." Anoushka lui prit soudainement la lettre des mains, souriante. "J'vais le donner à ton père, comme ça, il va êtes moins fâché !" Un autre ricanement secoua leur chaperon mais Anoushka avait déjà détalé à toute allure. Elle pila cependant avant de tourner au coin de la rue et revint attraper la main d'Eir. "Vous v'nez ?"

Normalement oui, ça passe par la Poste mais j'aime bien distribuer des lettres et visiter les villes-étapes de mes voyages ! Ça me dégourdit les jambes après avoir piloté longtemps. La liaison Tomsk-Moscou est très longue ! , s'exclama Eir joyeusement. Comme c'est rusé ! C'est difficile de se mettre en colère contre un gosse serviable qui vous apporte votre courrier. La jeune revint juste après avoir détalé ce qui fit dire à Eir : Petite sauvageonne, tu cherches à égarer tes ainés ?

"Bah non, j'viens vous tirer par la main, v'voyez ?" rétorqua l'enfant avec son aplomb coutumier. Alors qu'ils se rapprochaient du manoir des Glazdov à Tomsk, un aboiement sonore se fit entendre. Les yeux d'Andrei devinrent énormes alors que la bouche d'Anoushka s'ouvrait de surprise... avant de crier de toute la force de ses poumons. "SOBAKAAAA !!" Elle sauta aussitôt s'enrouler autour du chien gros comme un poney qui avait soudainement déboulé. Un homme dans la cinquantaine s'approcha plus lentement, la foudroyant du regard. "Le chien s'est enfui, Mademoiselle Kitaëv."

Etre tirée par la main par une enfant alors qu'elle est bien plus grande que bien des hommes est un peu dérangeant, elle se trouve obligée de se voûter légèrement pour suivre. Je vois, je vois. Puis à l'approche d'une demeure imposante, elle entend l'aboiement d'un chien visiblement familiers aux deux enfants à en juger par leurs réactions. Et cet homme dans la cinquantaine ? Monsieur Glazdov ou un autre serviteur ?

"Père !" s'exclama Andrei en ouvrant de grands yeux. Il ne semblait pas revenir de la présence de Sobaka. "C'pas ma faute, M'sieur Glazdov !" se défendit Anoushka. "C'est la prrremiègre fois que Sobaka est seul sans moi aussi longtemps." Elle prit la tête de son chien pour le regarder dans les yeux, roucoulant. "Tu m'as grouvée, aussi loin d'la maison, mon Soba ? Mais Doula ? Tu as laissé les moutons, Sobaka !" Au mot "moutons", le chien se redressa en cherchant autour d'eux avant de gémir pathétiquement, comme tiraillé entre deux fidélités. Monsieur Glazdov soupira puis fixa la femme qu'ils avaient traîné avec eux. "A qui ai-je l'honneur ?"

La taille de Sobaka impressionne  Eir ;  c'est  un véritable chien de berger qui, étonnamment, a quitté ses moutons pour suivre la petite bergère. Eir Yurievna Palyulina, pilote d'avion-courrier, je vous apporte une lettre.

Le père Glazdov haussa un sourcil étonné puis prit la lettre. "Vous avez besoin d'une signature pour être venue en personne ?" s'enquit-il poliment, mais avec le ton pressé d'un homme pour qui il semble perdre son temps. Tandis que les adultes discutaient, Anoushka babillait son amour à Sobaka tout en essayant de le gronder dans le même temps. Andrei qui observait la scène ne put s'empêcher de pouffer tant le chien semblait confus. "Choisis si tu l'aimes ou si tu le grondes, Anou." La décision fut rapide. "Je l'aime !" dit-elle en s'accrochant à son cou pour l'embrasser sur le museau.