L'esprit de le pluie prit place dans la jungle environnante de l'école. Imposante, elle dû rapetisser assez pour pouvoir regarder son invocatrice directement sans se tordre le cou et faisait deux mètres, une taille inhabituelle pour une shamane. "Je suis Varsha, en effet. Que désires-tu, jeune shamane ? Une petite douche ? Il y a longtemps que je n'ai pas vu une danse de la pluie en mon honneur qui soit réussite."

Varsha apprécia la marque de respect de cette shamane. Celle-ci lui promettait même de danser pour elle ! L'esprit de la pluie se pencha vers la jeune femme et attendit d'entendre la raison de son invocation tandis que ses cheveux aux reflets verts flottaient autour de sa tête tels des roseaux balayés par les vents.

Sensible aux flatteries mais guère dupe après tant d'années de déception, Varsha garda dans un coin de sa tête le compliment de la shamane. "Rien de tel que la pluie pour vaincre la sécheresse ! De quelle région s'agite-t-il ? Y a-t-il des montagnes, des forêts, des lacs, des champs, des musiques que je pourrais connaître ?"

Varsha voyait le Nil bleu et les plateaux de l’Éthiopie. "Les Nuru ? Hum !" L'esprit de la pluie croisa les bras au souvenir de cette famille qui se dédiait à un seul esprit, un affront pour l'esprit de la Pluie. "Pourquoi n'invoques-tu pas plutôt Palasimbhala ? N'est-ce pas le favoris de cette famille ? Car tu es une Nuru, n'est-ce pas ? Tu ne t'es pas présentée. J'aime connaître le nom de ceux qui m'invoquent." Varsha était curieuse.

"Fuhara Nuru," laissa tomber Varsha d'un air grave et avec hauteur. "Je plaisantais, je voulais te faire peur. Je vais faire tomber la pluie sur l'endroit que tu m'as décris. En échange, je veux une danse de toi en mon honneur et un vase fait par tes mains ! Pour le vase, ça peut attendre mon retour mais je te préviens que je ne suis pas un esprit que l'on dupe." Si nul vase, elle ne trouvait à son retour, ce ne sera pas une pluie bienfaitrice mais un torrent qui noiera le pied des montagnes.

Furaha eut un petit sourire étrangement timide. "Même si c'était pour plaisanter, je suis heureuse d'avoir honoré ta grandeur avec des mots. Et je ferai tel que tu le demandes : une danse et un vase, confectionnés avec attention par mes propres soins, car ce sera bien peu par rapport à la tourmente qui assiège mon pays natal." Elle savait qu'il n'était guère prudent de dire à un Esprit que son contre-don était peu demandé mais sa détresse se mêlait à sa jeunesse pour l'empêcher d'être totalement clairvoyante.

Heureusement, Varsha n'était pas si exigeante et méchante. Elle était capricieuse, un peu colérique et imprévisible mais en temps paisible, elle coulait déjà doucement comme l'eau qui était son élément. "Qu'attends-tu ? Ta famille attend ma pluie, danse pour moi ! Dois-je te donner le rythme ?" L'esprit de la pluie frappa son large ventre et un grondement de tonnerre retentit.

La danse d'abord, le vase ensuite. Varsha observa Fuhara Nuru danser au son de son ventre, un rythme cyclique qui coulait comme la pluie. La danseuse faisait bien son travail et contenta l'esprit. Quand la shamane eut finit, Varsha dit ces mots : "Je vais à présent fait pleuvoir sur la région deux jours d'affilés. D'abord une bruine puis une plus plus conséquente. Quand je reviendrai, je veux voir le début de ton vase. Vas à El Kuzco si tu cherches un four à potier."

Varsha se rendit donc en Afrique, le long du Nil bleu et envoya sur terre une douce bruine pour préparer la terre au renouveau. Elle vit les humains observer le ciel depuis leur foyer et récolter la pluie avec des pots de toute sorte, même des marmites. Ainsi se passe sa nuit et sa journée en Éthiopie.

De l'autre côté du monde, Furaha s'ingéniait sur le tour de potier pour donner à l'argile la forme qu'elle avait imaginé après avoir étudié de nombreux vases des cultures d'Amérique du Sud en les comparant aux formes artistiques africaines ; les deux vases jumeaux étaient prévus comme étant à la fois complémentaires et spécifiques.

Quand la nuit s'abattit sur l’Éthiopie, Varsha renforça la pluie pour renouveler les rivières et les nappes phréatiques du pays. Elle en profita pour discuter avec la faune alentours et admirer les pots et les marmites utilisés pour recueillir ses dons. Quelles charmantes couleurs chaudes et quelle adorable simplicité. Leur surface est si lisse, si belle. Cela lui rappelle les temps immémoriaux où elle fut née.

Elle travaillait jour et nuit, ne s'autorisant quelques heures de sieste que lorsque la fatigue se faisait trop pressante et manquait de déclencher des erreurs ; le vase devait être le plus joli possible ! Elle réfléchissait aussi aux couleurs qu'elle testait sur des croquis avec diverses nuances. Elle comptait garder la couleur naturelle avec des décors dans des teintes de bleu marin.

La fin du seconde jour prit fin et Varsha s'inquiéta de la shamane qui l'avait invoquée, ou plutôt elle s'inquiéta pour son offrande, n'imaginant pas une seconde en avoir deux pour le prix d'un. Elle quitta donc une terre reverdie par les intempéries et retrouva la jungle luxuriante de Bruxia. Elle alla à l'endroit même où elle avait été invoquée, prête à chercher la shamane si besoin.

L'esprit de la Pluie est vaguement étonnée d'être appelé "Esprit de l'eau" mais haussa les épaules. "J'ai fait ce pour quoi tu m'as invoquée. J'attends ma rétribution, mon cadeau." Varsha tenta de regarder derrière le dos de Fuhara, curieuse comme une enfant.

Varsha scruta le vase comme une experte, le visage à quelques centimètres de la surface. Ensuite elle s'éloigna et le tourna sur lui même. Enfin, elle le souleva et le remplit d'eau pour envoyer de la rosée sur un plan d'herbes. Le verdict tomba : "Il est parfait, je l'aime bien !" Varsha créa une copie qui disparut aussitôt entre ses mains pour rejoindre sa mystérieuse collection de l'esprit. Elle rendit le vase matériel à Fuhara. "Tu as dit avoir la moitié de ma rétribution, qu'entends-tu par là ?"

Furaha récupéra son vase en souriant. "Tu conviendras, Varsha, que ce vase est petit. J'ai l'intention d'en faire un jumeau... mais avec l'argile et la culture de ma terre natale !" Elle comptait bien évidemment adapter également le décor à la nouvelle région.