"Ouais. Quand ils seront là, les autres, j'te donnerai toujours du Syl ou faudra être un peu plus formels que ça ?" J'ai des milliers d'autres préoccupations, franchement, mais celle-là pour une raison qui m'échappe j'y tiens.

"Tu es civile. Tu m'appelles comme tu veux" explique-t-il calmement sans comprendre la raison de l'insistance à ce sujet. Capitaine, Medecyr, Syl, Sylomen, ce ne sont que des noms. C'est pratique pour savoir à qui ou de qui on parle. Il un matricule aussi qui n'est utilisé qu'en communication informatique et, pour lui, tous se valent.

"J'voudrais pas que ça puisse..." Que ça puisse quoi ? Bonne question. J'élude d'un geste de la main. "Si personne a rien à dire à comment j't'appelle, alors va pour Syl." Ca me soulage un peu quelque part. J'crois que j'peux pas brûler tous mes repères d'un coup. Pas une deuxième fois. Reste à pas se faire avoir comme la première fois, où le peu de repères que j'avais gardés m'ont servi à rien...

"Je serais l'officier supérieur, personne n'aura rien à dire sur rien." Il n'a toujours aucun sentiment dans cette simple déclaration qui n'est rien de plus qu'une explication du manuel. Il voit mal Sara l'appeler par son titre. Elle ne l'a jamais fait. C'est Sara que d'être familière. Il n'a pas envie qu'elle s'oblige à des bêtises. "Tu sais..." Il hésite, s'interrompt.

Je hoche la tête. C'est bien. Puis il va pour dire un truc et s'arrête en route. C'est pas son genre. Je dis rien. J'attends. Si je dis quelque chose il va soupirer, se lever et partir, je le vois gros comme une maison. Et je veux pas. Je dis rien et je le fixe très fort en attendant qu'il finisse sa phrase.

Elle a l'air de l'écouter et elle ne dit rien. Cela le fait hésiter un peu plus puis il se lance. "Tu n'es pas recrutée de force dans l'AAG. Tu vas partir et vivre ta vie comme avant. Tu devras simplement nous aider un peu de temps en temps." Il baisse la tête parce qu'il se sent vaguement coupable. "C'est mieux que d'être achetée comme esclave sexuelle." Non ? A-t-il eu tort ? Il ne sait toujours pas pourquoi il a agit comme ça. C'était dangereux. Une mauvaise initiative quoi qu'en dise le Commandant.

"Donc...tu ne m'en veux pas ?" Parce que s'il a comprit que le discours de Sara ne s'adressait pas véritablement à lui directement, la question qui le travaille c'est surtout que lui s'en veux...vaguement...de tout ça. Sa loyauté va au Commandant. Mais la loyauté n'est pas tout dans la vie. Il le sait. Seulement ça fait longtemps qu'il ne l'a pas ressenti et ça le perturbe beaucoup trop.

Il ne comprend vraiment vraiment plus rien à ce qu'il passe. Il ne bouge plus. Il se laisse faire. Il ne comprend pas. Il ne veut pas faire de promesses comme il en a fait à sa soeur. Des mots qu'on ne tient pas. Des mots dépassés par la vie. Des mots incompétents. Du coup, il se laisse faire, c'est plus simple. Il reste là, pour elle, pour le moment.

"Mm." Il hoche la tête. Il la rassied sur le lit.

Ca nous sépare. Je sais pas comment prendre le petit bruit, alors je me contente de le regarder, la main encore sur son bras. Des fois qu'il ait des ressources cachées et décide tout seul de m'expliquer ce qu'il a voulu dire. On peut rêver hein ?

Le moment est fini. Il retourne en mode boulot. Je le regarde faire en silence. "Toujours autant de paperasse dans l'AAG ?"

"Oui." En fait, le commandant il a une approche plus basée sur la confiance et la communication que la paperasse proprement dite mais Sylomen l'aime bien, la paperasse, parce qu'elle l'aide à organiser ses pensées et suivre bien sagement les étapes des différentes préparations. Ainsi, il sait toujours ce qu'il faut faire sans avoir à réfléchir ET il est sûr de ne rien oublier.

"Pfffff." Je regarde ce qu'il fait par-dessus son épaule, rien que de voir la gueule que ça a ça me donne envie de me rouler en boule et de dormir jusqu'à l'année prochaine. "Faudra que j'me coltine des trucs comme ça aussi, ou juste je raconte et c'est toi qui remplis ?"

Il la regarde encore, posant une de ses mains sur sa tête pour lui remonter le moral. Ca avait semblé marcher la dernière fois. Il aurait envie de la rassurer d'avantage mais... mais. Il soupire un peu. "Tant que je pourrais le faire, je le ferais."

Je lève les yeux vers lui et je souris un peu, faiblement. Il a jamais initié autant de contacts. J'en ai besoin. Enfin... d'un côté j'ai envie de me rouler en boule sous le matelas pour qu'on oublie mon existence, mais de l'autre je suis contente malgré tout qu'il soit là. "T'es un gars bien." Je me blottis contre lui, la tête sur son épaule.

Il la laisse la. Il la regarde entre deux papiers et calculs de préparation. Il répond dans un soupir. "Non." Il n'est pas un gars bien. Il le sait parfaitement, il n'essaie pas d'être bien. Etre est déjà bien trop fatigant, bien trop difficile.

"Mieux que pas mal d'autres." Une pause. "Ou alors t'es un fieffé connard et tu le caches drôlement bien." Je lève la tête en parlant, pour voir s'il y a une quelconque réaction. "Qu'est-ce qui te fait dire ça ?"