Rappel du premier message :



Navi avait une connaissance stupéfiante de tout ce qui était plantes et potions, mais il avait une lacune importante pour quelques spécimens dû à l'écriture absolument illisible du vieux Magoras. Ce n'était donc pas sa faute (notez-le bien dans vos carnets) s'il était dans l'obligation de compléter ces lacunes. Ce n'était également pas sa faute s'il avait été agressé par une troupe de gobelins (au moins 10 !) qui lui avait volé son sac de voyage. Heureusement que Navi connaissait ses livres presque par cœur (après presque deux siècles il avait eu le temps de bien les lire).

Bref.

Tout ça pour dire que oui, évidemment qu'il avait été dans l'obligation de manger la plante mystérieuse qu'il avait repéré dans la forêt. Et évidemment qu'il était maintenant très bien au courant des propriétés spécifiques de la plante. Et évidemment qu'il n'avait plus d'antidote pour combattre les effets d'empoisonnement car les gobelins étaient sûrement en train de se laver les aisselles avec.

Et c'est lui ou le monde est devenu hyper.. flou... soudaine—

Elle ne savait pas trop comment prendre cette accusation même pas voilée d’être une criminelle. « Et pourquoi diable veux-tu que je fuie la justice ? » Libérée de son harnais, Ninian s’ébroua, souffla bruyamment et s’éloigna au petit trot pour aller brouter une touffe d’herbe appétissante. Moira ne s’embêta pas à l’attacher : elle savait que l’ânesse reviendrait quand elle l’appellerait.

Vu sa réponse il pouvait en déduire qu'elle ne fuyait pas la justice ou qu'au moins elle pensait pas devoir la fuir. C'est vrai que ces paladins avaient un sens de la justice peu logique. Genre quand on avait essayé de l'arrêter parce qu'il avait rendu quelqu'un plus joli. Plus joli ! On aurait dû le remercier d'avoir ajouté une potion précieuse dans sa boisson (gratos ! en plus !), pas le lancer dans un donjon. N'importe quoi. Les sorcières sont que peu appréciées.

La méprise de son patient eut le mérite de faire rire Moira. « Il n’y a rien de bien sorcier à ce que je fais. Et généralement les gens sont plutôt contents de mes services. » Dans chaque village ou convoi, il y avait bien l’une ou l’autre personne avec une blessure ou une maladie de gravité variable qui avait besoin de soins.

Ah oui ? Il avait peut-être eu tort alors. Peut-être qu'il n'y avait pas de la discrimination contre les sorcières, mais contre les sorciers ! Pouha ! Révélation ! Les gens semblaient jamais si content que ça de le voir arriver dans leur village, lui. Il était pourtant sûr d'avoir trois plus d'utilité qu'une vieille sorcière. Tu utilises quoi comme sort pour te faire aimer comme ça ?

Maintenant que Ninian était dételée et broutait tout son content, Moira revint vers son patient. « Aucun sort. Comme je t’ai dit : je ne fais rien de bien sorcier. Pourquoi, tu as des expériences malheureuses avec la justice du coin ? » Sinon pourquoi partirait-il spontanément du principe qu’elle la fuyait ?

Oh, moi non. Eux, peut-être. Navi était toujours sorti heureux et indemne de ses rencontres après tout. C'est qu'ils peuvent s'exciter pour rien, ces hommes (et femmes) en armure. Tu as pas une brosse par hasard ? demanda-t-il soudainement question de passer aux choses sérieuses. Son bol de soupe était vide donc il était fort temps de se refaire une beauté.

« Une brosse ? J’ai ça, oui. » Voilà une bien étrange préoccupation qui ne faisait aucunement suite à leur discussion. Moira ramassa au passage le bol vide, fit couler un peu d’eau de pluie du réservoir accroché à sa roulotte pour le laver, et rentra le ranger. Elle ressortit avec sa brosse à cheveux (puisqu’elle doutait fort qu’il lui demandait une des brosses dont elle se servait pour le pansage de Ninian).

Miracle ! Elle avait une brosse. Navi avait eu un doute vu la qualité de sa chevelure. Voilà quelqu'un qui n'utilise assez souvent la brosse qu'elle possède ! Minimum une fois par heure pour des longs cheveux lisses et brillant. Et sa pommade spéciale cheveux (mais c'est un secret de commerce ça). Merrrrci. Il roula bien son R en acceptant la brosse. Après avoir retiré les vieux cheveux, il pu enfin se coiffer pour retrouver sa beauté naturelle.

« De rien. » Décidément un drôle d’énergumène. Ou en tout cas quelqu’un dont le sens de priorités et le cheminement mental avaient une autre logique que pour la majorité des personnes qu’elle avait rencontrées au cours de sa vie.

Ils sont si beau, si longs, si lisses, si brillants, si mauves. Ses cheveux : toute se fierté. Si un jour il leur arrive quelque chose, il va pleurer. Ou peut-être brûler trois villages pour se défouler. Mieux ne pas découvrir un jour est la leçon qu'on tire de ce monologue. Bon. Essai n°4. Il avait mangé, il avait reçu une potion-pas-potion guérissante, il était coiffé, encore un peu pâle, mais joli. Navi était prêt. Il se redressa, s'appuyant contre l'arbre à côté de lui et resta debout sur ses deux jambes. Plutôt bon signe !

« Evite de trop forcer, tu n’as pas encore récupéré toutes tes forces. » Les jeunes, j’vous jure. Est-ce qu’elle aussi avait été aussi entêtée, à constamment refuser les limites que lui imposait son corps ? Hmm, Ferghal l’aurait sans doute assommée plutôt que de la laisser en faire trop. Et vice versa. L’avantage des couples de soigneurs (ou inconvénient, selon le point de vue).

Une vieille mémé lui fait la morale ! Non mais c'est honteux. Même pas qu'il la répond. Il sait très bien ce que son corps peut supporter ou pas. Dès qu'il est rentré c'est parti pour un long bain parfumé. Il restait debout même sans l'aide de l'arbre. Pour marcher par contre... Son regard descendit vers la canne (NON. HORRIBLE.) puis vers la carriole. Hmmmmmmm....

Un vraie tête de mule, décidément. Moira observa son petit manège sans intervenir pour le moment, mais prête à foncer s’il se cassait la figure. Autant éviter des blessures supplémentaires à cause d’un malencontreux accident. Aisling, elle n’était pas aussi charitable. « Et maintenant, tu comptes faire quoi ? Partir gambader dans la campagne ? Alors que t’as encore le teint aussi sain qu’un fromage de chèvre avarié ? »

Gasp. La canne venait de le comparer à un... à un... fromage ?! Navi se sentit devenir plus faible qu'avant. Heureusement qu'il était encore proche de l'arbre pour s'appuyer contre dans son moment de faiblesse. Les attaques sur le physique... il n'y a rien de plus vicieux ! S'il avait eu la force il aurait brisé ce vulgaire bâton en deux et aurait enterré les bouts dans des coins opposé d'Heavensaw ! Pouha !

Euh...

Il venait de le dire à voix haute, hein ?

« Bon, c’est fini vous deux ? » Pas un pour racheter l’autre, ils ne valaient pas mieux que deux enfants. Appuyée sur la canne, qui aurait sans doute fait la moue si elle avait eu un visage, Moira se rapprocha de son patient. « Puisque tu ne tiens pas en place, par où est-ce que tu habites ? Tu as plus de chances d’arriver chez toi en carriole qu’à pied. »

Oh et puis si elle le suggérait ! (C'était mieux que de devoir demander. Il était trop fier pour demander de l'aide.) Il faut suivre la rivière par l'est. Mais en général c'est mieux d'éviter les grandes routes. Il y a une tribu de trolls qui habite pas loin. Si t'as un bon nez tu peux déjà repérer l'odeur.

« Autant éviter les trolls. Je doute que Ninian les batte à la course. » Elle tendit le bras qui ne tenait pas sa canne pour aider le jeune homme à rejoindre la carriole, si nécessaire.

Genre il acceptera ! Il avait déjà dit oui pour la carriole. Il n'allait pas utilisé une vieille mémé comme canne ; il y avait des limites. Il zigzaguait donc comme quelqu'un ayant bu trop d'hydromel jusqu'à la carriole et se hissa dedans sans l'élégance pour laquelle il était si connu à Heavensaw (dans sa tête).

Ce qu’il avait la caboche dure ! Bon, ça l’avait sans doute protégé quand il était tombé dans les pommes. Après s’être assurée qu’il ne réitérait pas l’exploit en chemin vers la carriole, elle s’en alla ranger l’infirmerie de fortune qu’elle avait sortie. Il ne lui resta ensuite qu’à ratteler Ninian, et ils pourraient partir.

Oh la la la la la. C'est que la carriole bougeait comme un bateau. Pas idéal pour quelqu'un qui a encore la nausée. Fais moins bouger ce truc   A chaque secouement il perdit encore un peu plus de la couleur qu'il avait regagné au visage.

Il tenait pas en place quand on était à l’arrêt, et il supportait pas le mouvement quand on avançait. Décidément, ils avaient touché le gros lot. « Fixe un point du paysage, ça aide à faire passer la nausée. » Parfois. On verrait bien si ça marchait avec lui.

Ça marchait. Plus ou moins. Le gros lot, le vrai, était pour Moira. Fixer un point lointain et garder la bouche fermée pour éviter que quelque chose ne ressorte lui demandait tellement de concentration qu'il ne dit pas un seul mot durant leur trajet. Quand il ouvrit enfin la bouche une bonne heure de route plus tard, ce ne fut que pour dire : "ICI. Je peux sortir ici."

C’était rare qu’un bout de chemin s’effectue silencieusement. Généralement, Aisling était bavarde pour trois, et Pim se mêlait occasionnellement à la conversation aussi. Mais Pim était trop occupé à fixer les cheveux mauves de leur passager, et Aisling… ne parlait pas pour une raison indéterminée. Quand le jeune homme annonça sans préambule qu’il comptait descendre, Moira arrêta la carriole. « Tu veux que je te raccompagnes ? » Il ne manquerait plus qu’il ait un nouvel accès de faiblesse à quelques pas de chez lui.

Navi plissa les yeux. Elle voulait le suivre jusqu'à sa maison pour pouvoir la cambrioler plus tard, n'est-ce pas ?! Il le savait ! Une sorcière en soif de connaissance ! Certainement ! Mais ça n'allait pas se passer comme ça. Il leva un doigt, le secoua et.... et.... pas d'énergie. Il aurait bien lancé un sort mais il était vide. Non. C'est bon, c'est assez catégorique comme refus ?

D'un côté, c'était la décision du jeune homme, et Moira se voyait mal s'imposer alors qu'il venait on ne peut plus clairement de refuser son aide. Mais tout de même... Il avait toujours un teint maladif et il manquait clairement d'énergie. Et s'il s'évanouissait au milieu des bois ? « Comme tu préfères... » Elle réfléchissait en même temps aux possibilités d'envoyer Fil le suivre juste au cas où. Mais n'était-ce pas trop dangereux pour un juvénile comme lui ?