Aujourd'hui, Ina Johansen et sa chienne profitent du vent (très) frais sur la terrasse, simple corniche du camp, tant qu'un fumeur ne vient pas polluer l'air. Eyra, gentille shiba inu, se dégourdit les pattes pour s'amuser, sans craindre l'arrivée surprise d'un zombie. Le soleil qui se lève est de toute beauté. Ina retrouve un peu de sérénité le temps d'un instant perdu. Elle en oublie les gardes qui surveillent l'entrée de la base militaire.

La sonnerie du repas la tire de sa rêverie. La jeune norvégienne se lève et accompagne Eyra à la cantine. Elle prend donc sa ration et celle pour son animal de compagnie. Les gens regardaient Eyra de travers en pensant qu'un animal de confort n'avait pas sa place à cette époque. Qu'ils se trompaient ! Cette chienne sauve des vies. Elle travaille pour gagner sa pâté !

Bien sûr, la valeur d'une vie ne se mesure pas aux services qu'elle donne. Les enfants ont besoin d'apprendre, les vieux de se reposer et les malades de vivre aussi mais c'est tout de même réconfortant de se dire que sa vie a une utilité pour autrui.

Ina s’assoit à une table lorsqu'un militaire s'approche d'elle, l'obligeant à se relever pour saluer. Il lui demande alors de s'occuper d'une nouvelle recrue. Comment ça ?

Oui, comment ça ? S'il avait su qu'on allait l'obliger de travailler ici, Jem aurait réfléchit plus fort avant d'insister de venir. Le camp offrait une meilleure sécurité et une présence militaire qui était plus ou moins réconfortante, mais... taffer ? Vraiment ? Il avait tenté de souligner que l'effort physique n'était pas sa spécialité, mais le maigre "on note" n'était pas la réponse qu'il avait espéré entendre.

"Mais je ne peux pas emmener sur le terrain un mec dont je ne connais absolument pas les capacités ! C'est du suicide !" proteste Ina. Ce à quoi le militaire répond : "Pas mon problème." Avant de s'en aller. Ina détaille le nouveau venu, il est maigre. "Bon, assis-toi. Quel est ton nom ? As-tu mangé ?" D'un autre côté, Ina n'est pas forte non plus. Elle ressemble même à une adolescente. Voyons ce que peut faire le nouveau venu...

Visiblement il passait d'un interrogatoire à l'autre. Jem pris place devant la jeune femme. Comme d'habitude, son regard tenta de soustraire un max d'informations. Ses vêtements, sa coiffure, son expression. La chose la plus évidente était le chien qui mangeait à ses côtés. Il se demanda vaguement si c'était une ration qu'elle avait partagé, ou si elle l'avait reçu en surplus. Je n'ai pas encore eu le temps de manger, non. On lui avait brièvement expliqué le fonctionnement de la cantine, mais il était encore en train de digérer le tas d'info qu'il avait reçu. Et tu peux m'appeler Jem.

"Eh bien, Jem. Dépêche-toi de prendre ta ration alors. Ensuite nous parlerons de tes compétences," dit Ina avec la furieuse impression de faire passer un entretien d'embauche. Ce n'est pas déconnant, c'est effectivement ce qu'elle fait. Elle se décide à sourire pour rasurer. C'était un exercice difficile quand elle tenait ses stands de BDs mais à force d'effort, elle y arrivait... quand elle y pensait.

Jem avait déjà pu prendre connaissance de différents types de gens durant l'apocalypse. Pour ce cas-ci il ne savait pas s'il faisait affaire à :

A) Maman
B) Le Chef
C) Personne dégoûtée de sa responsabilité
D) None of the above

Il y avait toujours des risques avec l'application de sa théorie personnes-types. Les gens étaient parfois surprenant. Généralement non.... mais parfois.

Ça me va. Il se leva pour aller chercher sa ration.

Ina retourne à son assiette de poulet et de patates. C'est une chance d'avoir des férus de jardinage au camp. Ina a beau bien s'occuper d'Eyra, elle est incapable de garder en vie une plante verte plus d'un mois.

Il revint avec ce qui aurait semblé être une maigre ration avant 2070, mais qui ressemblait plutôt à un festin pour Jem. Quand on a vécu sur l'équivalent d'une boîte de sardines pendant des mois, on reconnait de la vraie nourriture pour ce que c'est : un luxe. Il déposa son plateau sur la table et reprit place devant Dina. Il y a beaucoup de poules qu'ils se permettent de servir de la viande ? demanda-t-il par curiosité.

Retour à l'interview. Jem laissa passer les questions alors qu'il mâcha, réfléchissant en parallèle comment répondre. Qu'attendait-elle comme réponse ? Elle n'était pas militaire. Elle avait sûrement mieux à faire aussi. Un truc rapide. Elle cherchait pas à se faire des amis. La vérité ? Un mensonge ? S'il se vendait trop il allait devoir compléter des tâches. S'il se vendait pas assez, on allait questionner l'utilité de sa présence. Un truc entre les deux. Je sais pas si notre activité avant l'apo a encore tant d'importance. On a tous dû s'adapter. L'adaptation est un de mes points forts. Il lui offrit même un sourire. Gros bonus.

Pas de chance pour Jem, Ina ne se laisse pas berner par des beaux discours d'entretien professionnel. Elle aussi a dû vendre ses projets de BDs. "Quelle genre d'adaptation as-tu dû faire ? En d'autres termes : comment as-tu survécu jusqu'ici ? Je me nomme Ina Johansen et j'attends de toi la réponse la plus honnête possible. Ne me cache rien s'il te plaît." Elle n'a pas besoin d'un fanfaron. Les surprises restent au camp, à l'abri du danger.

Elle se comportait comme le B, même si elle avait l'air d'être un C. Sa façon de le questionner était trop étrange. Il l'aurait presque soupçonné d'être une militaire en costume de citoyen. Comment tu pourrais savoir si je te cache des choses ? Il aurait pu être un comédien ou un vendeur de cigarettes avant l'apocalypse. Aucun moyen de vérifier à moins d'avoir vécu dans le même quartier (et il ne reconnut pas son visage).

"Ce n'est pas pour moi. Si tu mens sur tes capacités : tu mourras. Donc, vas-y. Explique-moi comment tu échappes aux zombies, si tu te bats, ce que tu as fait pour t'adapter." Ina n'en démord pas. Elle se sert un verre d'eau, elle a d'ailleurs terminé son maigre repas tout comme sa chienne.

Sans blague. Elle pensait qu'il avait fait quoi ces derniers deux ans ? Si on le lui demandait, les gens à l'extérieur avaient prouvé triplement que c'était des débrouillards. Facile de dire qu'on meurt à l'extérieur quand on est pépère en sécurité. J'évite les combats.

Comment ce type a-t-il pu être accepté au camp ? Il ne partage rien, je dois lui tirer les vers du nez. Pfff, quelle galère ! C'est ce qui se lit dans le regard d'Ina à cet instant précis. et elle le pense. "Sans vouloir être indiscrète : pourquoi as-tu rejoint le camp ? Et que pensais-tu y faire ?"

Je pensais, comme tout le monde j'imagine, d'y trouver de la sécurité. Elle croyait quoi ? Que les gens se pointaient pour le volontariat ? Il y avait toujours un quid pro quo dans ce genre de situation, mais il pouvait certainement se rendre utile à l'intérieur de la falaise, non ? Tu es venu ici pour une autre raison ?

Ina a l'impression que c'est l'autre qui lui fait passer un interrogatoire. Qu'il est relou celui-là ! "Pour organiser l'éradication des zombies." Et tant pis si elle est prise pour une idéaliste. Elle l'est, elle assume totalement. Elle a donc devant elle un gars susceptible de ne pas foncer dans le tas comme de lâcher le reste de son expédition. Elle allait poser une nouvelle question quand elle sentit une présence. Eyra est devenue joyeuse.

S'astreindre à la quarantaine à chaque passage au camp, deux fois par semaine, c'est franchement chiant. Heureusement que Leif n'est pas prude. Mais quelle perte de temps. Au moins, il fait gaffe à ne pas arriver avec des égratignures pour s'éviter la Q2. Krákagrár broute dans les environs du camp, désanglé mais prêt au départ. Il lui fait confiance pour s'en sortir seul le temps qu'il revienne. Puffífl pêche sur la côte. Au moins, Leif ne schlingue pas. Enfin, que le cheval. Et il apprécie l'odeur, lui. Comme il a ramené un cerf de sa dernière chasse, il peut profiter de la cantine. Diversification alimentaire !

Génial. Une idéaliste. Il était étonné que y'en avait encore après deux ans. Ils avaient pas tous crevé dans les premiers mois ? Il avait besoin de toute la fibre d'acteur qu'il avait en lui pour pas rouler des yeux, mais heureusement la jeune femme fut distraite par l'entrée d'une autre personne. Un autre inconnu dans la masse de gens.

"Je te présente Leif. Leif, je te présente Jem, il vient d'arriver et n'a pas d'occupation précise au camp. Est-ce que tu veux te charger de lui et voir comment il s'occupe avec les enfants ?" demande Ina, ravie au plus haut point de trouver une possible échappatoire. Même si l'idée du militaire était de la pousser à former un nouvel éclaireur, elle a l'intuition que Jem ne conviendra pas.

Leif se penche d'abord vers Eyra pour lui grattouiller la tête entre les oreilles. Quand il se redresse, il tend la main vers le garçon. "Leif Ingólfurson, enchanté Jem." Il hausse un sourcil dubitatif vers Ina. "Tu ne le trouves pas trop vieux pour que je m'en occupe ? Et toi, Jem, ça te dit de bosser avec les gamins ?" Dans le camp, il est toujours plus direct. Pas le temps à perdre en atermoiements lorsqu'il doit contrôler l'angoisse d'être coincé dans une grotte. Il n'attend pas la réponse pour passer son carnet à Ina. "J'ai tiré au nord sur plusieurs kilomètres, si tu veux voir mon croquis."

C. Elle essaye déjà de se débarrasser de lui. Si ça l'évite de devoir sortir à l'extérieur, Jem se contentera même de laver les chiottes. S'occuper d'enfants est plus ou moins la même chose, non ? Il ne répond pas immédiatement à la question. Le nouvel arrivant a déjà dévié le sujet et ça l'arrange. Plus de temps pour la réflexion (et, n'oublions pas, l'observation).

"Pose-lui donc directement la question ! Je vais regarder ce que tu m'as amené, c'est très gentil." Ina se concentre donc sur le croquis pour comprendre l'information et retenir le plus de détails possible. Bientôt, elle devra partir, il fallait qu'elle sache quoi faire de Jem. Celui-ci semble être taiseux, le seul moyen de lui tirer les vers du nez serait de ne pas lui laisser le choix mais Ina n'est pas le gens de personne à abuser de son autorité.

Leif laisse le garçon à ses réflexions et poursuit son chemin vers la file d'attente pour récupérer un plateau. Il a déjà posé la question une fois, c'est bien suffisant pour le moment. Il revient quelques instants plus tard avec une assiette remplie de légumes et de céréales, ce qui lui manque le plus avec sa vie vagabonde dans les bois. "C'est suffisamment clair, Ina ? Je ne suis pas toujours très adroit quand  Krákagrár tölte. Néanmoins, j'ai croqué une journée entière vers le nord, plutôt vers l'est, vu que je viens de l'ouest." Il mâchonne quelques bouchées avant de se tourner vers Jem. "Du coup ?"

Je sais pas. Mi-mensonge, mi-vérité. Il n'a jamais eu l'opportunité de tester son affinité avec les gamins, même s'il se doute fortement que lui et les enfants c'est pas une bonne équation. Il n'a pas la patience. J'ai pas d'expérience avec les enfants en tous cas. Il s'intéresse plutôt aux croquis qu'a apporté le roux. Vous faites des cartes ?